Croiser la route d’un coréen d’origine adopté par une famille française n’est pas rare de nos jours. Et pour cause, la Corée, bien qu’étant un pays développé, est tristement connue pour ses enfants candidats à l’adoption. Les causes sont multiples et parfois complexes, nous allons donc essayer de décrypter tout cela dans cet article.
Les origines de l’adoption en Corée du Sud
Après la guerre de Corée en 1953, le gouvernement a lancé une grande campagne encourageant l’adoption d’enfants coréens par des étrangers. Un grand nombre d’enfants se retrouvaient effectivement sans parents et étaient envoyés dans des orphelinats. En plus de ces orphelins, beaucoup d’enfants nés d’une relation entre un soldat étranger et une femme coréenne, les « G.I babies », étaient également abandonnés. La Corée était alors connue comme l’un des pays les plus « exportateurs d’enfants ». Ce terme est utilisé par certains chercheurs dans ce domaine tant le pourcentage d’adoptions était élevé.
En 1954, un décret a créé le service de placement des enfants pour apporter un soutien aux personnes entrées dans ce processus d’adoption. Peu à peu, des organisations et associations se sont créées afin d’épauler les familles. Ces organisations d’origine occidentale avaient pour but de jouer l’intermédiaire entre la famille adoptante et le service d’adoption. Aujourd’hui, l’une des plus importantes organisations en Corée porte toujours le nom de son fondateur, Holt.
La première adoption dite « internationale » s’est faite vers les années 1965 ; les premiers enfants coréens étaient alors en route pour la Suède.
C’est dans les années 70 et 80 que les raisons d’abandons d’enfants ont changé. Il ne s’agissait plus seulement d’orphelins à la recherche de parents, mais également de grossesses précoces venant avec l’industrialisation du pays et un taux de divorces à la hausse qui n’ont pas permis aux orphelinats de désemplir.
En 1991, la Corée a ouvert les yeux sur cette problématique des abandons. Cette année-là, le film Susanne Brink’s Arirang est réalisé. Ce film retrace la vie de Susanne Brink, une jeune coréenne adoptée par une famille suédoise, et raconte les moqueries et le racismes qu’a subit cette femme dans son pays d’adoption. Beaucoup de coréens se sont indignés devant ces images et se sentaient coupables d’avoir envoyé ces enfants hors du pays.
Aujourd’hui, on peut trouver dans la plupart des pays ayant adopté un enfant des associations de coréens adoptés. Ces associations peuvent aider ces enfants, devenus adultes, à retrouver leurs parents biologiques, apporter des informations ou simplement permettre les échanges entre pairs. La première association de ce genre a été créée en Suède en 1986.
Quelques statistiques
Le ministère de la santé et de la protection sociale coréen a communiqué un chiffre assez préoccupant sur la situation. En effet, entre 1953 et 2004, on dénombre pas moins de 156 242 adoptions d’enfants coréens. Pour remédier à cet exode de la jeunesse coréenne, le gouvernement a décidé en 1989 de cesser toute adoption par des étrangers dès 1996. Cette politique avait pour but de réduire les quotas d’adoptions d’année en année afin d’arriver à 0 en 2015. Cependant, ce plan a été annulé en 1998 face à la recrudescence des abandons d’enfants.
Aujourd’hui, les chiffres atteignent presque les 200 000 adoptions en bientôt 60 ans. Dans plus de la moitié des cas, il s’agit d’adoption internationale. Au niveau des pays étrangers concernés par l’adoption, les États-Unis se hissent en première place avec environ 65 % des adoptions. La France se place en deuxième place devant d’autres pays européens tels que le Danemark, la Suède ou la Norvège.
Bien qu’à la base la raison principale des adoptions était la perte des parents, avec les années les motifs ont évolué. Les orphelins sont finalement devenus minoritaires et on trouve désormais davantage d’enfants issus de relations extraconjugales, de mères célibataires ou de couples n’ayant pas les moyens d’assumer financièrement un enfant. Mais nous allons voir cela plus en détail dans la suite de cet article.
Les causes de ce grand nombre d’abandons
Il existe plusieurs raisons à l’abandon d’enfants. Il est important de prendre en compte le contexte social du pays pour comprendre ce phénomène. Il convient de noter que, depuis quelques années déjà, l’âge de la première grossesse en Corée ne fait que baisser. La raison première étant que les jeunes femmes prennent davantage de liberté d’un point de vue sexuel. Cependant, l’absence d’éducation sexuelle dans les établissements et de contraception rend le risque de grossesse involontaire et précoce plus élevé qu’il y a 30 ans. Un avortement peut s’opérer facilement dans une clinique en Corée. Cependant, une jeune femme ou adolescente qui s’y rend se retrouve souvent réprimandée voire humiliée ; le tout dans le secret le plus total : elle ne peut obtenir l’appui de l’État ou de sa famille en cas de complications.
Les mères célibataires
Il y a quelques années, à l’époque où l’avortement ne se pratiquait pas aussi facilement, une femme célibataire enceinte n’avait quasiment pas d’autres choix que d’abandonner son enfant. Pourquoi ne pas le garder ? Pour deux raisons majeures. La première étant le manque d’aides sociales vis-à-vis de ces mères : assumer seule un enfant prend beaucoup de temps et coûte cher. La deuxième étant le regard de la société sur la situation. En effet, une mère célibataire est difficilement acceptée en Corée, elle risque un rejet de la société et ce pour toute sa vie, y compris même par sa propre famille. Les grossesses non désirées sont donc cachées. De plus, la loi fait une nette distinction entre un enfant légitime (né au sein d’un mariage) et un enfant illégitime (né hors mariage). Un enfant né hors mariage ne pourra pas porter le nom de sa mère à moins d’être reconnu par une tierce personne : l’enfant ne pourra donc pas être scolarisé. Les risques de rejet par la société s’appliquent donc non seulement à la mère mais aussi à l’enfant.
Les violences conjugales
Une autre problématique d’ordre social entre également en compte dans ces abandons. En France, il existe plusieurs organismes de protection pour les femmes victimes de violences conjugales, ce qui n’est pas le cas en Corée. Une femme enceinte maltraitée peut préférer prendre la fuite plutôt que d’imposer une vie violente à son enfant. Cependant, il est compliqué pour une femme coréenne de quitter son foyer pour recommencer sa vie à zéro. Certaines femmes prendront alors le parti de laisser leur enfant à leur mari, mais le risque est gros. En effet, les violences sont parfois encore plus virulentes vis-à-vis des enfants. Le dernier recours dans ce genre de situation est généralement l’abandon de l’enfant dans un orphelinat.
Le veuvage
Autre cas de figure, le veuvage. Dans ce contexte, une réelle différence est opérée entre les hommes et les femmes. Dans les deux cas, le remariage est fortement encouragé par l’entourage. Un homme qui se remarie, généralement avec une femme sans enfant, aura sûrement à un moment ou à un autre des enfants issus de ce deuxième mariage. C’est là que les choses peuvent se compliquer pour le ou les enfants de la première noce : rejet par la belle-famille, par la nouvelle femme, différence entre les enfants… Un tas de raisons peuvent pousser l’enfant à quitter le domicile et être pris en charge par des institutions.
Pour les femmes, élever un enfant seul après la mort de son mari est souvent bien plus difficile. Comme dit précédemment, il reste compliqué pour une femme seule d’assumer un enfant et dans ce cas il sera difficile pour elle de se remarier. En effet, il est courant que les veuves abandonnent leur enfant afin de faire table rase du passé et débuter une nouvelle vie avec un nouveau mariage. Il est possible pour elles de laisser l’enfant à l’ancienne belle-famille. Cependant, il n’est pas rare que ces femmes se retrouvent sans nouvelles de cet enfant, par choix ou non. Il arrive parfois que la mère apprenne bien plus tard que ce dernier a été proposé à l’adoption.
Pour conclure…
L’abandon d’enfants en Corée reste un problème à l’heure actuelle. La pression sociale et familiale, en plus du manque de protection sociale, peut empêcher une mère seule d’avorter ou d’élever son enfant. Gardons à l’esprit que ces placements d’enfants en orphelinat constituent pour certaines mères la garantie de leur offrir un meilleur avenir dans une famille prête à les accueillir.
Même si le nombre d’adoptions ne diminue pas significativement, certains enfants sont curieux de découvrir leur pays d’origine. À la fin des années 2000, le gouvernement recensait plus de 500 enfants adoptés qui étaient retournés vivre en Corée. Certains d’entre eux, sans forcément y vivre, sont devenus de vraies célébrités. On peut prendre le cas de Susanne Brink, citée précédemment, ou encore l’ancienne ministre de la culture française Fleur Pellerin. La Corée a également fait un pas en avant en légalisant, en 2010, la double nationalité pour les adoptés.
Sources: Wikipédia, Racines Coréennes
Crédit photo: Welkinlight
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C’est un article super intéressant waow ! Je pensais pas du tout que l’adoption était vue comme ça en Corée, et qu’il y avait un nombre aussi conséquent d’abandons. Merci beaucoup !
C’est un article super intéressant waow ! Je pensais pas du tout que l’adoption était vue comme ça en Corée, et qu’il y avait un nombre aussi conséquent d’abandons. Merci beaucoup !