Page 1 : présentation générale du livre
Page 2 : point historique, mon avis et oeuvres liées
(attention des spoils peuvent se cacher dans cette page)
Pour la petite histoire
Le roi Yônsan (1476-1506) régna sur le royaume de Joseon de 1494 à l’année 1506 durant laquelle il essuya une rébellion. Il fut le dixième roi de l’ère Joseon et le fils du roi Seongjong. Durant son court règne, il organisa des purges consécutives. La première, connue sous le nom de Muo Sahwa (무오 사화 戊午士禍) eut lieu en 1498 à l’encontre de l’élite des Seonbi[1]. La seconde purge secoua le royaume en 1504. Elle concernait directement l’affaire du meurtre de la reine Yun et entraîna la mort de deux anciennes concubines du précédent roi, de la reine douairière Sohye[2] et de nombreux officiels.
Pour humilier la classe des érudits, il investit Sungyunkwan[3] pour ses plaisirs personnels. Suite à ses massacres au palais et à ses pratiques libidineuses, de nombreuses rumeurs coururent parmi le peuple. Et bientôt des textes critiques écrits en hangeul[4] se répandirent dans le royaume. Le roi réagit en faisant interdire le hangeul et brûla de nombreux ouvrages. Finalement, son règne tyrannique s’acheva en 1506 par son éviction au profit de son demi-frère Le Grand Prince Jinseong[5]. Sa concubine et leur fils furent eux-aussi exécutés.
[1] Les Seonbi étaient les érudits vertueux de la Corée ancienne. Sans position gouvernemental, ils privilégiaient leur intégrité et le plaisir de l’étude à la quête de richesses ou de gloire.
[2] La reine Sohye, aussi connu sous le nom de la grand reine douairière Insu, était la grand-mère du roi Yonsan. Fille du ministre de gauche, Han Hwak du clan Han, elle fut mariée au prince héritier Uigyeong. Elle donna naissance au futur roi Seongjong, le père de Yonsan.
[3] Sungyunkwan fut un établissement d’enseignement pour les érudits et l’élite des royaumes de Goryeo puis de Joseon. Il fut d’abord bâtit à Kaesong en 992 ap. JC puis déplacé à Hanyang en 1398. C’est à cette époque que son nom change passant de Gukjagam (jusqu’en 1275) puis Gukhak(de 1275 à 1298) pour enfin s’appeler Sungyunkwan. On y étudiait les préceptes confucianistes du Gukjahak, Taehak et Samunhak, le droit, l’arithmétique, le secrétariat et les arts militaires.
[4] Le Hangeul est l’alphabet coréen. Il fut crée par le grand roi Sejong et ses érudits en 1443.
[5] Le grand Prince Jinseong était le demi-frère du roi Yonsan. Après le coups d’état contre ce dernier, il devint le onzième roi de la dynastie Joseon. Au début de son règne, il apparait comme un roi fantoche puis il s’affirme avec des mesures telle que la loi Hyangyak. Celle-ci lui permit d’améliorer l’autonomie locale et de consolider le pouvoir centrale par la figure des Yangbans (nobles érudits).
Mon avis
Sorte de Macbeth coréen, la pièce Yônsan, est saisissante. Les premières pages m’ont d’abord troublée par l’écriture crue du récit. Ignorant tout de l’histoire de ce roi pourtant célèbre en Corée, j’ai avancé dans ces pages comme une néophyte. Et j’avoue avoir été terrifiée par la folie meurtrière qui s’empare peu à peu des personnages. Parfois volontairement choquant, le texte semble souvent chercher le subversif en ajoutant des détails atroces et des actions spectaculaires. Cette surenchère pourrait être au service d’un réalisme historique mais semble davantage imprégnée des influences cinématographiques antérieures (voir ci-après).
Tout au long de ma lecture, une question me revenait pourtant en tête. Comment font-ils pour jouer sur scène ? Les didascalies décrivent clairement les mises à mort des personnages jusqu’au sang jaillissant de toute part. Par quel stratagème les metteurs en scène recouvrent les planches de peinture rougeâtre ?
Pour prendre pleinement la mesure de cette pièce, il me semble inévitable de la voir sur scène. Cette critique restera donc un triste survol puisqu’elle est détachée de la mise en scène et du jeu des acteurs. Le texte reste cependant une impressionnante tragédie qui ne promet ni n’apporte aucun échappatoire. Les fantômes s’accumulent tandis que la folie des personnages culmine.
En cadeau : 1h55 de la pièce en coréen.
Yonsan et le cinéma :
Le roi Yônsan influença grandement le cinéma et nombre de films l’évoquent ou le prennent comme sujet.
En 1987, Im Kwon Taek réalise le film Les chroniques du roi Yonsan (연산일기) qui retrace l’arrivée sur le trône du jeune roi Yônsan, son désir de réhabilitation de sa défunte mère jusqu’aux purges et aux autodafés qu’il entreprit contre les textes écrits en hangeul.
Dans le film Le roi et le Clown (왕의 남자) de Lee Jun Ik réalisé en 2005, le terrible roi auquel les troubadours font face est le roi Yônsan.
En 2015, le film 간신 (traduire : Le perfide sujet) s’attaque aussi au roi Yônsan. Cette fois-ci, il aborde plus particulièrement la luxure du prince avant qu’il ne soit fait roi.
Le roi Yônsan apparaît ou est cité dans de nombreux autres séries et films dont : Jewel in the Palace (대장금) en 2003. La série Queen Insoo (2011) relate les événements survenues avant l’intronisation du roi Yônsan et la guerre entre trois reines. On y voit cependant le jeune prince Yônsan acquérir les faveurs de son père. Dans la série le Roi et Moi (2008), on retrouve l’un des célèbres et fidèles eunuques, Ch’ôsôn comme personnage principal.
En 2017, deux séries ont décidé de s’attaquer à ce personnage. Dans Rebel : Thief who stoles the people (역적: 백성을 훔친 도적), un groupe de bandit décide de s’opposer à la tyrannie du roi fou. Prochainement dans la série Queen of Seven Day, ce même roi sera incarné par Yi Dong Gon (이동건).
Plusieurs séries télévisées s’intéressent aussi à sa concubine, la fatale Nogsu. On la retrouve ainsi dans la série télévisée Jang Nok Su (요화 장록수) réalisée en 1969 par Yi Gyu Wung. En 2002, la série Les femmes de pouvoirs (여인천하) – plus connue sous le titre Ladies of the Palace – raconte les querelles de pouvoir entre les dames de la cour durant les règnes des rois Chungjong (1488-1544) à Injong (1515-1545). Dame Nogsu y joue le rôle principal.
Il y a tant à dire,…
…Mais il nous faut finir. La pièce de théâtre de Yi Yun-T’aek est importante dans ce qu’elle peut faire découvrir de l’histoire du roi Yônsan. On s’imprègne d’autant mieux de cette histoire tragique qu’on la lit. La voir sur scène serait bien sûr plus impactant mais il nous faudra encore attendre pour espérer sa programmation en France.
Lire un livre vous amène parfois à découvrir l’histoire et derrière elle comment les dramas la narrent. C’est la leçon qui, il me semble, peut-être retenue de cet article.
Article rédigé par Casado Hélène.