C’est une affaire d’État sans précédent qui alimente la presse quotidienne et tient en haleine la population toute entière. Loin de la fiction des séries coréennes, se trame un scandale bien réel qui concurrence même les scenarii les plus invraisemblables des dramas à succès. Le scandale fait couler beaucoup d’encre à travers tout le pays après la découverte d’une conseillère de l’ombre qui exercerait une influence intense et jusque là secrète sur la dirigeante de l’État de Corée du Sud.
Tout commence en août dernier en Corée du Sud, lorsque les fondations pour la culture et le sport Mir et K-Sport font l’objet de soupçons de détournement de fonds au profit d’une dénommée Choi Soon Sil. De fil en aiguille, on découvre avec stupeur que Choi Soon Sil est une proche de la dirigeante de l’État et qu’elle aurait, par ailleurs, utilisé cette relation influente pour obtenir les faveurs financières de plusieurs conglomérats coréens, dont Samsung, au profit de ses fondations.
Les médias commencent alors à s’intéresser de plus près à cette femme énigmatique jusqu’alors inconnue. Les révélations jaillissent et un scandale naît : Mme Choi serait en fait la conseillère de Park Geun Hye, la présidente de Corée du Sud. On découvre un personnage de l’ombre qui malgré tout exerce une influence forte sur la chef de l’État et ses décisions politiques. Le peuple est abasourdi. À travers Internet, les citoyens n’hésitent pas à partager leur mécontentement. La présidente serait pour eux une marionnette manipulée par une femme mystérieuse. Nombreux sont les habitants qui, sur les réseaux sociaux, baptiseront leur pays « République Choi Soon Sil », mettant ainsi en valeur avec indignation le pouvoir sous-jacent de cette femme qu’ils surnommeront « Raspoutine ».
Le peuple se questionne : quelles relations les deux femmes entretiennent-elles pour qu’une telle situation ait eu lieu ?
Qui est Park Geun Hye ?
Park Geun Hye naît à Daegu en 1952. Elle est la fille de l’ancien président Park Chung Hee, un militaire ayant été condamné à mort puis gracié sous l’occupation japonaise et ayant par la suite pris le pouvoir par un coup d’état pour redresser de manière drastique l’économie du pays. Ce dernier a été approché par un certain Choi Tae Min, père de Choi Soon Sil, au lendemain de la mort de son épouse. Cependant, son pouvoir s’est brutalement interrompu lorsqu’il est assassiné en 1979 – soit cinq ans après son épouse – laissant ainsi leurs enfants orphelins. Park Geun Hye est rapidement approchée par la famille Choi qui la prend sous son aile. Elle trouve chez les Choi toute la bienveillance d’une seconde famille : ils feront office de famille d’adoption pour la jeune femme. Cependant, cette relation aux apparences bienveillantes entre l’orpheline et la famille Choi ne sera pas vue positivement par tous. En effet, le frère et la sœur de Park Geun Hye reprocheront aux Choi de l’avoir isolée pendant près de vingt ans et regretteront amèrement le fait d’avoir été séparés de leur sœur par cette famille. Selon le psychologue de renom Kim Tae Hyung, la présidente serait de nature renfermée et il serait également difficile pour elle de prendre ses propres décisions sans le conseil de personnes de confiance, ce qui expliquerait son prétendu caractère influençable.
Qui est Choi Soon Sil ?
Choi Soon Sil est la fille de Choi Tae Min, le « gourou » d’une secte fondée dans les années 70 nommée « la vie éternelle ». Ce dernier a longtemps hésité entre protestantisme, bouddhisme et autres religions avant de trouver sa voie spirituelle à travers son église dite de « la vie éternelle » dont il se nomme pasteur et dirigeant. D’après un communiqué de l’ambassade américaine ayant fuité, Choi Tae Min serait décrit comme un « dirigeant d’une secte chamanique ». Cet homme mystérieux a longtemps été le mentor de Park Geun Hye, jusqu’à sa mort en 1994. Après quoi sa fille, Choi Soon Sil, aurait hérité de son influence sur la future chef d’État. La forte relation entre les deux femmes se connaissant depuis de nombreuses années a ainsi permis à Choi Soon Sil de continuer à conseiller son amie bien que son statut ait changé.
Jusque là méconnu du grand public, le nom de Choi Soon Sil est maintenant sur toutes les lèvres. Après la révélation de son rôle clandestin au sein du gouvernement, la femme a été accusée de trafic d’influence et d’abus de pouvoir par le Parquet.
Un scandale sans précédent
Cette affaire est aussi inédite qu’importante. Retour sur les faits.
Les fondations pour la culture et le sport Mir et K-Sport sont soupçonnées de détournement de fonds. Les médias et la Justice se penchent davantage sur l’affaire et mènent des investigations sur la bénéficiaire Choi Soon Sil qui était, à ce moment-là, méconnue de tous. Dès lors, on constate avec stupeur ses relations avec la présidente. En effet, grâce à cette relation haut placée, Choi Soon Sil a pu créer deux fondations, avec l’aide prétendue des deux assistants de Park Geun Hye. Mais cela ne s’arrête pas là puisque la confidente de la présidente a pu bénéficier de faveurs financières de la part de grands groupes coréens pour ses deux fondations. Ces faveurs financières, d’un montant situé entre 50 et 60 millions d’euros, ont été potentiellement rendues possibles grâce à ses relations influentes avec la présidente Park. Ces sommes colossales ont finalement été détournées au profit de la mystérieuse femme.
Après l’ouverture de l’investigation de ses deux fondations en août, Choi Soon Sil quitte son pays pour se réfugier en Allemagne en septembre. Puis, c’est sur les relations que Mme Choi entretient avec la chef d’État que les médias et la Justice se penchent : leurs découvertes se font de plus en plus surprenantes. On découvre alors que les deux femmes ne sont pas que de simples amies mais qu’elles entretiennent un lien fort datant depuis leur plus jeune âge. On apprend également le rôle clandestin de Choi Soon Sil au sein du gouvernement. Cette dernière n’y est pas employée et n’occupe aucune place officielle. Pourtant, la forte influence qu’elle exerce sur le pays et ses décisions politiques à travers la présidente a de quoi inquiéter les citoyens. En effet, les journalistes à la recherche d’indices au domicile de sa fille en Allemagne mettent la main sur des preuves étonnantes, dans la poubelle de cette dernière. Près de 200 discours de la présidente étaient sauvegardés sur une tablette tactile : de quoi alimenter les doutes.
L’influence de cette femme ne s’arrête malheureusement pas aux discours. Celle-ci reconnaît avoir eu accès aux dossiers présidentiels, dont certains classés confidentiels, voire top-secret, notamment par mail. Cette confidente de l’ombre est également soupçonnée d’avoir conseillé Mme Park sur des affaires de politique étrangère, notamment avec la Corée du Nord avec laquelle on connaît les relations houleuses. Au vu de tous ces éléments, le peuple s’indigne et exige un retour de Choi Soon Sil en Corée du Sud pour des explications ainsi qu’un départ de Park Geun Hye du pouvoir. Résultat : une immense foule de manifestants se déploie dès lors dans les rues de Séoul jusque devant la Maison Bleue (équivalent du palais de l’Élysée) pour exprimer son indignation face au scandale. Les forces de police sont mises à contribution et encadrent précieusement l’accès à la Maison Bleue ainsi que les milliers de manifestants présents. Les manifestations et les pétitions en faveur d’un départ de la chef d’État ne cessent d’augmenter et la population, tout comme les partis politiques adverses, exerce une pression de plus en plus forte pour faire valoir son souhait. La présidente finit par présenter des excuses publiques. Peu après, elle ordonne à dix de ses conseillers de lui remettre leur démission dans l’optique d’un remaniement de la Maison Bleue.
Le retour de « Raspoutine »
Après s’être réfugiée en Allemagne, Choi Soon Sil a été contrainte de revenir dans son pays natal afin de fournir des explications. La femme au cœur du scandale politique, surnommée « Raspoutine » par les médias, est ainsi revenue sur le sol coréen. Attendue de pied ferme aussi bien par la Justice que les médias et les citoyens, Choi Soon Sil, arrivée dimanche à Séoul, a été accueillie de manière mouvementée. Dès son retour, la femme de 60 ans a été interrogée de longues heures par le ministère public. La femme accusée de trafic d’influence et de corruption doit ainsi répondre de ses actes. Elle a finalement été mise en garde à vue. Le responsable du Parquet déclare à cette issue : « Il y a un risque que Mme Choi cherche à détruire des preuves car elle réfute les accusations » et estimera peu après un « état psychologique extrêmement instable », puis justifiera la décision d’une garde à vue en s’inquiétant : « Tout événement imprévu peut être redouté si elle est libérée ».
Ce retour vient alimenter de plus belle la presse et ses fervents lecteurs, plongeant ainsi les citoyens dans un état proche de l’hystérie pour certains. L’ampleur de cette affaire est sans précédent et cela s’en ressent sur la population qui parle désormais de « perte de confiance » et de « trahison ». Les citoyens ne s’arrêtent pas là et partagent leurs émotions et opinions sur Internet et les réseaux sociaux, échangeant ensemble leur colère ou compassion. La présidente, quant à elle, travaille à un remaniement de son gouvernement qui s’est accéléré suite au retour de son amie avec la destitution de son premier ministre et de deux autres ministres. Ces changements ont été opérés au vu de la « situation actuelle », confie sa porte-parole.
Si la plupart des citoyens ne semblent pas convaincus par ce remaniement, reste à voir si les changements opérés apporteront un renouveau dans le gouvernement et apaiseront l’opinion publique.
Et vous, que pensez-vous de la situation ?
Sources : Le Parisien | France 24 | Rfi blog | Radio Canada