À l’occasion du mois de la photographie à Bruxelles, qui met à l’honneur l’autoportrait coréen dans deux expositions, le hibou Liz a pu s’entretenir avec le photographe Jeong Yun Soon.
Expositions consacrées à l’autoportrait à Bruxelles
Dans le cadre du mois de la photographie à Bruxelles, le Centre Culturel Coréen de Bruxelles a décidé de proposer l’exposition Who Am I, qui présente cinq photographes coréens spécialisés dans l’autoportrait : Ahn Jun, Bae Chan Hyo, Choi Young Kwi, Jeong Yun Soon et Lee Jee Young.
Lors de la cérémonie d’ouverture, le hibou Liz a pu discuter avec le photographe Jeong Yun Soon, dont certaines œuvres sont également exposées au Hangar Art Center dans le cadre de l’exposition Mirror of Self. Le photographe a rapidement accepté un entretien, heureux de parler de son travail à un nouveau public.

Entretien avec Jeong Yun Soon
Qui est Jeong Yun Soon ?
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je suis né en 1969 à Séoul, en Corée du Sud, et j’ai commencé la photographie en 2002. Si je prenais des photographies de paysages et de villes avant 2015, je m’intéresse exclusivement à l’autoportrait depuis mon accident de voiture.
Vous êtes diplômé du centre de photographie de l’université de Chung-Ang. Aviez-vous déjà des projets en tête à l’époque ?
Avant d’aller à l’université de Chung-Ang, j’étais passionné par la photographie de paysages. Mais cela a été plus difficile après mon accident en 2015. J’ai donc voulu raconter mon histoire personnelle, une manière de guérir grâce à la photographie.
Avez-vous des modèles, coréens ou étrangers ? Vous inspirez-vous d’autres arts visuels dans votre travail ?
Mes modèles sont Park Hyun Doo (coréen) et Gregory Crewdson (américain). En général, comme il s’agit de mon expérience personnelle, j’exprime ce que m’inspire mon « moi intérieur ». Mais je puise également mon inspiration dans d’autres arts visuels.

Le travail de Jeong Yun Soon
Comment se déroule le processus de création d’un autoportrait ?
En général, je prends des notes sur mon téléphone lorsque je suis en voiture ou que je me promène, afin de ne pas oublier les idées qui me traversent l’esprit. Et puis, avant de prendre la photographie finale, il m’arrive de faire des croquis. Avant la prise, mes collègues me rejoignent et nous la répétons ensemble.
Sur votre site internet, deux vidéos montrent comment vous avez créé un buste en silicone et construit un canoé. Pensez-vous qu’un tel investissement dans la création d’une œuvre soit nécessaire ?
J’ai beaucoup dépensé dans le cadre de mon activité (j’ai par exemple loué une piscine et je me suis attaché à une grue). Je pense qu’il est nécessaire pour un photographe d’autant s’investir s’il veut proposer un travail unique qui lui est propre.

Vous avez recours au silicone dans plusieurs de vos projets, comme Me, Silicone Dummy. D’où vous vient cet intérêt pour ce procédé ?
L’utilisation du silicone vient d’une volonté de préserver ma mémoire. Le 16 janvier 2015, à 10 h 10 du matin, j’ai été victime d’un carambolage sur l’autoroute. J’ai été hospitalisé pendant six mois. En plus d’être gravement blessé, on m’a diagnostiqué une dépression mentale. J’ai donc pris part à la confection d’un buste en silicone pour me souvenir de mon autre « moi » normal. Encore maintenant, je reçois des soins hospitaliers deux à trois mois par an.

La photographe Lee Jee Young, dont les œuvres sont également exposées au Centre Culturel Coréen de Bruxelles, a déclaré qu’elle évitait de fixer l’objectif, pour ne pas monopoliser l’attention et se fondre dans le décor. Au contraire, vous portez un costume et fixez la caméra dans la plupart de vos autoportraits. Est-ce une volonté d’attirer notre regard ?
Les scènes varient dans toutes mes photographies. Mais la plupart du temps, je fixe l’objectif du regard. En confrontant le regard du spectateur, je renforce la transmission de l’assurance et de la confiance dont je fais preuve. Dans la plupart des photographies qui comportent des personnes, le regard du spectateur se tourne davantage vers ces personnes que vers l’arrière-plan. C’est parce qu’on peut deviner ce qu’elles racontent en regardant leur expression.
Expositions en Belgique
Qu’est-ce qui vous a poussé à exposer votre travail en Belgique ?
J’ai décidé d’exposer mon travail en Belgique car ces expositions étaient entièrement dédiées à l’autoportrait. J’ai beaucoup aimé les œuvres exposées au Centre Culturel Coréen de Bruxelles, mais aussi au Hangar Art Center.
Comment avez-vous décidé quelles œuvres seraient exposées à Bruxelles ? Vos œuvres sont-elles reçues de la même manière par le public coréen et le public belge ?
À l’exposition du Hangar Art Center, j’ai recours à divers environnements pour exprimer la manière dont mon corps a surmonté mon accident de voiture. Au Centre Culturel Coréen, j’exprime les émotions « intérieures » que je ressens depuis mon accident. Quant aux réactions du public belge et du public coréen, elles sont assez similaires. Ils me disent qu’en regardant mes photographies, des images fortes leur viennent à l’esprit.

Dans le cadre du mois de la photographie à Bruxelles, vous êtes exposé auprès d’autres photographes coréens et étrangers. Certaines œuvres de vos collègues vous ont-elles marqué ?
Je connaissais déjà la plupart des photographies de mes collègues exposés au Centre Culturel Coréen. Mais au Hangar Art Center, il y avait beaucoup d’œuvres que je voyais pour la première fois. C’était à la fois intéressant et impressionnant. Sur Instagram, les autres photographes m’ont aussi dit avoir été touchés par mes photographies. Les photographes s’intéressent au travail de leurs collègues et s’inspirent les uns les autres en regardant différentes œuvres.
Pensez-vous que la nouvelle popularité de la culture coréenne a changé la manière dont la photographie coréenne est perçue à l’international ?
Au Hangar Art Center, des personnes m’ont dit que la photographie prise dans un café avec le mannequin en silicone ressemblait à une scène de drama coréen. J’ai compris que la K-pop, les dramas et les films coréens étaient populaires auprès du public. Du coup, je pense que l’image des photographes coréens et de la photographie coréenne est en train de changer.

Et maintenant ?
Vos travaux actuels sont des autoportraits. Voudriez-vous essayer quelque chose de nouveau à l’avenir ?
Mon travail actuel se concentre sur l’autoportrait, mais j’aimerais aussi m’exprimer à travers des photographies de paysages ou des natures mortes. D’ailleurs, je faisais beaucoup de photographies de paysages et de villes avant mon accident de voiture.
Avez-vous d’autres projets en cours ou des expositions prévues pour 2023 ?
Je prépare actuellement deux projets. J’ai créé un mannequin en silicone à partir de mon apparence actuelle, mais je projette d’en faire deux autres, à partir de mon apparence passée et d’une apparence future. Ainsi, un projet où j’exprime le passé, le présent et l’avenir dans une seule photographie devrait voir le jour avant fin 2023. Je prépare également un projet d’autoportrait, dans lequel je n’apparais pas sur les photographies. Enfin, je serai exposé au Space22 (Corée du Sud), en mars 2023.
Un dernier mot pour nos lecteurs francophones ?
Tout d’abord, je suis content que des francophones puissent voir mes photographies. J’espère que cette interview donnera à vos lecteurs l’envie de voir mes photographies. J’espère que l’exposition se poursuivra non seulement en Belgique mais aussi dans d’autres pays francophones. Que Dieu vous bénisse tous.
Conclusion
Merci encore à Jeong Yun Soon d’avoir accepté de répondre aux questions de Liz. Si vous êtes de passage à Bruxelles avant fin mars 2023, nous vous invitons à admirer ses œuvres au Centre Culturel Coréen ou au Hangar Art Center !
Vous pouvez également suivre le travail du photographe sur son site internet ou sur sa page Instagram.
Source photographies : site officiel de Jeong Yun Soon
Traduction du coréen vers le français : K.Owls