Si vous êtes amateurs de dramas, vous avez sans doute rencontré la figure du Prince Sado dans des films et séries comme The Throne (사도) ou Secret Door (비밀의 문). La lecture des Mémoires d’une Reine de Corée éclaire cette partie de l’Histoire en apportant le regard très informé, mais non pas moins subjectif, de l’épouse du Prince.
« Quand je songe que j’ai trouvé la force de rédiger ces mémoires dans ma vieillesse, les cheveux devenus blancs, et avec si peu de temps à vivre, il me vient comme un ressentiment pour ce destin qui fut le mien ; c’est alors que je verse des larmes pleines d’amertume et que j’en appelle au ciel. »
Mémoires d’une Reine de Corée de Dame Hong
À propos de l’auteur
Née en 1735, Dame Hong, mieux connue sous le nom de la reine Heongyeong (혜경궁), fut l’épouse du tristement célèbre Prince Sado (사도세자) qui, aujourd’hui encore, imprègne largement la littérature et le cinéma coréen. En effet, ce prince, destiné à être roi, fut condamné à être enfermé dans un tonneau jusqu’à ce que mort s’en suive. Cet épisode tragique de l’Histoire coréenne a eu de très fortes incidences sur l’Histoire du XIXe siècle et les conclusions qu’on lui connait.
Résumé
À la fois œuvre littéraire, recueil politique et objet historique, Mémoires d’une Reine de Corée est une œuvre exceptionnelle à bien des égards. C’est en effet l’un des rares textes historiques coréens écrit par une femme qui nous soit parvenu. C’est aussi un recueil de conseils sur la gestion de l’état que la Reine douairière légua à son petit fils, le roi Sunjo(순조), à qui elle s’adresse en rédigeant ses mémoires. Les qualités littéraires de sa plume le placent dans les œuvres littéraires et la finesse des détails sur les mœurs de la Cour à l’ère Joseon en font évidemment un objet historique certain.
Mon avis
De sa plume fine et précise, Dame Hong révèle les tenants de l’affaire Imo qui a conduit à la mise à mort de son époux puis les conséquences de celle-ci sur le pays. La première partie de ses mémoires raconte sa jeunesse, sa désignation en tant qu’épouse du prince héritier et son apprentissage des codes de la Cour. Puis, elle narre à son petit-fils les raisons qui ont poussé le roi d’alors à mettre à mort le Prince. Enfin, elle explique ce qui poussa le roi Chongjo (정조), son fils, à détruire toutes les archives concernant la condamnation du Prince Sado et révèle les secrets vis-à-vis de l’affaire et les diverses utilisations politiques de celle-ci au sein de la Cour.
Ce que l’on découvre à travers la tragique histoire du Prince Sado et de son épouse, c’est le redoutable environnement de la Cour de Joseon qui poussa le premier à la folie et la dernière à libérer la parole aux dernières heures de sa vieillesse. La figure du roi Yeongjo (영조) y apparaît terrifiante et redoutable. Son choix funeste nourrit les intrigues de Cour sur trois générations royales. Le discours sans fard de la reine est aussi très rare dans la littérature et les textes royaux. En effet, si les confucianistes mettaient un point d’honneur à engager leur vie dans les conseils à prodiguer aux rois, les membres de la famille royale devaient, eux, faire preuve d’une retenue certaine.
Les mémoires d’une Reine de Corée, un ouvrage qui fait polémique
Pourtant, de nombreux historiens apportent aujourd’hui un regard plus critique sur ces mémoires rappelant que la Reine appartenait au clan des Hong et ne pouvait donc être totalement impartiale quant au récit qu’elle fait de l’événement. Bien que ses mémoires – écris en quatre chapitres qui s’adressent chacun à un destinataire différent – apportent un regard différent sur l’affaire Imo, il reste trop peu d’archives pour avérer la subjectivité ou non de l’auteur.
Qu’elle fut une innocente victime de l’Histoire ou une actrice impliquée dans les affaires de son temps, Dame Hong reste une figure importante de l’Histoire de Corée et continue de nourrir les imaginaires du Pays du Matin calme. Le cinéma historique puise régulièrement à la source des mémoires de Dame Hong dont la figure tantôt sévère, tantôt douce, pare les écrans.
Dame Hong au cinéma
Conclusion
En somme, parmi les rares textes historiques traduits en langue française, Mémoires d’une Reine de Corée se démarque particulièrement. La plume de Dame Hong vous fera glisser aux limites du roman historique, rendant votre lecture d’autant plus agréable et la découverte de cette partie de l’histoire coréenne d’autant plus passionnante. C’est aussi une porte d’entrée pour comprendre les enjeux politiques de la dernière partie de l’ère Joseon et les raisons qui ont pu mener aux troubles que le XIXe siècle coréen a subit. Que vous le lisiez pour le plaisir de la lecture ou par l’appétence de l’histoire coréenne, il ne fait pas de doute que Mémoires d’une Reine de Corée vous imprégnera durablement.
Où le trouver ?
Mémoires d’une reine de Corée, Collection Picquier poche, traduit par Claude Bouygues et Christiane Tchang-Benoit, ISBN : 87730-628-3, 2002
Sources : Revovly | Revolvy | Picquier | The Talking Cupboard
Article rédigé par Casado Hélène.