Il pouvait bouger un peu la main gauche et la tête, mais tout le reste du corps était paralysé. La partie de sa vie qu’il était seul à connaître prit fin.
Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ?
Eun Hee Kyung
À propos de l’auteur
Eun Hee Kyung (은희경) est née dans la région de Jeolla du Nord en 1959, dans une famille d’entrepreneur du bâtiment. Après le lycée, elle rejoint l’université pour femmes Sookmyung puis l’université Yonsei de Séoul où elle étudie la littérature. Après des études sans excellence, elle se fait tour à tour enseignante, éditrice et reporter. En 1994, elle quitte son emploi d’alors pour séjourner plusieurs mois dans un temple. De sa retraite, elle produira cinq nouvelles et un roman court.
Elle publie en 1996 son premier roman, Le Cadeau de l’oiseau. Ce dernier est récompensé du prix Munhakdongne de la fiction. Auteure prolifique, elle fait paraître par la suite une dizaine de livres.
Ses thématiques de prédilection sont les vérités de l’existence qu’elle aborde au travers de description méticuleuse et subtile des banalités quotidiennes. L’ironie parsème sa prose et la lucidité est un élément essentiel de son écriture. L’impossibilité d’une vraie communication entre les individus semble transparaître dans ses récits comme une douce et amère réalité à laquelle ses personnages ne peuvent échapper. Depuis ses débuts, ses ouvrages connaissent un fort succès populaire et une reconnaissance certaine de la part des critiques.
Résumé
Ce recueil de nouvelles propose trois micro-fictions de l’auteure incontournable Eun Hee Kyung. Un garçon bègue se change en voyou. Une fillette modèle que tous envient devient la tête de turc du village. Un vieillard au seuil de la mort ne peut plus dire à ses proches où est le pactole emmagasiné après tant d’années de travail acharné.
Les coups du sort qui transforment les humains se mêlent dans ce livre aux interactions entre les individus. Les interprétations deviennent le terreau prospère aux souffrances des uns ou aux désabusements des autres. Du voyou égaré au businessman moribond, on découvre Sora, incarnation de la réussite qui débecte par sa surperfection.
- Il ne neige plus au pays natal
- Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps
- L’Héritage
Mon avis sur « Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ?»
J’ai été profondément touchée par ce recueil de nouvelles dont le titre, bien trop long, m’avait convaincue de ne pas me risquer à vous en offrir la critique. Cette tentative de vous épargner un titre d’article à rallonge était cependant impossible car cet ouvrage est magnifique. Et si tôt commencé à le lire pour mes petits loisirs, j’étais convaincue que je devais vous le partager.
Si Fille de la Mer m’avait tenue éveillée des nuits durant, Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ? m’a émue aux larmes et aux rires. Et ce n’est pas une figure de style. J’ai réellement pleuré à la lecture de l’Héritage qui compose la troisième nouvelle de ce recueil.
Que vous dire ? C’est fin, éclairé et remarquablement bien traduit. L’auteure touche aux relations humaines avec une subtilité tout en nuance. Et c’est sans surprise que l’on découvre qu’elle est l’une des plus grandes écrivaines coréenne contemporaines.
Chacune des histoires touche à nos vulnérabilités humaines. L’enfant bègue moqué pour sa différence s’emmure dans le silence jusqu’au jour où la fatalité frappe sa famille et le conduit irrémédiablement vers un avenir hors la loi.
Sora, la fillette qui veut plaire à tout le monde au point de se faire écharper par le village entier raconte cette culture de l’effort que l’on assène aux enfants. Étudier avec candeur. Réussir sans faille. Briller sans faire trop d’ombre. À bien se comporter, on s’en oublie, semble révéler cette histoire.
Et l’histoire du vieux businessman, chêne droit prêt à affronter tous les vents jusqu’à s’en rompre les os ! N’est-ce-pas l’existence de tant de responsables de familles (la figure du père coréen n’est pas bien loin) qui ne laissent que l’immense vide de leur absence dans l’existence de leurs proches ?
Conclusion
Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ? est un recueil somptueux que je vous recommande vivement. Il est court, bien écrit, puissamment bien narré. C’est un ouvrage intelligent, intimiste et profondément humain.
En deux mots : Lisez-le.
Où le trouver ?
Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ?, de Eun Hee Kyung, trad. Lee Myung Eun et Anne-Marine Mauviel, Ed. Decrescenzo, 2013, ISBN 978-2-36727-003-6
Sources : Decrescenzo |Korea in translation
Article rédigé par Casado Hélène.