On continue nos portraits d’expatriés français partis vivre l’aventure coréenne. Notre invitée d’aujourd’hui est Nunaya. Avec elle, on va explorer un thème qui piquera sûrement votre curiosité. Paillettes et projecteurs sont mis à l’honneur avec « le mannequinat et la figuration ».
Si vous êtes friands de dramas et de cinéma made in Corée du Sud, si vous vous imaginez souvent partager une scène avec Lee Jong Suk, Kang So Ra ou encore Kang Dong Won, ou si votre rêve est de devenir le visage d’une marque coréenne, alors posez-vous quelques minutes et lisez cette interview réalisée rien que pour vous.
Pourrais-tu te présenter avant de commencer s’il te plaît ?
Je suis la créatrice de la chaîne Youtube Nunaya World qui existe depuis 2014 et traite principalement de mon expérience de vie en Corée du Sud où j’ai vécu entre 2012 et 2015. J’ai 31 ans et je suis actuellement étudiante en L3 à l’IAE de Lille, ma ville d’origine. Pour ce qui est des infos un peu plus « techniques » relatives au sujet abordé, je mesure 1m74 pour 55kg.
Le mannequinat et la figuration ont donc fait partie de ta vie coréenne pendant plusieurs années. Est-ce que c’était un projet professionnel que tu voulais accomplir en Corée du Sud ou ça t’est « tombé dessus » ? Comment es-tu entrée dans cet univers ?
J’ai toujours été attirée par le domaine du divertissement et les coulisses de la télévision, du cinéma. Lorsque j’étais ado, j’ai d’abord voulu être mannequin, puis chanteuse. Ce sont des rêves qui sont restés secrets pour la majorité des gens de mon entourage et, de ce fait, je n’ai jamais vraiment osé tenter ma chance lorsque j’étais plus jeune.
J’ai « enfin » eu l’opportunité d’intégrer le milieu lors de mon séjour en Corée bien que je n’avais plus de grandes ambitions vu mon âge à mon arrivée sur le sol coréen (27 ans). Par contre, j’avais bien un « rêve », celui de devenir animatrice TV en Corée. Je n’en ai jamais parlé à personne car j’ai lamentablement échoué mon apprentissage du coréen ce qui, par conséquent, ne m’a pas permis d’aller au bout de mes aspirations…
J’ai commencé à faire de la figuration et du mannequinat à Séoul en cherchant des annonces sur le site Craigslists Seoul et des groupes Facebook dédiés. Petit à petit, j’ai commencé à être connue des managers d’agences qui faisaient appel à moi de plus en plus régulièrement pour les tournages de dramas. Pour ce qui est du mannequinat, je n’étais pas reliée à une agence. Je répondais à des annonces de façon ponctuelle ou j’obtenais de petits jobs grâce au bouche-à-oreille.
On dit souvent que ces milieux sont plutôt difficiles d’accès et sélectes, peux-tu nous dire s’il y a beaucoup de débouchés, que ce soit dans le mannequinat ou la figuration ?
Effectivement, la concurrence est rude. Pour percer, il faut souvent entrer dans des critères extrêmement précis. La plupart de mes connaissances ayant réussi à vivre du mannequinat ou de l’acting en Corée ont souvent des profils similaires.
Concernant le mannequinat
Pour les filles : en général, moins de 25 ans, visage poupin, grands yeux de couleur claire, peau blanche, longs cheveux (beaucoup de blondes), très minces (mais pas forcément très grandes), un physique qu’on pourrait définir comme « doux, innocent et très féminin ». Les filles de l’Est sont très appréciées et très nombreuses dans le milieu.
Pour les garçons, je dirais que les critères sont moins standardisés, quoiqu’il y ait toujours cette recherche de visage juvénile, peau claire, silhouette élancée, de grande taille (1m80 et plus) et pilosité minimale ! L’âge n’est pas un frein.
Concernant l’acting et la figuration
C’est un milieu ouvert à tous où la concurrence est moindre. En général, plus vous avez de disponibilités, plus on fera appel à vous. Pour les « grands » rôles, les hommes anglophones ont beaucoup plus de choix (chef cuisinier, designer de renom, président, professeur, soldat, etc… des rôles majoritairement masculins). Je connais plusieurs Anglais ou Américains ayant réussi à quitter leur boulot de professeur d’anglais pour ne faire que des tournages de dramas/films/publicités. Les filles étrangères sont beaucoup moins sollicitées pour les rôles d’importance car ils sont tout simplement moins nombreux. Par contre, il existe des opportunités d’apparaître comme « actrice principale » dans un clip de K-pop, de plus en plus de chanteurs faisant appel à des étrangères (par exemple le groupe CNBLUE).
Les agences de mannequinat/figuration sont-elles nombreuses en Corée du Sud ? Y a-t-il des agences qui justement s’occupent exclusivement de profils étrangers ?
Les agences de mannequinat pour étrangers sont très nombreuses en Corée du Sud, mais pas toujours très visibles. En général, vous serez directement en contact avec un manager de l’agence qui ne vous dira pas forcément pour quelle agence il travaille si vous ne lui posez pas la question. De plus, certains agents travaillent indépendamment et n’ont pas forcément de site internet. Dans la plupart des cas, tout fonctionne par les relations et le bouche-à-oreille. Ainsi, avant de quitter la Corée, j’ai recommandé certaines de mes amies aux managers avec qui j’avais déjà travaillé.
J’ai notamment travaillé avec ces agences : BlueStar Entertainment, Blue Agency, Eicoline Agency, Hamaroo Management…
À vous de faire vos recherches par mots-clés sur Google et Facebook ou de répondre aux annonces sur le site Craigslist.
Est-ce que tu soumettais ta candidature pour certains événements et/ou on te faisait des offres ? Existe-t-il des applications ou autres qui pouvaient te mettre au courant, t’alerterait d’une demande pour un tournage par exemple ?
Les deux. Vous serez enregistré dans la base de données des agences avec qui vous aurez déjà travaillé ou auxquelles vous aurez envoyé votre profil. S’ils ont besoin de vous, ils vous contacteront. Parfois même la veille d’un tournage à 23h pour vous demander si vous êtes disponible le lendemain à 6h du matin !
Il ne faut pas rester passif si vous voulez accumuler les shootings. Même les mannequins rattachés à une agence sont généralement indépendants dits « freelance », ce qui signifie qu’ils peuvent répondre à des annonces ou travailler pour d’autres agences, le travail étant totalement irrégulier. En hiver par exemple, les demandes de figurants sur les tournages de dramas sont beaucoup plus rares, alors qu’en été, on peut facilement enchaîner quatre tournages en un mois, voire plus !
Consultez régulièrement le site Craigslist et n’hésitez pas à relancer les agences pour ne pas qu’elles vous oublient !
As-tu ressenti un sentiment de compétition avec les autres mannequins et/ou figurants étrangers (français, anglais…) et coréens ?
Pas à mon petit niveau. L’avantage, c’est que selon le boulot proposé, on vous sélectionne directement sur photo, donc sans passer par un casting. Par contre, pour un rôle avec du texte ou un défilé, il est possible que vous ayez à passer un casting, parfois vidéo, face à d’autres concurrents. Cela m’est arrivé quatre fois.
Ce qui m’a parfois gênée, c’est plutôt l’attitude du responsable plateau qui peut avoir tendance à traiter les mannequins ou figurants comme des moins que rien. Dans ces moments-là, on se sent comme un numéro ou une « jolie poupée », rien de plus. Heureusement pour moi, la majorité de mes expériences ont été excellentes !
Gardez cependant à l’esprit qu’à plus grande échelle, c’est un milieu extrêmement difficile et compétitif. Tant que vous restez modèle amateur ou figurant, vous aurez dans la majorité des cas de bonnes expériences. On reste sur quelque chose de « fun ». Si vous visez plus haut, vous ferez face à d’autres situations et personnes moins sympathiques…
La Corée du Sud est connue pour sa chirurgie esthétique, son culte de la minceur… Y a-t-il des diktats de beauté spécifiques que tu as pu, par exemple, discerner lors d’entretiens ? Les coréens sont-ils vraiment attachés autant qu’on peut l’entendre au physique ?
En Corée, et pas uniquement dans le milieu du divertissement, le physique est TRÈS important, si ce n’est le plus important. On vous jugera d’abord sur votre physique et on ne se gênera pas pour vous dire si vous être trop grosse, trop cernée, pas assez ceci ou trop cela, et qu’il faut prendre soin de vous davantage. On a, par exemple, demandé à l’une de mes amies qui est maghrébine et qui voulait faire du mannequinat, qu’elle se teigne les cheveux en châtain clair, qu’elle mette du fond de teint plus clair et qu’elle perde du poids (alors que c’est une très jolie fille, mince et avec une peau légèrement mate).
Oui, la Corée cherchera à vous transformer ! Peut-être pour le meilleur, mais pas toujours. Quand je vois les métamorphoses hallucinantes de certaines personnes ayant passé plusieurs années en Corée, c’est assez bluffant. Il y a un « avant Corée » et un « après Corée ». L’incitation à être « parfait » a une réelle influence sur la plupart d’entre nous, moi également. De petits complexes peuvent alors devenir insupportables et de plus en plus de personnes ont recours à la chirurgie alors même qu’elles étaient contre au moment de leur arrivée… J’ai moi-même subi quelques interventions esthétiques minimes, mais j’ai failli aller bien plus loin à un moment où la Corée m’a fait me sentir vraiment mal dans ma peau. Il faut avoir une personnalité forte et être bien dans sa tête pour vivre dans ce pays et encore plus pour se lancer dans le milieu du divertissement.
Tu as été figurante sur plusieurs tournages. Peux-tu nous raconter une « journée-type » ? (heures de début, de fin, pauses, relation avec le staff, les acteurs/rices, les autres figurants… )
Aucune journée ne se ressemble, mais voilà comment elle peut par exemple se dérouler.
En général, les tournages commencent très tôt. Je vais me lever à 5h pour arriver au lieu de rendez-vous à 7h où une voiture ou un bus nous emmènera, moi et les autres figurants, sur les lieux du tournage. J’aime beaucoup ce moment car c’est là qu’on découvre avec qui on va passer la journée. Étant une habituée, j’étais toujours certaine de me retrouver avec quelqu’un que je connaissais.
Arrivés sur les lieux, en général, l’équipe technique n’est pas encore là, donc on attend… Parfois, on se change en arrivant, parfois on garde nos propres vêtements. Il est très rare de se faire maquiller/coiffer en tant que figurant. Il est courant d’arriver à la pause de midi sans avoir encore tourné, les coréens ne sautant pas l’heure du repas malgré le retard ! Le repas est pris en charge par l’agence.
Enfin, le tournage commence. Le réalisateur donne des instructions à notre manager qui vient ensuite nous les traduire en anglais et nous placer sur le plateau. Une scène se tourne généralement en moins de trente minutes. Puis, selon les besoins, on remballe ou on reste pour les scènes suivantes (parfois on nous demande de rester… pour rien).
La figuration comporte 90% de temps d’attente. Sachant qu’on passe moins d’une heure sur le plateau et parfois plus de dix heures à attendre… Les figurants apportent souvent leur Ipad, ordinateur, livre, ou ils dorment !
C’est aussi pendant les longs temps d’attente qu’il est possible d’approcher les acteurs. En général, ils n’ont pas de loge, mais simplement une chaise et une couverture. Beaucoup dorment entre les prises ou revoient leur texte. Ils sont souvent seuls dans un coin et parfois ravis d’être « dérangés » car ils s’ennuient eux aussi ! À vous de savoir si c’est le bon moment ou pas. Dans la plupart des cas, j’approche les acteurs à la fin du tournage, au moment où tout le monde remballe le matériel en demandant gentiment si je peux prendre une photo. Je n’ai essuyé qu’un seul refus.
Vous rentrerez souvent très tard à votre domicile, soit en voiture avec votre manager, soit avec un taxi qui vous sera remboursé (bien que ce ne soit pas toujours le cas… ).
Mon tournage de drama le plus long a duré seize heures (8h-minuit) pour She Was Pretty (ndlr : Nunaya a réalisé un Vlog afin de parler de cette journée) et dix-sept heures pour une publicité TV pour IOPE Air Cushion dont j’étais l’actrice principale (10h-3h).
La rémunération est un forfait calculé pour huit heures de tournage à quoi on ajoute ensuite les heures supplémentaires. Les agences prennent une énorme marge (au moins 70%), c’est pourquoi les montants sont rarement mirobolants. Le mannequinat est beaucoup mieux rémunéré.
As-tu des anecdotes à partager avec nous : des attitudes ou comportements qui t’ont choqué, de belles rencontres ou au contraire des désillusions… ?
Ce qui m’a parfois choquée, c’est l’attitude de certains réalisateurs envers les filles, notamment les commentaires directs sur le physique de certaines (ou comment les virer de la scène comme des malpropres) ou encore ce fameux « fantasme » pour les femmes russes, comme cet homme qui avait demandé s’il y avait des russes parmi les figurantes et qui avait passé tout le tournage à faire un cirque pas possible en scandant des « Russia is the best ! » à tout va en tripotant cette pauvre fille dès qu’il en avait l’occasion. Car oui, les russes sont populaires en Corée pour leur beauté et décrochent beaucoup de contrats de mannequin, mais la plupart des coréens continuent de les voir comme des prostituées…
J’ai aussi participé à un casting de mannequins où toutes les filles (une majorité de russes justement) étaient venues en mini-robes ultra moulantes et talons hauts. Toutes les filles avaient dû défiler une par une devant des hommes coréens qui nous regardaient sous toutes les coutures, demandant à certaines filles de se tourner et faisant des commentaires ultra directs en coréen du genre « elle est sexy celle-là » ou « ah non, elle ça ne va pas du tout », ou encore « non, elle est trop grosse ». Ils devaient sans doute penser que personne ne comprenait… J’avais l’impression d’être mise en pâture devant une meute de gros pervers. Je l’ai très mal vécu.
À part ces petites anecdotes négatives, je garde d’excellents souvenirs, notamment de mes rencontres avec Jeon Do Yeon (sur le tournage de The Way Back Home) et Go Ara (sur le tournage de Reply 1994), deux actrices avec qui j’ai pu avoir une vraie discussion et qui ont été adorables avec moi. Les deux autres rencontres qui m’ont le plus marquée et émue sont celles avec Lee Joon (sur le tournage de Gapdongi) et Super Junior (mon tout premier tournage pour le DVD All About Super Junior).
Enfin, quels sont, selon toi, les avantages et les inconvénients de faire partie de ce monde ? Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui souhaiteraient tenter leur chance en Corée et faire du mannequinat et/ou de la figuration ?
Ce que je trouve fabuleux, c’est d’avoir accès aux coulisses des dramas/films coréens et de voir les acteurs jouer en live. C’est vraiment impressionnant et on se sent totalement privilégié. La proximité avec les acteurs et les équipes de tournage est bien réelle et je pense que si vous parlez coréen et que vous « osez », vous pourrez même vous faire des contacts solides dans le milieu (j’ai par exemple gardé contact avec des maquilleuses qui faisaient partie du staff et qui côtoient des stars tous les jours).
Le milieu des tournages est beaucoup plus fun que celui des shootings photos. Durant les tournages, vous rencontrerez beaucoup de monde et vous vous créerez un vrai réseau. Vous aurez des souvenirs communs, des anecdotes exclusives sur les acteurs et les dramas du moment (même si, bien entendu, vous vous devez de rester discret !).
La Corée vous offre la possibilité de toucher votre rêve du doigt, que vous soyez juste curieux ou que vous ayez plus d’ambition. Tentez votre chance et amusez-vous ! Ce seront des souvenirs magiques et inoubliables !
Le temps d’une interview étant trop court pour parler de ces domaines dans les moindres détails, je vous conseille d’aller voir la vidéo de Nunaya « Comment faire de la figuration en Corée ? » pour avoir des informations complémentaires (dans la vidéo et sa description). Vous la retrouverez également sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Instagram et son site !
Crédit photographie de une : Michael Lim (2013)