La peinture minhwa (민화) est née et se développe durant la période Joseon (1392 – 1910). Très populaire à cette époque, elle possède son propre esthétisme, mettant en scène la vie quotidienne du peuple.
Description de ce genre pictural
La peinture minhwa est caractérisée par son format simple, naturel, liée à la position sociale du peintre, son procédé de création et son usage.
Les peintres sont majoritairement indépendants et inconnus. Ils ont quitté l’Académie qui codifie la peinture des lettrés (Muninhwa) et la peinture de Cour (Kungjunghoehwa). Ils n’apposent ni signature ni sceau sur leurs œuvres. Souvent invités par le commanditaire à travailler sur place, les peintres improvisent, s’inspirant de l’atmosphère du moment.
Les œuvres sont faites sur papier, avec les cinq couleurs élémentaires en Corée (l’Obangsaek) ; à savoir le rouge, le bleu, le blanc, le jaune et le noir. Le trait du dessin est une ligne simple, délimitant les espaces qui vont être colorés. Il n’y a ni perspective, ni représentation de la troisième dimension.
Il existe différents thèmes où les éléments ont une forte symbolique. Au-delà de la fonction décorative, les Coréens pensaient que la peinture avait des pouvoirs chamaniques pouvant éloigner les mauvais esprits et apporter prospérité et bonheur. Les œuvres étaient alors exposées dans les différentes pièces de la maison, sur des paravents et présentes sur des lieux de cérémonies ou de rituels confucéens.
Parmi les thèmes principaux, nous pouvons observer le Shipchangsaengdo représentant les dix symboles de la longévité et inspiré du taoïsme chinois : le soleil, les nuages, les rochers, l’eau, le cerf, la tortue, la grue, les pins, le bambou et un champignon appelé en coréen « l’herbe de jouvence » (le lingtche chinois qui conférerait l’immortalité). Il existe également le Hwajodo dont les motifs récurrents sont les fleurs et les oiseaux, symboles de santé, richesse et d’harmonie conjugale. Le Sansoodo a un but contemplatif avec le thème des montagnes et de l’eau. La peinture minhwa peut posséder un aspect humoristique par la présence de caricature et d’anthropomorphisme. Par exemple, le tigre est un animal puissant et dangereux, bien que lié au sacré dans sa représentation. Il peuplait les montagnes coréennes durant l’ère Joseon. Dans les œuvres picturales, il devient une créature absurde. De par son apparence et son comportement, le « prince des montagnes » est plus chaleureux, aidant ainsi à affronter la peur qu’il inspire.
La peinture minhwa est une représentation des rêves et des désirs du peuple coréen. Les motifs ne sont pas présents par souci de réalisme. L’observateur peut interpréter à sa manière l’œuvre, laissant libre cours à son imaginaire.

Hwajodo par Jang Jong Hee
L’évolution du minhwa au cours de l’Histoire
Si la peinture populaire est répandue jusqu’à devenir un courant artistique reconnu, elle a bien failli disparaître et être oubliée.
Durant l’ère Joseon, la majorité de la population vit à la campagne, autour de la culture du riz. Mais c’est dans la seconde moitié du 18e siècle que ce mouvement prend de l’ampleur. C’est une période de transition entre la société traditionnelle et moderne. La classe moyenne s’enrichit tandis que les arts populaires ont du succès. Face à ce début de modernisme, des pressions extérieures apparaissent, faisant augmenter les pratiques chamaniques. Malheureusement, les œuvres datées d’avant le 19e siècle ont disparu, notamment avec l’impérialisme japonais qui a tenté de supprimer la culture traditionnelle coréenne, la guerre de Corée ainsi que l’urbanisation des années 1970, jugeant ces peintures ringardes. Elles étaient aussi un objet de consommation ordinaire. De plus, le papier n’est pas le matériau le plus résistant pour la conservation des œuvres à travers le temps.
Pourtant, un philosophe et critique d’art japonais devient le premier collectionneur de peintures de ce genre artistique. Muneyoshi Yanagi (ou Yanagi Soetsu, 1889 – 1961) dénonce les méthodes de l’impérialisme japonais et sauve des pièces de la destruction. Le terme japonais minga pour parler des arts populaires se transforme en minhwa pour qualifier la peinture populaire coréenne, la peinture du peuple. Se spécialisant dans les arts coréens, Muneyoshi Yanagi fonde le Musée d’Art populaire coréen de Séoul en 1921 malgré l’opposition des autorités japonaises.
Découvrant la peinture populaire dans les années 1910, c’est à la fin de sa vie qu’il l’étudie. Dans son approche, il propose une première classification des thèmes basée sur les fonctions :
- La lettre calligraphiée à connotation morale confucéenne.
- Peinture à présage auspicieuse pour le bonheur, la santé etc.
- Thème traditionnel dont les peintures de paysage, de fleurs.
- Nature morte avec pour motif les oiseaux et les objets de l’homme lettré.
- Peinture religieuse : confucianiste, bouddhiste ou taoïste.

Exemple de lettre calligraphiée
Depuis les années 1960 – 1970, on peut observer un regain d’intérêt chez les Coréens. Cho Cha Yong, considéré comme le père des études sur l’art populaire coréen, prolongent les études de Yanagi. En 1977, Kim Ho Yon, un peintre contemporain, définit la peinture minhwa ainsi :
« constitué[e] de peintures traditionnelles dans lesquelles les expressions de la conscience esthétique et les émotions du peuple coréen se sont rendues visibles. »
Kim Ho Yon
Une visibilité en Corée du Sud et à l’international
Dans la continuité de la conservation, Kim Man Hee apprit par lui-même la peinture après avoir collectionné des œuvres à travers le pays. Il quitte son poste d’enseignant en 1961 et se lance dans cette aventure sans avoir de prédécesseur. En 1996, il fut distingué comme « Bien culturel immatériel n°18 de Séoul » par le gouvernement pour sa dévotion envers ce style. Sa première exposition a remis en lumière le Minhwa en Corée avant d’être présentée à l’international.
En 2000 est inauguré le Musée de la peinture folklorique de Joseon dans la province du Gangwon-do. Il contient environ 3 000 peintures. En plus des musées, l’artisanat traditionnel s’approprie cet art pictural. Il est possible de découvrir sur les murs dans les vieux quartiers des peintures et même sur les étuis de téléphone portable.
Lors d’une exposition en 2001, Lee Ufan et Pierre Cambon proposent à Paris une nouvelle classification thématique autour de la collection de peintures de paravents amenée par l’artiste contemporain coréen, au sein du musée Guimet (le Musée national des Arts asiatiques) dont Pierre Cambon est le chef conservateur. Au nombre de 17, les catégories de cette classification reposent sur les éléments représentés, leurs symboliques et le lieu d’accrochage. Lee Ufan préfère l’expression de « peinture coréenne décorative » mais le mot minhwa continue d’être utilisé à défaut par les historiens.
Autre passionné, Lee Kyu Wan crée en 2008 l’Échange des Beaux-Arts entre la Corée et l’Allemagne (Korea Art International Exchange Association), qui devient en 2012 l’Association d’Échanges Internationaux sur le Minhwa Coréen (Korea Minhwa International Arts Exchange Association). L’association a organisé 18 expositions à travers le monde (Chine, États-Unis, Canada, Allemagne, France…) tout en présentant le travail de ses membres, synonyme d’un renouveau artistique.

Photographié par Jeon Han à Jecheon-si, Chungcheongbuk-do.
Sources : Thèse de Cho Min Ji | Article de Francis Macouin | Dossier de Christophe Marquet | The Korea Times | Office de tourisme de Corée
Photo de Une : Paravent à six panneaux – les dix symboles de longévité – Photo (C) MNAAG, Paris, Dist. RMN-Grand Palais par Thierry Ollivier