Le mercredi 8 novembre à 20 h 30 se tenait au Musée Guimet une représentation spéciale. Elle était consacrée à la musique folklorique et traditionnelle coréenne. Dix artistes du Centre National Gugak (Gugak National Center ou 국립국악원) se sont succédé sur scène pour nous faire découvrir les instruments traditionnels et les chants folkloriques de plusieurs provinces coréennes. Le sujet étant complexe, les hiboux vous ont préparé un article de présentation des instruments de musique traditionnelle coréens. Bonne lecture !
L’arrivée
Alors que le froid hivernal nous mordait les joues, nous nous abritions, mes amies et moi, dans le grand hall silencieux du Musée Guimet. Des visages familiers apparurent alors que les spectateurs arrivaient parcimonieusement. Installée dans les sièges de l’auditorium, le flyer de l’événement en main, j’attendais l’instant où la lumière tamisée s’éteindrait, et où le silence emplirait la salle dans l’attente des artistes. Ils arrivèrent bientôt !
Gutpungnyu shinawi
Sur scène apparurent un gayageum (가야금), un haegeum (해금), un piri (피리), un janggu (장구) et une chanteuse. Assis à même le sol, les musiciens commencèrent à entonner une mélodie lente en crescendo. Au-dessus de la scène, une projection traduite en français : 시나위 Shinawi, 창부타령 chant du Changbu Taryeong. Le shinawi est un genre musical coréen qui laisse libre court à l’improvisation. Les artistes s’harmonisent autour de la flûte à hanche piri, une sorte de hautbois. À l’origine musique des chamanes, le shinawi en conserve le rythme et le jeu improvisé.
La voix de la chanteuse s’éleva, accompagnée de percussions pour laisser place au haegum puis au gayageum. Le piri s’éleva ensuite et tous les instruments s’harmonisèrent autour de lui. L’un après l’autre, ils s’offrirent un solo.
Ce qui me troubla le plus en écoutant cette mélodie du Changbu Taryeong fut l’impression qui m’enveloppa d’être dans un concert de jazz. Le jeu des musiciens, les solos, les changements de rythme et l’improvisation ressemblent vraiment au jazz. Ou plutôt est-ce le jazz qui ressemble au shinawi ? Puisque celui-ci est plus vieux de quelques siècles.
Pour en découvrir davantage sur le shinawi.
Extrait du Dit de Heungbo
Le deuxième morceau que nous fit découvrir le Centre National Gugak était consacré au genre plus connu du pansori (반소리). La chanteuse Jo Jeong Hee accompagnée d’un tambour janggu commença à narrer l’histoire d’un homme pauvre qui décide de couper les dernières courges de son potager pour que ses enfants ne meurent pas de faim.
Sur le ton très drôle propre au pansori, elle nous décrivit la découpe du fruit, puis la tristesse infinie du paysan lorsqu’il découvre que celle-ci est vide et ne contient que deux coffres. Mais ces coffres sont magiques. Lorsqu’on les vide ils se remplissent indéfiniment. La chanteuse se mit alors à psalmodier si rapidement que les sous-titres eurent du mal à suivre. C’était comme une battle de rap sauf que l’affrontement se jouait entre la conteuse et le percussionniste. Celui-ci la galvanisait des accompagnements communs à la musique coréenne : c’étaient les « olshigu ! chopda ! chal handa ! » que le public entonna traditionnellement pour soutenir les artistes qui se produisaient sur scène.
Heugtaryeong
Si le pansori a fait rire le public, le heugtaryeong (흥타령) l’aura amené au bord des larmes. Ce morceau appartient au genre du namdo minyo (남도민요). Originellement chanté dans les provinces du sud de la Corée, ce genre a beaucoup influencé le style du pansori apparu vers le XVIIe siècle. Le jeu théâtral et les caractéristiques musicales y sont plus riches. Si un chant est triste, alors son drame sera souligné par des sons très criards. C’est un genre qui traduit l’émotion pure. Le heugtaryeong étant un chant consacré à la dureté de la vie et à la tristesse de la séparation, le public fut amené dans les tréfonds de ces sombres sentiments.
Une cithare ajaeng (아쟁), un geomungo (거문고), une flûte daegum (대금) ainsi que le jaegum (재금) se sont répondus autour de la voix lancinante de la chanteuse. Lentement, les sanglots des cordes et des souffles se sont peu à peu changés en mélopée réconfortante et résignée. C’était comme être enveloppé par le sentiment han lui-même.
Dongbu minyo
Après les chants chamaniques, l’opéra coréen, le chant folklorique du sud, le Centre National Gugak a présenté les chants folkloriques de la région de Gangwon. Celle-ci est particulièrement mise à l’honneur cette année car c’est là-bas que se tiendront les jeux d’hiver de Pyeongchang. Les instrumentistes montèrent sur scène accompagnés de deux chanteuses. Le janggu, la gomungo, le gayageum, le haegeum et le piri commencèrent à entamer des rythmes endiablés qui dansaient autour de la voix grave de la chanteuse. Plus dansants, les minyo de la région de Gangwon ressemblent un peu à nos propres musiques folkloriques. Racontant la vie difficile des paysans, les chants réfèrent souvent à la mythique colline d’Arirang. Les voix des chanteuses entonnèrent plusieurs versions de l’iconique chant coréen Arirang.
Alors que les voix se taisaient et la lumière revenait dans la salle, les applaudissements recouvrirent les musiciens qui, après avoir salué, nous accordèrent deux autres morceaux. Il ne nous restait plus qu’à rejoindre le froid mordant, portés par les sons qui emplissaient encore nos oreilles.
Ari arirang ssurissurirang…
Sources : Centre Culturel Coréen | Prospectus du spectacle | Centre National Gugak
Article rédigé par Casado Hélène.