Aujourd’hui, la Corée est vue comme un pays ayant donné naissance à de grandes figures comme le roi Sejong. Mais c’est aussi un pays qui a vu apparaître de terribles tyrans ou excentriques monarques. Profondément cruels ou drôlement inattendus, ces rois fous de Corée remplissent encore aujourd’hui l’imaginaire de la péninsule. Venez à la découverte de cette partie méconnue de l’histoire coréenne.
Le roi Hyegong : l’efféminé (royaume de Silla)
Le roi Hyegong de Silla (혜공왕, 惠恭王) naquit en 758. Son court règne (765 – 780) fut secoué par les rébellions constantes de la noblesse. Il monta sur le trône à l’âge de huit ans, puis subit le mécontentement de son peuple. En 768, 770 et 775, le jeune monarque affronta des révoltes jusqu’à mourir de l’une d’elles en 780. 36e roi du royaume de Silla, il est le dernier de sa dynastie. Pourtant loin d’être un monarque tyrannique, le jeune roi Hyegong apparaît dans les textes comme un roi effacé. Fils du roi Gyeongdeok et de dame Manwol, il semble s’intéresser davantage aux arts qu’aux tâches royales.
Très vite, la cour et les nobles dénoncent sa folie, car le roi Hyegong était trop efféminé pour les mœurs de l’époque. Certains historiens le décrivent comme un homme à l’extérieur et une femme à l’intérieur. Des théories envisagent que son père, le roi Gyeongdeok, lui ait fait changer de genre suite à des révélations divines. Ce roi étant très pieux, cette théorie n’est pas impossible. Que le roi Hyegong fut une femme ou un « transsexuel » n’a guère d’importance, mais ses comportements efféminés ont servi les discours visant à sa destitution. Il n’en fallait pas plus dans un royaume depuis longtemps au fait des querelles d’héritages.
Mort à 22 ans, le roi Hyegong n’eut pas le temps de réaliser beaucoup de choses. Son nom reste apparenté à la folie et à la féminité. Si vous allez à Gyeongju, vous pourrez cependant découvrir le temple bouddhique Bulguksa initié par son père et achevé sous son règne. Après la disparition de cet étrange et triste monarque, le royaume de Silla tomba peu à peu dans un déclin marqué par des révoltes continuelles et des guerres de succession.
Source : Clio
Gwangjong : le fratricide (royaume de Goryeo)
Quatrième roi du royaume de Goryeo, le roi Gwangjong (고려 광종, 高麗光宗) naquit en 925 et mourut le 4 juillet 975. De sa vie, les Coréens retiennent surtout les bains de sang dans lesquels il noya ses frères et les autres factions. Mais l’histoire se souvient aussi des grandes avancées juridiques et diplomatiques, affirmant le pouvoir du royaume de Goryeo.
Quatrième fils du roi Taejo (qui fonda le royaume de Goryeo en 918), le prince Wang So avait 24 demi-frères et demi-sœurs. Pour unifier le royaume, son père avait scellé des alliances par le mariage avec tous les grands seigneurs. Cependant, ces alliances allaient bientôt plonger le jeune royaume dans une guerre fratricide. Le fils aîné du roi Taejo prit sa place sur le trône mais fut assassiné sans même régner deux ans. Son successeur, le roi Jeongjong mourut en 949, après trois années de règne. La même année, le roi Gwangjong monta sur le trône.
Vainqueur de la sanglante guerre de succession, le jeune roi décida d’affermir son pouvoir. Il établit des relations diplomatiques avec les pays voisins et octroya des privilèges aux personnes soutenant le royaume. Pour consolider son pouvoir, il fit par la suite édicter une série de lois visant à affaiblir les seigneurs locaux. Il proclama ainsi l’affranchissement des esclaves en 958 puis créa un concours de recrutement pour les fonctionnaires. Si ces mesures étaient bénéfiques, elles furent contrebalancées par les nombreuses purges organisées dès qu’un seigneur trop gourmand fomentait une rébellion. Malade, il mourut en 975 âgé de 50 ans.
Bien que le roi Gwangjong n’était pas à proprement parler un rois fou, il reste, dans l’imaginaire coréen, un roi sanguinaire. Certains estiment que les assassinats et les mises à mort étaient nécessaires à la stabilité du royaume. D’autres pensent qu’il s’agissait d’un roi rigide et strict.
Source : KBS World
Dynastie Joseon
La dynastie Joseon fut l’avènement de la pensée confucianiste coréenne. Les sept siècles de règne de la dynastie Yi sur la péninsule sont marqués par de grands changements d’ordre social et des avancées technologiques. Mais l’on assiste aussi à une modification du style de vie : une philosophie du retranchement et de la méfiance s’installe. Durant cette période, le grand roi Sejong établit l’alphabet coréen et marqua le renouveau de la péninsule. Mais il y eut aussi de nombreux monarques aux tendances tyranniques que l’on peut considérer comme des rois fous.
Le roi Yônsan : le fidèle tyran (royaume de Joseon)
Je vous l’avais évoqué dans la revue littéraire dédiée à la pièce de théâtre Yônsan : voici un roi coréen qui resta dans les mémoires, souvent utilisé dans les dramas, films et romans comme figure tyrannique. Né le 23 novembre 1476 sous le nom Yi Yung, le roi Yônsan (연산군, 燕山君) régna sur le royaume de Joseon de 1494 à 1506. Il fut le dixième roi de l’ère Joseon et le fils du roi Seongjong.
Durant son enfance, le jeune prince Yi Yung perdit sa mère, empoisonnée après des intrigues d’état. Le début de son règne fut marqué par son obsession à honorer la mémoire de sa défunte mère, traquant les instigateurs de son empoisonnement. Il est célèbre pour avoir organisé deux importantes purges durant son court règne. La première, connue sous le nom de Muo Sahwa (무오 사화, 戊午士禍), eut lieu en 1498 à l’encontre de l’élite des Seonbi (érudits). La seconde purge secoua le royaume en 1504. Elle concernait directement l’affaire du meurtre de la reine Yun et entraîna la mort de deux anciennes concubines du précédent roi, de la reine douairière Sohye et de nombreux officiels.
Non content de répandre le sang, le roi Yônsan cherchait aussi à humilier la classe des érudits. Il investit Sungyunkwan pour ses plaisirs personnels. Suite à ses massacres au palais et à ses pratiques libidineuses, de nombreuses rumeurs coururent parmi le peuple. Bientôt, des textes critiques écrits en hangeul se répandirent dans le royaume. Le roi réagit en faisant interdire le hangeul et organisa des autodafés dans toute la Corée.
« Une bouche est une porte qui apporte des désastres ; une bouche est une épée qui coupe des têtes. Un corps sera laissé en paix tant que sa bouche restera close et sa langue profondément cachée à l’intérieur. » (口是禍之門 舌是斬身刀 閉口深藏舌 安身處處牢)
Finalement, son règne tyrannique s’acheva en 1506 par son éviction au profit de son demi-frère, le Grand Prince Jinseong. Sa concubine et leur fils furent eux-aussi exécutés.
Le prince hériter Sado : le cruel (royaume de Joseon)
Il est rare de trouver une personne qui porte aussi bien son nom traduit que le prince héritier Sado (장헌세자, 莊獻世子). Né le 13 février 1735 sous le nom Jangheon, il mourut, sur ordre de son père, le 12 juillet 1762. Il fut soumis à une éducation stricte et stressante, relatée dans Mémoire d’une reine de Corée par son épouse, Dame Hong. Adulte, il se détendait en tuant des animaux, des Choenmin 천민 (membres de la classe sociale la plus basse), des serviteurs de la Cour et des eunuques. Hors de question pour son père, le roi Yeongjo, de laisser monter sur le trône un héritier si sanguinaire.
Pourtant, le jeune prince ne semblait pas forcément enclin à la violence. Il chérissait très profondément sa jeune sœur, la princesse Hwayhyop. Mais, dès lors qu’elle périt de maladie, il s’enlisa dans une quête sanguinaire de plus en plus violente. Il avait notamment pris une courtisane qu’il bâtit à mort un soir, tuant du même coup leur enfant. À force de scandales et comprenant qu’il ne parviendrait jamais à maîtriser un tel tigre, le roi Yeongjo le fit exécuter en l’enfermant vivant dans un coffre de riz. Il agonisa pendant plusieurs jours, avant de périr.
L’histoire terrible du prince Sado est intéressante à lire pour comprendre le climat politique à la fin du XVIIIe siècle en Corée. Ses successeurs, les rois Jeongjo puis Sunjo, eurent en effet à affronter des tensions politiques et des interventions étrangères assez complexes.
Source : Mémoires d’une reine de Corée de Dame Hong
Article rédigé par Casado Hélène.
6 Comments
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Petite remarque avant de reprendre ma lecture, la légende accompagnant la photo de « Sado » semble fausse… Secret love affair n’est pas un drama historique et il semble plutôt qu’il s’agisse de Yo Ah In dans Jang OK Jung, non?
Je finis ma lecture et je reviens
Petite remarque avant de reprendre ma lecture, la légende accompagnant la photo de « Sado » semble fausse… Secret love affair n’est pas un drama historique et il semble plutôt qu’il s’agisse de Yo Ah In dans Jang OK Jung, non?
Je finis ma lecture et je reviens
En effet, erreur de ma part et je m’en excuse. Il s’agit bien de Yoo Ah In dans le film historique « Sado » (2015). Lee Je Hoon a quant à lui interprété le prince Sado dans « Secret Door » (2014).
Quoi qu’il en soit je modifie immédiatement 🙂
En effet, erreur de ma part et je m’en excuse. Il s’agit bien de Yoo Ah In dans le film historique « Sado » (2015). Lee Je Hoon a quant à lui interprété le prince Sado dans « Secret Door » (2014).
Quoi qu’il en soit je modifie immédiatement 🙂
Article intéressant !! Merci 🙂
Merci Litsod. Ravi qu’il vous ait plu !
C’était aussi extrêmement passionnant et divertissant d’écrire cet article 😀
Avez-vous un roi (de Corée ou d’ailleurs) préféré ou un personnage historique que vous adorez ?