Voici un second article consacré aux rois fous de Corée (pour le premier c’est par ici), car l’histoire est remplie de ces monarques tyranniques ou excentriques, cruels ou inattendus. Ces rois fous de Corée qui remplissent encore aujourd’hui l’imaginaire de la péninsule méritaient un second épisode. Découvrez une autre partie méconnue de l’histoire coréenne.
Gung Ye le divin

Né en 869 de notre ère, Gung Ye (궁예, 弓裔) est un personnage digne d’un drama historique : une prophétie annonçait que l’enfant, de naissance royale, causerait de grands troubles au sein du royaume de Silla. Aussi fut-il condamné à mort par son père, le roi Gyeongmun (경문왕, 景文王). Cependant, il fut caché et élevé par la servante qui l’avait extrait du palais. La légende raconte que lors de cette fuite, le nourrisson aurait perdu un œil. À la mort de la servante, le jeune Gung Ye fut confié aux moines.
Le royaume de Silla, qui avait unifié les trois royaumes deux siècles auparavant, connaissait une période de déclin. Nourrie par les guerres de succession et les révoltes constantes, l’instabilité laissait le royaume dans un chaos total. Alors que celui-ci était dirigé par la demi-sœur de Gung Ye, la reine Jinseong (진성여왕, 眞聖女王), la corruption augmenta. La famine constante et l’augmentation drastique des taxes provoquèrent des soulèvements populaires guidés par des hojok* (호족, 豪族) de la basse aristocratie. Le moine Gung Ye participa au soulèvement, sous les ordres de Gi Hwon puis de Yang Gil. Il trahit ce dernier en utilisant son armée pour fonder le royaume de Goguryeo.
*Pendant la période des trois royaumes, sous le royaume de Silla, la noblesse locale ou basse aristocratie était nommée hojok. Elle était juste au-dessous de la famille royale « aux os sacrés » et formait souvent des clans imminents.
Le Roi-Bouddha
Devenu monarque d’un nouveau royaume, Gung Ye chercha à unifier ses terres. Il établit la capitale à Cheorwon et changea le nom de la nation naissante : Majin en 904 puis Taebong en 911. En 905, convaincu que la religion était le meilleur ciment pour sa nouvelle nation, il se référa à lui-même comme Maitreya Bouddha. Au début de son règne, le monarque divin fut disposé à détruire les discriminations. Mais très rapidement, il se noya dans une folie meurtrière et organisa de nombreuses purges. Plongé dans une paranoïa croissante, il fit exécuter sa propre femme, dame Kang, et deux de ses fils. Ses généraux finirent par fomenter un coup d’État pour introniser le fondateur du royaume de Goryeo, le futur roi Taejo. Gung Ye mourut dans sa fuite en 918. La légende raconte qu’il aurait été assassiné par un paysan l’ayant pris pour un voleur.
Gung Ye est connu pour être à la fois un moine bouddhiste et un roi conquérant. Pendant de nombreux siècles, il fut associé aux rois fous, mais de plus en plus d’historiens nuancent les archives. En effet, celles-ci furent écrites alors que le royaume de Goryeo cherchait à se légitimer. Il n’en demeure pas moins un personnage haut en couleur dont le lignage, l’éducation religieuse et les actions tyranniques en font un être romanesque. Il reste un élément clé de l’histoire de Corée à l’époque des Trois Royaumes (918-935) et de la chute de Silla.
Sources : Revolvy
Chunghye le débauché

Né le 22 février 1315, Chunghye (충혜, 忠惠) – aussi connu sous le nom mongol Buddhašri ou coréen Wang Jeong (왕정, 王禎) – est le vingt-huitième roi du royaume de Goryeo. À cette époque, la Corée était sous le joug de l’empire mongol des Yuans, et le pays devait verser un lourd tribut à ces derniers. Les futurs rois coréens étaient ainsi choisis et éduqués par les Mongoles. Chunghye n’échappa pas à ce fait et fut envoyé en Chine en 1328. En 1330, on le renvoya en Corée pour devenir roi à la place de son père le roi Chungsuk (충숙왕, 忠肅王). Il régna ainsi jusqu’au retour de celui-ci, en 1332, quand il fut réintronisé par les Yuans. À la mort du roi Chungsuk, Chunghye put finalement régner quatre ans de 1340 à 1344. Il mourut le 30 janvier 1344.
Chunghye n’aura pas régné bien longtemps. Pourtant, dans la mémoire des Coréens, il est connu pour avoir été un roi fou et licencieux. En effet, le roi Chunghye vivait de viols et d’assassinats. Roi libidineux s’il en est, Chunghye ne se préoccupait plus des affaires du royaume et se contentait de transformer ses espaces royaux, où il devait recevoir la Cour, en zones de fêtes dionysiaques. Il semble que le monarque était conscient d’être un roi fantoche. Pour autant, la violence de ses meurtres et ses mœurs licencieuses le font entrer en toute légitimité dans la liste des rois fous de Corée.
Sources : Revovly
Taejong le fratricide

Sans être foncièrement fou, le roi Taejong (태종, 太宗) est connu pour sa prise de pouvoir sanglante et fratricide. Cinquième fils du fondateur de la dynastie Joseon, il en fut le troisième roi. Il naquit le 18 mai 1367, en tant que Yi Bang Won, fils de Yi Seong Gye qui allait devenir le roi Taejo (태조, 太祖). Alors que son père essayait de consolider son pouvoir, Yi Bang Won orchestra des assassinats pour affaiblir les opposants politiques du royaume naissant. Espérant obtenir les faveurs royales, il fut déçu d’apprendre que ses demi-frères, fils de la reine Sindeok, avaient été choisis pour être princes héritiers. Derrière la simple jalousie se cachaient en réalité des enjeux importants de pouvoir.
La lutte des Princes
Le Premier ministre Jeong Do Jeon soutenait les prétendants aux pouvoirs, car ils défendaient l’idée d’un pouvoir royal partagé avec des ministres nommés par le roi. De son côté, le prince Yi Bang Won envisageait la dynastie Joseon comme une monarchie absolue. Après la mort de la reine Sindeok, il profita de l’affaiblissement de son père pour entrer dans le palais et assassiner les partisans du ministre Jeong Do Jeon, dont deux de ses frères.
Cet événement de 1398 est connu comme la Première Lutte des Princes. La même année, craignant l’augmentation des guerres de succession, le roi Taejo abdiqua pour son fils Yi Bang Gwa. Celui-ci devint le roi Jeong Jong et régna deux ans. Durant ces deux années, le prince Jeong An disputa une guerre acharnée avec son frère aîné, le prince Hoean, qu’il finit par vaincre en 1400 lors de la Deuxième Lutte des Princes. Voyant l’ambition sans limites de son frère, le roi Jeong Jong abdiqua en 1400.
Le roi absolu
Devenu roi Taejong, Yi Bang Won entreprit de consolider son pouvoir. Pour diminuer l’influence des Yangbang (caste des érudits pendant Joseon), il émit des édits royaux visant à réduire les milices privées et les privilèges. Les lois sur les taxes et les possessions de terres et d’esclaves furent changées. En parallèle, il augmenta le nombre de militaires nationaux. Il émit aussi la loi de contrôle des populations Hopae en 1413. Sur le plan religieux, le roi Taejong affirma la doctrine confucianiste en fermant de nombreux temples bouddhistes.
Sa posture offensive à l’égard des pays étrangers s’exprima par des attaques à l’encontre des Jurchens (peuple nomade) au Nord et des pirates japonais au Sud. En 1419, il organisa l’invasion de l’île Tsushima, pour mettre fin à la piraterie dans les mers du Sud. Il fonda aussi une police secrète de gardes royaux, appelée Uigeumbu (의금부). Bien qu’ayant transmis son trône à son fils, le roi Sejong, il continua de diriger le pays d’une main de fer, allant jusqu’à faire exécuter la belle-famille de son successeur.
Ainsi, le roi Taejong reste dans l’histoire coréenne comme un roi puissant et intraitable, massacrant sans état d’âme ses rivaux et ses opposants. Pourtant, sa passion meurtrière est aussi remerciée dans la mesure où elle a permis l’édification d’un royaume solide après les siècles d’occupation mongole.
Sources : Revolvy
Sejo l’ambitieux

Né en 1417, le deuxième fils du roi Sejong est connu pour sa fermeté et sa cruauté. Yi Yu ou Grand Prince Suyang devint le roi Sejo (세조, 世祖) en 1455 après un coup d’État. Du temps où il était encore prince, Yi Yu brillait par son maniement des arts, martiaux et militaires.
À la mort de son père, le trône revint à son frère le roi Munjong qui, de santé fragile, ne dirigea le pays que deux ans avant de mourir. Avec la perte de ce roi clairvoyant, le royaume de Joseon entra dans une période de troubles politiques. Le trône revenait au jeune prince Danjong alors âgé de douze ans. Orphelin de père (roi Munjong) et de mère (reine Hyundeok), le jeune roi était une proie facile pour l’avidité des nobles de la cour et de ses oncles. L’un d’eux, le Grand Prince Suyang, organisa un coup d’État à son encontre prenant de court son frère, le grand prince Anpyong, qui convoitait aussi le pouvoir.
Le roi cruel
Jusque là, rien d’anormal dans les luttes fratricides de succession. Ce qui fait dire que le roi Sejo était un roi fou et cruel vient de la manière dont il traita ses frères et son neveu. En 1453, il remporta une bataille contre le camp de son frère, le Grand Prince Anpyong, qui convoitait aussi le trône. Sejo le poussa à l’exil et ordonna son suicide. En 1455, il prit le pouvoir lors d’un coup d’État et envoya son neveu déchu en exil.
En 1456, six érudits organisèrent un soulèvement pour réhabiliter le roi Danjong. Trahis par un informateur, ils furent menés devant la justice du roi Sejo. Celui-ci dirigea lui-même l’interrogatoire et les tortures. Après quoi, il ordonna l’arrestation d’un autre de ses frères, le Grand Prince Geumsung et de son neveu le roi déchu Danjong. Il ordonna la mise à mort de tous les traîtres ainsi que le suicide de son frère et de son neveu en 1457.
Le roi à la poigne de fer
Dans la lignée de Taejong et Taejo, le roi Sejo affirma le pouvoir royal en affaiblissant les ministres influents. Il mit en place un système administratif rigide et puissant grâce auquel il pouvait recenser rapidement la population et, en cas de besoin militaire, recruter rapidement et massivement des soldats. Sa politique offensive à l’égard des Jurchens (tribus de nomades) se place en filiation de celle du roi Taejong.
Le roi Sejo était aussi très intéressé par la médecine, pour laquelle il écrivit plusieurs traités, et contribua à la revalorisation du bouddhisme. Si d’un côté il massacrait les érudits et savants que son père, le roi Sejong, avait promus, il était aussi intéressé par la diffusion et le développement des sciences. Sans pitié et condamné par la postérité pour son coup d’État, les assassinats de ses frères et son neveu et les massacres des érudits, le roi Sejo reste dans la mémoire coréenne comme un dirigeant efficace.
Sources : Newworldencyclopedia | Revovly | Yourdictionary
Article rédigé par Casado Hélène.