C’est une annonce inattendue venant de la Corée du Nord : alors que le régime de Kim Jong Un affirmait jusqu’alors ne pas compter de cas de COVID sur son territoire, l’Agence centrale de presse coréenne nous a appris ce 13 mai que 6 Nord-Coréens étaient décédés de la COVID et que 187 800 personnes étaient actuellement isolées et soignées à travers le pays.
Une reconnaissance inédite de la propagation de la COVID en Corée du Nord
Jeudi dernier s’est tenue à Pyongyang une réunion du Politburo pour discuter de la politique mise en place depuis plus de deux ans en Corée du Nord contre la COVID. Image marquante, Kim Jong Un a été aperçu en train de porter un masque pour la première fois. Les premiers cas de COVID ont été officialisés alors qu’il a été annoncé que la Corée du Nord allait mettre en place des mesures de confinement et renforcer les contrôles aux frontières pour empêcher la propagation du virus. Cette « crise inattendue » serait due, selon les médias sud-coréens, aux rassemblements du mois dernier à l’occasion des 90 ans de l’armée populaire de Corée.
Selon Juliette Morillot, journaliste spécialiste de la péninsule coréenne, cette annonce serait un signal d’alarme sur la situation sanitaire en Corée du Nord, nécessaire pour éviter un raz-de-marée. En effet, si la Corée du Nord est isolée depuis plus de deux ans, on peut facilement imaginer qu’il y avait déjà eu des cas de COVID dans le nord du pays, près des frontières. Mais il s’agit de la première fois que des cas sont déclarés à Pyongyang, où vivent les élites du pays.

Un appel à l’aide de la Corée du Nord pour lutter contre la COVID…
Pourquoi la Corée du Nord publie-t-elle autant d’informations sur la propagation de la COVID sur son territoire, alors qu’elle affirmait y échapper jusqu’à présent ? Le système hospitalier nord-coréen étant en mauvais état, la moindre pandémie pourrait s’avérer catastrophique pour le pays : aucun des 25 millions de Nord-Coréens n’est vacciné contre la COVID, et de nombreux spécialistes considèrent qu’ils ne seraient pas en mesure de résister à une telle maladie. En outre, les conséquences sur l’économie nord-coréenne seraient terribles alors que le pays est déjà ciblé par les sanctions internationales et que ses échanges avec la Chine ont pris fin depuis le début de la pandémie.
Si le nombre de cas de COVID explose en Corée du Nord, il est possible que Kim Jong Un demande de l’aide à la Chine et à l’Occident en dernier recours. La réaction de la Corée du Sud ne s’est pas fait attendre : le ministère de l’Unification a soumis l’idée d’envoyer de l’aide humanitaire en Corée du Nord et le président Yoon Suk Yeol a proposé de fournir la Corée du Nord en vaccins. Plusieurs chercheurs sud-coréens pensent qu’une coopération inter-coréenne pour lutter contre la COVID pourrait aider à diminuer les tensions militaires dans la péninsule.
… Ou une manière d’affirmer l’autonomie de la Corée du Nord ?
Mais d’autres journalistes tels que Juliette Morillot sont moins optimistes et pensent au contraire que la Corée du Nord reprend son attitude « souffler le chaud et le froid », d’avant la parenthèse « Kim/Trump » : provoquer avec des essais nucléaires, montrer patte blanche et essayer d’obtenir de l’aide internationale. Cette logique pourrait revenir avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président sud-coréen.
En réalité, le principal objectif de ces annonces serait de soutenir la politique de Kim Jong Un : le leader nord-coréen ayant fermé les frontières de son pays dès janvier 2020, le virus avait été relativement contenu jusqu’ici. Ce 12 mai, Kim Jong Un a d’ailleurs déclaré que la Corée du Nord surmontera cette situation, grâce à l’union de ses habitants. Les officiels du parti ont également été invités à mettre en place des plans de développement économique pour empêcher une aggravation de la crise.
Il est donc aujourd’hui peu probable que la Corée du Nord accepte de l’aide internationale, dans la mesure où cela voudrait dire que la politique de Kim Jong Un n’a pas été efficace, que le « dirigeant suprême » se serait trompé. Park Won Gon, professeur associé au Département d’Études Nord-Coréennes à Ewha Womans University, rappelle en outre que le régime nord-coréen ayant refusé trois millions de doses de vaccins de la Chine et deux millions de doses de COVAX, il n’y a aucune raison qu’il accepte aujourd’hui des vaccins de la Corée du Sud.
Sources : Radio France | AFP | Yonhap News Agency (1)(2) | The Korea Times