Vous êtes nouveaux sur cette page ? Vous vous sentez un peu perdus ? Mais qu’est-ce donc que ce Dating a Korean qui traîne sur ma page Facebook ? Pas de panique, pour reprendre l’histoire depuis le début, c’est par ici. Maintenant, place à l’épisode 21 !
Le 6 mai, à 17 h 45, je posai le stylo sur une feuille noircie de caractères à l’instant même où la sonnerie retentissait. Voila. C’était fini. Mon dernier examen était derrière moi, et lorsque je quitterai le bâtiment, cela sera la dernière fois que je verrai cette école. La dernière fois que je m’assiérai derrière cette table à discuter de la pluie et du beau temps avec tous ces élèves venus d’un peu partout sur le globe.
C’était fini.
Je jetai un coup d’oeil autour de moi et rencontrai de nombreux regards un peu perdus. L’année s’était écoulée si vite, j’avais du mal à le croire. Je me dirigeai vers Ana, plus ou moins remise de sa séparation, et la serrai dans mes bras. J’étais en proie à d’étranges sensations, un mélange de nostalgie et d’excitation. J’étais triste de devoir quitter tous les amis que j’avais rencontrés, mais j’étais aussi tellement heureuse de rentrer à la maison, de retrouver ma famille et mes amis, que je n’avais pas vus depuis de longs mois.
– Alors ? Tu t’en es sortie ? demanda Ana sur le chemin du bus.
– Je crois oui, ça devrait aller. Ce n’était pas si difficile au final.
– Et toutes ces dernières semaines à stresser pour rien…
– On n’aurait peut-être pas autant révisé sans le stress cela dit.
Elle rit et glissa son bras autour du mien. Chaque porte que nous dépassions s’ouvrait sur des groupes aussi hésitants que nous l’étions. La fin d’une époque, c’était vraiment quelque chose d’étrange. Les professeurs eux aussi s’attardaient devant les bureaux pour prendre des photos avec des élèves qu’ils ne reverraient plus. Au détour d’un couloir, nous aperçûmes une enseignante avec laquelle nous nous étions particulièrement bien entendues et nous prîmes aussi part à cette tradition du selfie d’adieu.
Je crois pouvoir affirmer que personne ne prit le bus cet après-midi-là. Nous cherchions tous, volontairement ou non, à prolonger un tout petit peu l’expérience formidable que nous avions vécu. Oui, la plupart d’entre nous ne partiraient pas avant quelques jours, voire quelques semaines encore. Certains avaient même prévu un voyage dans le sud avant de quitter la Chine. Mais même ainsi, cela serait différent. Une page se tournait aujourd’hui, et elle se tournerait lorsque nous quitterions le campus pour la dernière fois.
Nim et Yuji m’attendaient dans le hall d’entrée. Ils tenaient dans leurs bras un nombre impressionnant de cartes et messages rédigés par leurs camarades – et admiratrices. Je sentis Ana se tendre à mes côtés et ne pus m’empêcher de sourire.
– Tu sais, lui murmurai-je à l’oreille alors que nous approchions. Meg rentre au Japon demain, et j’ai entendu dire qu’ils avaient déjà… terminé leur histoire, si tu vois ce que je veux dire.
– Et ça m’intéresse parce que… ?
– Disons que vous êtes tous les deux libres, et dans la même ville, et qu’il n’y a plus personne…
– Ellie, je prends le train dans quatre jours. C’est trop tard.
– Plus de temps à perdre dans ce cas… Quatre jours de souvenirs c’est toujours mieux qu’une vie de regret, non ?
– Une vie de regret ? se moqua-t-elle en riant.
Mais je voyais à son regard que ma remarque avait fait mouche. Elle se triturait encore nerveusement les doigts lorsque nous rejoignîmes les garçons.
– Ellie ! m’accueillit Nim en souriant. Ana, comment ça va ? Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vu…
– Oui, répondit-elle, les yeux rivés sur ses chaussures.
– Comment se sont passés les exams ? demandai-je pour détourner leur attention. Pas de mauvaise surprise ?
– J’ai parié 100 yuans sur Yuji premier de la classe, répondit Nim en riant.
– Comme d’habitude alors !
– Euh… Yuji ? murmura Ana, tu peux venir un instant ? J’ai quelque chose à te dire.
– Ellie, tu m’expliques ? demanda Nim en les regardant s’éloigner juste hors de portée de voix.
– Patience, petit padawan.
Il passa un bras sur mes épaules et garda le silence en observant nos deux amis. Après ce qui sembla être une discussion hésitante, nous vîmes les bras d’Ana s’enrouler autour du coup de Yuji et son visage se coller au sien pour un baiser passionné. Le bruit étranglé que j’entendis à côté de mon oreille était définitivement celui d’une mâchoire qui se décroche.
– Pas mal, hein ? repris-je dans un sourire.
– Je vais devoir t’appeler Maître, répliqua mon petit ami. Si tu savais le temps que j’ai passé à essayer de le convaincre de se bouger les fesses !
– Tu as encore beaucoup à apprendre…
– Je vois ça… On rentre ?
J’acquiesçai et laissai les tourtereaux se redécouvrir l’un l’autre dans le hall surbondé de l’université.
Le bus scolaire était déjà parti, mais il ne nous fallut pas longtemps pour héler un taxi à la sortie du campus. C’était l’un des rares avantages d’étudier à Changchun, les taxis ridiculement bon marché.
Je regardai les immeubles défiler derrière ma fenêtre. En quelques mois à peine, le paysage avait déjà changé au rythme des constructions effrénées de cette région en plein développement. Ici, un terrain vague avait été complètement déblayé et les murs d’un futur centre commercial s’élevaient dans le ciel bleu. Là, le squelette décharné d’un gratte-ciel était devenu une tour immaculée dont tous les appartements avaient été vendus ou loués. Le campus secondaire où se trouvait notre dortoir s’était agrandit, lui aussi. Les préparations pour l’année prochaine commençaient déjà.
Le taxi nous déposa devant les grandes portes vitrées. Mon appartement était au septième étage, et si nous prenions d’habitude l’ascenseur, nous décidâmes pour cette fois de monter par les escaliers. A chaque étage, nous nous arrêtions une dizaine de minutes pour discuter avec les autres étudiants. Les portes étaient toutes ouvertes, les frigos avaient été tirés près du couloir pour laisser à chacun la liberté de piocher une boisson ou un paquet de chocolat.
À l’étage précédent le mien, je fus arrêtée par une commotion tout près de la cage d’escalier. Le sourcil levé, je fis quelque pas pour voir d’où les grognements venaient. Nul groupe d’étudiants bavardant un verre de bière à la main ici. Un enchevêtrement de mobiliers et d’appareils électroniques était étalé sur les dalles. J’apercevais plusieurs kilos de riz, un ensemble de poêles et de casseroles, un mini frigo, des packs de nouilles instantanés et une armoire. Trois hommes, la quarantaine, étaient en train de sortir un carton rempli de vaisselle d’une chambre un peu plus loin.
– Qu’est-ce qui se passe ici ? demandai-je à Nim.
– Ce sont les Nord-Coréens, me répondit-il dans un murmure.
– Ah.
J’avais entendu parler des trois étudiants nord-coréens, mais je ne les avais jamais rencontrés. Ils n’étaient pas dans ma classe, et ne participaient pas à la plupart des sorties organisées par l’université. Je jetai un regard curieux dans le couloir.
Contrairement à la plupart des autres élèves, ils n’étaient pas dans leur vingtaine, mais déjà des hommes, sans doute mariés et pères de famille. Je devinais qu’ils étaient sans doute des hommes importants dans leur pays d’origine, peut-être des membres du gouvernement qui apprenaient le chinois dans le but de travailler pour les affaires étrangères. Je réprimai un frisson. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à ce qui se passait de l’autre côté de la frontière avec le pays le plus fermé au monde. Bien sûr, j’avais déjà entendu parler de la pauvreté et de la dictature qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis la fin de la guerre. Mais c’était différent de le voir de mes propres yeux. C’était différent de voir ces hommes, sans doute puissants dans leur pays d’origine, en train de rassembler des objets de première nécessité et de la nourriture afin de les ramener chez eux. Mon regard tomba sur une poêle et un autocuiseur pour le riz. Ce n’était pas des objets particulièrement chers, ou rares. Mais c’était certainement des objets difficiles à se procurer en Corée du Nord, ou ils ne s’embêteraient pas à les transporter lors de leur long chemin du retour.
Si des hommes du gouvernement avaient du mal à acheter du matériel aussi simple chez eux, qu’en était-il pour les gens du commun ?
C’était une chose étrange. Les voir rassembler du riz m’aurait attristé, mais les voir remplir les caisses de vaisselle et de chiffons me brisait le coeur.
– Ils ne peuvent rien acheter de tout ça chez eux, n’est-ce pas ? demandai-je du bout des lèvres.
– Je pense oui…
Je soupirai. J’aurais aimé pouvoir faire quelque chose. Dire quelque chose…
– Viens, Ellie, tu changeras le monde un autre jour.
Après un dernier regard, je me retournai et suivis Nim dans les escaliers. Nous avions assez de problèmes avec notre propre futur.
———————————————————————————————–
Un épisode 21 un peu mélancolique, peut-être, mais si il y en a parmi vous qui ont déjà tenté l’aventure « études à l’étranger », ils comprendront très bien les sentiments étranges qui nous prennent lorsque l’année scolaire se termine. Même aujourd’hui, à l’âge d’Internet et de la communication ultra rapide, la distance gagne souvent, à la fin. Enfin bref, je dédicace cet épisode à tous les amis que j’ai perdus en déménageant d’un pays à l’autre ces dernières années… ❤❤ Même s’ils ne le liront jamais puisqu’ils ne parlent pas français… C’est l’intention qui compte après tout ! 🙂
Ellie
{Un petit message pour vous prévenir que cette série est en pause pour le moment mais que j’espère que vous avez apprécié cette première saison ❤ Gros bisous à tous}