Chers Owlers, aujourd’hui je vous invite à découvrir ou re-découvrir l’œuvre de l’artiste sud-coréen Nam June Paik. Précurseur de l’art vidéo, de nombreux événements sont organisés cette année autour de cette figure emblématique de la scène d’avant-garde coréenne, à l’occasion de ce qui aurait été son 90e anniversaire.
Nam June Paik
Avant-garde et art vidéo
Né à Séoul en 1932, l’artiste Nam June Paik est amené à beaucoup voyager durant sa jeunesse. Il étudie notamment la musique à l’Université de Tokyo au Japon, puis initie son parcours créatif en Allemagne auprès d’artistes tels que le compositeur Karlheinz Stockhausen. Ses premières expérimentations sonores et visuelles se retrouvent notamment avec la pièce Originale qu’il met en place avec le compositeur allemand. Cette influence de la musique et cette volonté d’explorer une dimension transdisciplinaire se retrouveront ainsi tout au long de son œuvre et se concrétiseront par une de ses expositions emblématiques avec la violoncelliste Charlotte Moorman, TV Cello (1971).
TV Cello avec Charlotte Moorman
Au cours de son séjour en Allemagne, Nam June Paik découvre également le mouvement Fluxus (précurseur de l’art contemporain, transdisciplinaire, prônant une vision sans limites de l’art, le non-art) qu’il rejoint, asseyant ainsi sa vision tournée vers le futur, la transgression, le questionnement. Un tournant est marqué lors de sa toute première exposition à la galerie Parnass, Music-Electronic Television en 1963 : en détournant l’utilisation de la télévision grâce aux images diffusées et à l’installation dans laquelle il place les postes, son œuvre sera considérée comme la « première œuvre d’art vidéo ». La télévision devient alors un medium important dans son processus de création et d’expression artistique.
Cette exposition va ainsi donner naissance à une série d’œuvres tournées vers l’exploration des ressources apportées par la vidéo. Il détourne son emploi, joue sur le montage, distord les images et les sons, crée des contextes inédits. Aucune limite ne semble restreindre l’art de Nam June Paik et sa vision avant-gardiste.
Nam June Paik, le compositeur John Cage et le pianiste David Tudor
Rétrospective 1932 – 2022 : expositions et événements
Pour débuter cette rétrospective, le centre dédié à l’artiste et à son œuvre, le Nam June Paik Center (situé dans la province de Gyeonggi-do, à Yongin-si), a mis en ligne le 29 janvier (jour de sa mort) de cette année une vidéo regroupant des apparitions de l’artiste, intitulée Étude vidéo de Paik.
Plusieurs expositions et un festival jalonneront cette année, sous le signe de cette rétrospective sur Nam June Paik, ayant pour thème « My Jubilee ist Unverhemmet » (« Mon festival est sans limite »), référence au LP de l’artiste du même titre à partir de l’œuvre du compositeur allemand Schoenberg. Quatre de ces expositions se dérouleront au Nam June Paik Art Center et deux au Musée national d’art moderne et contemporain (MMCA) de Gwacheon près de Séoul.
Nam June Paik Center
MMCA de Gwacheon
Les expositions du Nam June Paik Center
Depuis le 3 mars est ouverte au public l’exposition nommée Archéologie de l’Avant-garde au Nam June Paik Art Center. Il s’agit ici de retracer le parcours de l’artiste à travers dix œuvres et scènes de l’artiste présentées tel un processus de fouilles archéologiques et de les découvrir de la plus récente à la plus ancienne. Remonter à l’origine de l’artiste et révéler ses influences au fil du temps pour mieux comprendre d’où il vient, son parcours et son message ; un parallèle entre la vision tournée vers le futur de l’avant-garde et la mise au jour des différentes couches du passé et de son identité. Cette notion est d’ailleurs présente dans la pensée de l’artiste qui avait pris conscience de l’influence de ses rencontres et de son parcours dans sa volonté de créer pour et au sein du mouvement d’avant-garde. Parmi les sujets présentés, vous pourrez retrouver des photos présentant l’artiste face à une œuvre laser, ou encore en train de monter une de ses installations à la Biennale de Venise, ainsi que certaines de ses œuvres les plus emblématiques, Réhabilitation de Genghis Khan (1993), Bonjour Mr. Orwell (1984), TV Buddha (1974).
En parallèle, depuis le 24 mars, est également présentée une autre exposition au Nam June Paik Art Center : The Last Consummate Second – Symphony n°2. Cette œuvre fait partie d’une plus grande structure créée par l’artiste, intitulée Symphonie pour 20 salles. Jouant ici sur une expérience multi-sensorielle, Nam June Paik travaille avec les codes de la musique, interroge les limites de la perception temporelle avec son concept de « dernière seconde consommée » en laissant le visiteur maître de son parcours mais également acteur de la performance.
Enfin, en juillet, se tiendra une exposition sur la thématique de l’art digital, questionnant sur la perspective et la vision de l’artiste transposée à notre époque. La « Chapelle Sixtine » de Nam June Paik sera à cette occasion présentée : des projecteurs présentant des images en mouvement de pop star sur chaque coin de la pièce, en contraste avec l’œuvre de Raphaël et ses sujets bibliques, et son support de représentation qu’est la voûte de la chapelle.
Les expositions du Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul
En juin, sera présentée au Musée national d’art moderne et contemporain l’œuvre monumentale de Nam June Paik intitulée The More, The Better Archive (Plus il y en a, mieux c’est, Archives). Cette installation composée d’un millier de télévisions, et haute de plus de 18 mètres, était en restauration depuis 2019 et sera présentée pour la première fois depuis, avec une rétrospective présentant le travail de l’artiste.
Enfin, en novembre, se tiendra une exposition regroupant le travail d’artistes influencé par la vision et l’œuvre de Nam June Paik du milieu à la fin des années 1990, sous le thème l’ « Effet Nam June Paik ».
Dans une quête permanente pour créer différemment et en mettant en scène, en parallèle les media de son époque, l’artiste nous amène à une réflexion autour des technologies, de la communication et de la perception à travers l’art, qui trouve encore écho aujourd’hui. C’est pourquoi je vous invite à découvrir son œuvre et si vous le pouvez cette rétrospective en Corée !
Informations pratiques
Nam June Paik Art Center
- Étude vidéo de Paik : ici
- Archéologie de l’avant-garde : 3 mars – 18 septembre 2022
- The Last Consummate Second – Symphony n°2 : 24 mars – 19 juin 2022
National Museum of Modern and Contemporary Art
- The More, The Better Archive : juin 2022
- Paik Nam June Effect : novembre 2022
Sources : The Korea Herald (1) (2) | SF MoMA | The Korea Times | Museums of the world | Artnet | Cahier de Séoul | KoreaJoongAngDaily (1) (2) (3) | Nam June Paik Art Center
Sources images : The Korea Herald (1) | The Korea Times | Museums of the world | Cahier de Séoul | KoreaJoongAngDaily (1) (2) | MMCA