Tristement célèbre pour son assassinat par les factions pro-japonaises en 1895, la reine Myeongseong (명성황후|明成皇后) fut l’épouse du roi Gojong (고종|高宗). Orpheline de père et de mère, la reine Myeongseong, aussi connue sous son titre de reine Min, épousa le jeune roi à l’âge de seize ans. Personnalité importante de l’histoire coréenne, elle s’opposa à l’invasion progressive japonaise. Mais c’est surtout sa mort qui fit d’elle une icone pour la résistance coréenne du vingtième siècle.
Biographie
Dame Min naquit le 19 Octobre 1851 à Yeoju dans la province du Gyeonggi. Fille du magistrat Min Chi Rok (민치록| 閔致祿) et de dame Yi Han Chang (한산이씨), elle devint orpheline à l’âge de huit ans.
Alors que le roi Cheoljong allait mourir sans héritier, une habile intrigue de cour permit à la reine douairière de choisir le futur roi – rôle qui lui est originellement attribué en absence d’édits royaux – au détriment du clan Kim. Yi Myeongbok fut ainsi couronné roi à l’âge de 12 ans, sous le nom de roi Gojong.
Bien vite, le père et régent (Daewongun) du nouveau roi, estima que celui-ci devait se marier. Mais il exigeait une reine sans parent proche qui puisse nourrir des ambitions politiques et d’un statut noble suffisamment élevé pour justifier son choix à la cour et au peuple. Dame Min était une candidate idéale. Sa lignée maternelle appartenant au clan royal et sa lignée paternelle étant liée par mariage à la royauté, elle fut sélectionnée pour devenir l’épouse du futur roi, qu’elle épousa le 20 mars 1866.
Selon les anales de l’époque, on disait d’elle qu’elle était orpheline et possédait de belles caractéristiques, un corps sain et un niveau d’éducation ordinaire.
Reine Consort de Joseon
Choisie pour sa nature plutôt effacée, la reine se révéla par la suite être d’un tempérament fort et ambitieux. Elle rechignait aux tâches qu’incombait à son rôle : l’organisation de fêtes somptueuses, de goûters royaux ou la définition des nouvelles modes vestimentaires de la Cour. Elle se consacra davantage à la lecture de livres réservés aux hommes, approfondissant ses connaissances historiques, politiques, scientifiques et philosophiques. Sur le plan personnel, il semblerait que les jeunes époux – de tempéraments très différents – ne se soient aimés que plus tard. Les difficultés que leur règne rencontrait les auraient, en effet, rapprochés.
Rapidement, elle chercha à affermir le pouvoir de son mari. Après plusieurs intrigues de Cour, elle fit renvoyer son beau-père le Daewongun de la régence royale. Grâce au soutien de son clan et d’un groupe d’érudit, elle commença aussi à instaurer sa loi, bannissant la concubine royale de son époux et installant des membres de son clan à des postes stratégiques. Sa faction prit bientôt le contrôle du pouvoir. Le roi Gojong s’effaça peu à peu au profit de sa reine.
Une période politique très troublée
La reine face au Japon
À cette époque, le Japon était en pleine révolution sociale. Le Shoguna avait été remplacé par un nouveau régime militaire et le pays était entré dans l’ère Meiji. En compétition avec les impérialismes occidentaux, le Japon impérial chercha à s’implanter en Corée. Après l’affaire de l’île Ganghwa, le Traité de Ganghwa fut signé le 15 février 1876, ouvrant la Corée isolationniste aux marchés Japonais.
Les cartes du jeu de la géopolitique asiatique était en train d’être re-mélangées. La famille royale pressentant le changement et comprenant leur retard, envoyèrent plusieurs missions étudier l’occidentalisation du Japon. À son retour, l’un des émissaires Kim Hong Jip fournit un rapport du diplomate chinois Huang Tsun Hsien. La reine Myeongseong fut vraiment très intéressée par les analyses du livre.
Elle ordonna des copies pour tous les ministres. Il semblerait que la reine Myeongseong souhaitait inviter les nations occidentales en Corée, pour ouvrir le commerce et diminuer l’influence japonaise. Elle voulait garder le Japon à une place de choix dans le processus de modernisation du pays tout en évitant qu’il n’ait trop de monopole. Pour la reine, la Corée devait être et rester un pays indépendant.
La reine face aux Yangban
C’était sans compter sur la caste des érudits qui voyait d’un très mauvais œil cette ouverture. En effet, le roi et la reine entamèrent une série de réforme dans l’organisation du pouvoir. Douze nouveaux bureaux furent créés pour traiter des relations extérieures avec l’Occident, la Chine et le Japon. D’autres bureaux ouvrirent pour traiter plus efficacement le commerce, et un bureau de l’armée commença à moderniser les armes et les techniques de défense. Enfin, des départements civils furent créés pour importer les technologies occidentales dans la société coréenne.
Ces transformations rapides entraînèrent des tensions politiques internes lourdes. En 1881, une faction tenta de renverser le pouvoir du roi Gojong et de la reine Myeongseong. L’année suivante, une révolte militaire éclata au profit du Daewongun et enflamma la Corée.
Les membres du clan Min, les partisans de la reine mais aussi des officiers japonais furent poursuivis et assassinés. Échappant de peu à la révolte, la famille royale fut protégée. Finalement, le gouvernement chinois envoya des troupes pour renverser le coup d’état militaire et ré-instaurer le roi Gojong.
Un roi faible et un reine à la poigne de fer
Pendant cette période de troubles, les japonais firent signer au roi Gojong le traité Japon-Corée de 1882. La Corée devait verser un tribut de 550 000 yens en réparation des dommages du Japon pendant l’insurrection. Apprenant cela, la reine Myeongseong proposa à la Chine un nouvel accord commercial privilégié. Elle installa un commandant chinois au contrôle des unités militaires et un conseiller allemand à la tête du Service des douanes maritimes.
La position intransigeante de la reine et son jeu diplomatique d’équilibriste ne lui attiraient pas que des alliés. Le pays, en plein chamboulement politique, voyait chaque jour de nouveaux groupuscules se former et s’affronter. Les réformistes tels que le groupe des Sadae voulaient la modernité avec la Chine. Les « progressistes » voulaient, eux, une modernité à l’occidentale. Ils étaient proches du Japon. Et les conservateurs voulaient garder les privilèges des codes confucianistes. D’autre part, les chrétiens étaient isolés, même les confucianistes ne pouvaient les souffrir.
Les querelles, les révoltes et les massacres éclataient régulièrement. Et chaque fois, les pays limitrophes tâchaient d’en tirer profit. À cette époque, la Corée était vraiment une crevette au milieu d’un combat de baleines. Et la reine Myeongseong en eut les os brisés.
L’assassinat de la reine Myeongseong
Alors que la reine tentait d’approfondir les liens avec la Russie de sorte à contrer les ambitions de l’empire japonais, elle fut assassinée le 8 Octobre 1895. C’est l’incident d’Eulmi (을미 사변, 乙未 事變). Aux premières heures de ce jour d’automne, un groupe de ronins japonais parvint à entrer dans le pavillon Geoncheonggung du palais Gyeongbokgung. Ils assassinèrent plusieurs gardes royaux, membres de la Cour et servantes avant de tuer la reine. Ils ont ensuite brûlé son corps et dispersé les cendres. La reine Myeongseong avait alors 43 ans.
Plusieurs versions de l’assassinat existent. La plus couramment acceptée aujourd’hui envisage le Daewongun comme complice du groupe japonais. Le bataillon des Hullyeondae – appartenant à sa faction – aurait ouvert les portes permettant aux assassins d’entrer. Cette thèse n’est pas infondée. L’animosité qu’entretenaient le Daewongun et la reine Myeongseong s’était exprimée à plusieurs reprises. Après l’assassinat, le Daewongun aurait tenté de rétrograder la reine au rang de roturière mais le roi Gojong s’y est opposé.
Une chose est sûre, la reine Myeongseong dérangeait beaucoup. Sa mort marqua la fin de la résistance de la famille royale à l’invasion progressive japonaise. Le roi Gojong et le prince héritier se retirèrent plusieurs années dans l’ambassade russe de JeongDong. Mais finalement ils proclamèrent l’Empire Coréen deux ans après la mort de la reine. Les descendants de la dynastie Yi, déjà affaiblis par les purges et les querelles du XIXe siècle, furent mariés à des japonais. Et le royaume de Joseon s’éteignit peu à peu. Les Hanjas firent place aux Kanjis. Le coréen fut interdit. Et la reine discréditée.
La reine Myeongseong au cinéma
Pour célébrer l’anniversaire des cent ans de sa mort, l’histoire de la reine Myeongseong a été adapté en comédie musicale en 1995.
La reine Myeongseong de nos jours
Aujourd’hui, l’assassinat de la reine Myeongseong est toujours un objet de tension. Pendant le mandat de Mme Park, l’affaire des livres d’histoire a révélé combien la reine Min est toujours au cœur du rapport des coréens à leur histoire. En effet, le manuel d’histoire proposait une révision adoucie en faveur des japonais quant à l’affaire de la mort de la reine. Cette prise de position et les nombreuses incohérences que le manuel portait ont soulevé l’indignation des Sud-coréens.
La reine Myeongseong fut aussi – à tort – décrite comme une victime de l’avidité japonaise et est parfois portée en héroïne de son temps. Mais c’est sans oublier le traitement qu’elle fit à ses opposants politiques et aux propres manigances qu’elle instigua au profit de son clan.
Si la reine Myeongseong ne fut pas exempte de complot et qu’elle est décrite comme une femme corrompue et arrogante par l’historien américain Peter Duus, elle reste une icône de la royauté coréenne. Son destin tragique comme la grandeur de son tempérament en font un personnage d’attachement. Et même si ses intrigues de Cour et ses batailles politiques ont aboutis à son funeste destin, on la considère toujours comme celle qui a retardé de quelques décennies la colonisation japonaise sur le sol coréen.
Sources : WebArchives | Revolvy |Histoire par les femmes |Journal KyeongYang |Memorial | Douce et Pauvre Corée de Georges Ducrocq
Article rédigé par Casado Hélène.
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Une femme qui décide de prendre la place qui ne lui était pas destinée. Observatrice des jeux de pouvoirs géopolitiques de son époque. Une Elisabeth 1 ere d’Angleterre, une Alienor d’Aquitaine et tant d’autres. Différentes époques, mêmes combats pour la Reconnaissance de Soi et de ce qui créee sa communauté d’appartenance.
Une femme qui occupa la place qui ne lui était pas
Une femme qui décide de prendre la place qui ne lui était pas destinée. Observatrice des jeux de pouvoirs géopolitiques de son époque. Une Elisabeth 1 ere d’Angleterre, une Alienor d’Aquitaine et tant d’autres. Différentes époques, mêmes combats pour la Reconnaissance de Soi et de ce qui créee sa communauté d’appartenance.
Une femme qui occupa la place qui ne lui était pas