À chacun son histoire ! Après un deuxième récit ciblé sur la Corée du Nord, c’est à la Corée du Sud d’avoir sa trace. Dans cette troisième partie, explications dans les grandes lignes d’un passé tumultueux…
À la sortie de la guerre, la dictature règne en Corée du Sud. Élu en 1952 une première fois, Syngman Rhee est réélu en 1956 suite à une répression massive de tout opposant à son parti autoritaire. Par exemple, il fait arrêter par la police tous les opposants se trouvant à l’Assemblée Nationale. Ainsi, dès le 24 décembre 1958, seuls les membres du Parti du dictateur y siègent. Des émeutes résultent de toutes ces mesures, comme celles de Masan le 15 mars 1960 (ville n’existant plus aujourd’hui) ou encore celles à l’université Koryo à Séoul. Suite aux démonstrations de violence face à ces manifestations, le président démissionne de son poste le 26 avril de la même année. C’est ainsi que la Première République – transformée en dictature – s’achève.
En juillet 1960, de nouvelles élections ont lieu et la Deuxième République naît. Yun Poson est élu président et Chang Myon premier ministre. Malgré ces élections, des révoltes se font entendre. Situation économique difficile, instabilité gouvernementale, autant de difficultés qui mènent à un coup d’état par Park Chung Hee et Kim Chong Pil. Ce revirement conduit à une seconde figure de dictature : après la création de la police secrète – la KICA ou Korean Central Intelligence Agency – en 1961, le nouveau dirigeant, aidé de son second, réprime les opposants à sa politique et s’impose. Malgré cela, Park Chung Hee met en place un référendum pour faire approuver une nouvelle constitution donnant au président des pouvoirs très étendus. En 1963, il quitte définitivement l’armée afin de se présenter officiellement aux élections de décembre. Il est élu et commence dès la prise de ses fonctions à redresser l’économie. Mais, en opposition à son économie en pleine prospérité, un régime de plus en plus autoritaire à l’intérieur du pays se met en place…
Concernant les relations extérieures, il rejete tout pays et tout représentant communiste. Cela provoque la qualification de « pro-communiste » et expose ainsi tout opposant au Parti à un risque d’internement. Malgré tout, Park Chung Hee parvient à redresser brillamment l’économie et se fait ainsi réélire en 1965. Au cours de son second mandat, il établit un traité de normalisation avec le Japon et souhaite se présenter une fois de plus aux élections. Pour ce faire, il modifie la constitution, réglant les élections avec des moyens peu légaux, et est réélu en 1971. De plus en plus impopulaire, il conclut un accord de « réunification libre et pacifique » avec le gouvernement de Pyongyang en 1972. Cela lui fait reconquérir les cœurs sud-coréens et regagner une certaine popularité. Cela le remet en confiance et c’est ainsi qu’il décide d’instaurer une nouvelle constitution donnant, entre autre, la possibilité au président de se faire réélire encore et encore, sans aucune limite. La politique devient de plus en plus autoritaire mais Park Chung Hee réussit à se faire réélire malgré tout en 1978, difficilement toutefois. Il reste au pouvoir jusqu’au 29 octobre 1979, jour où il est assassiné par Kim Jae Gyu, chef des services de renseignements.
Choi Kyu Ha est alors élu président de la République et doit faire face à une situation économique désastreuse. Le nouveau président est rapidement mis à l’écart par un groupe de militaires et Choi décide de démissionner. Chun Doo Hwan, un militaire à la tête du groupe qui a poussé Choi Kyu Ha à partir, lui succède et commence alors la cinquième République en octobre 1980. Président très autoritaire, de nombreuses manifestations ont eu lieu sous son mandat. C’est pourquoi en 1987, lors des nouvelles élections présidentielles, Chun présente son ami Roh Tae Woo comme candidat officiel qui est alors élu le 16 décembre 1987. Militaire dans l’âme, il a quelques difficultés à mener une politique allant à l’opposé de ses conceptions militaires. Il annonce une démocratisation du système politique, et les Jeux Olympiques de 1988 contribuent à faire avancer les choses en apportant un profit incontestable à la Corée du Sud, autant sur le plan national qu’international. Roh Tae Woo, même si ses détracteurs le considèrent comme trop « mou », redonne à la Corée du Sud un caractère démocratique et permet aux Sud-Coréens d’en finir avec la tyrannie et la perversion politique.
Lorsque l’on se penche sur les relations internationales, la Corée du Sud a fait d’immenses progrès. Tandis que Park Chung Hee prônait une politique de maintien des relations avec tout État qui en avait avec la Corée du Nord, les Jeux Olympiques sous Roh Tae Woo ont permis au pays de s’ouvrir au monde de l’Est et à d’autres Etats tels que la Chine ou la Hongrie.
La Corée du Sud a donc connu une évolution politique très mouvementée. Partant d’une véritable dictature qui s’est renforcée au fil du temps, elle est devenue un pays démocratique. Pas aussi démocratique que les États-Unis certes (bien que l’on pourrait avoir des doutes quant à la situation politique de cette puissance aujourd’hui) mais beaucoup plus que son voisin la Corée du Nord. La Corée du Sud fait désormais partie de la communauté internationale à part entière. Devenue l’un des quatre dragons asiatiques, elle a réussi le pari compliqué de redresser son économie après les désastres de la guerre. Aujourd’hui, elle est une véritable référence mondiale du succès. En 2013, elle figure même au 13e rang des puissances économiques mondiales.
Toutefois, il faut noter quelques fausses notes : le taux de chômage est important, à tel point que l’inquiétude internationale se place sur sa situation démographique. Certaines hypothèses prévoient que dans quelques années la Corée du Sud aura la population la plus âgée au monde. D’autre part, bien que son modèle scolaire soit souvent pris en exemple par les autres pays en raison de ses excellents résultats, il est également l’un des plus chers et l’un des plus catastrophiques vis-à-vis de l’état de santé des jeunes : ce n’est un secret pour personne, le taux de suicides juvéniles en Corée du Sud est le plus important au monde.
Cependant, ces mauvais points peuvent paraître primaires quand nous voyons que la Corée du Sud possède aujourd’hui le monopole sur le plan de la construction navale, de l’électroménager, des écrans plats, des téléphones portables ou encore des composants électriques. Le pays asiatique est devenu une puissance majeure, surtout sur la terre asiatique.
Dans l’ouvrage de Pascal Dayez-Burgeon, Les Coréens, un Sud-Coréen explique : « À ma naissance, en 1967, mes parents, mes huit frères et sœurs et moi logions dans la même pièce d’une masure en torchis, située au coin d’une rizière dans le Sud du pays. L’autre pièce, la plus grande, abritait le bétail. En 1975, nous avons pu nous loger dans une ferme de quatre pièces en parpaings et en tôle ondulée. L’eau courante a été installée en 1977 et nous avons été raccordés à l’électricité l’année suivante. Le téléphone a été branché en 1979. C’est en 1980 que j’ai goûté ma première orange et ma première banane, un an avant que mes parents ne se décident enfin à acheter une télévision : tous nos voisins en avaient déjà une. En revanche, en 1984, mon frère aîné, qui avait été engagé par une banque, a été l’un des premiers à rouler en voiture. Dès qu’il s’est marié, il est parti s’établir à Séoul et je l’ai suivi en 1988, juste après mon service militaire. Entrant à l’université, j’ai dû m’acheter un ordinateur comme tous les autres étudiants. Il n’était pas très performant et j’en ai changé assez vite. C’était en 1990 je crois, en tout cas avant que je ne vote pour la première fois, à l’élection présidentielle de 1992. Je ne me rappelle plus la date de mon premier magnétoscope, mais très bien celle de mon premier téléphone portable : c’était en septembre 1996, au retour de mon premier voyage à l’étranger. Il était cher, trop lourd et mon fils n’arrive pas à y croire quand je le lui raconte : il ne permettait même pas de prendre des photos ! Heureusement qu’aujourd’hui les nouveaux mobiles permettent de capter la télévision via Internet, sinon, en juin dernier, comme nous étions coincés dans un nouvel essai de Naro, la première fusée coréenne. » Ce témoignage montre parfaitement toute l’évolution positive de l’économie sud-coréenne. Elle montre également que le pays n’a dépendu et ne dépend de personne pour évoluer. Elle a bâti toutes ses réussites en exploitant ses ressources et en développant son économie grâce à une politique de plus en plus autoritaire. Nous nous répétons mais le pays est devenu un vrai modèle d’évolution réussie.
Ainsi, nous avons affaire à une totale opposition. Bien que les deux états coréens soient partie de la même base économique, politique et sociale, la Corée du Sud est en pleine expansion, sur tous les plans. Au contraire de la Corée du Nord qui est en pleine récession et soulève de nombreuses inquiétudes. Cela nous amène à nous poser la question du pourquoi. En dehors des évolutions et influences politiques déjà établies, pourquoi une telle différence ? Restez connectés pour en connaître la réponse…
Sources :
Les Coréens, Pascal Dayez-Burgeon, 208 pages, p11 à 28, Edition Tallandier, 2011/2013
La Corée, Claude Balaize, Li Jin-Mieung, Li Ogg et Marc Orange, 125 pages, Presses Universitaires de France, 1991
La Guerre de Corée 1950-1953, Ivan Cadeau, 367 pages, Editions Perrin
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