Abordé succinctement dans l’article sur Lee Ufan, je vous propose d’en apprendre plus sur le mouvement dansaekwa. En passant par son histoire, ses particularités et les peintres qui ont marqué cet art pictural, venez découvrir un aspect de la peinture coréenne.
Qu’est-ce que le mouvement dansaekwa ?
Littéralement, « dansaekwa » (단색화) signifie « monochrome ». Ce mouvement est fondé par des artistes nés entre 1930 et 1940 et est parfois surnommé comme étant « l’abstraction coréenne ». L’influence de Lee Ufan sur la réflexion de se démarquer des tendances artistiques occidentales a joué un rôle important dans le succès des œuvres de ce mouvement pictural. Bien qu’il prenne de l’ampleur dans les années 1970, il n’est reconnu qu’à la suite d’expositions de Lee Ufan en 2006 à New York et à Londres, et avec l’engouement des investisseurs pour l’art abstrait. Le terme « dansaekwa » n’a été proposé qu’en 2000 par le critique d’art Yoon Jin Sup lors de la Biennale de Gwangju.
Ce mouvement est en réponse directe à l’impact parfois traumatique de l’invasion japonaise et la guerre de Corée, ainsi qu’à la crise politique qui a suivi cette dernière. Impacté par le minimalisme occidental et la calligraphie des philosophies taoïste et bouddhiste, on peut considérer le dansaekwa comme l’un des premiers mouvements d’art moderne en Corée du Sud, en utilisant des méthodes expérimentales en peinture.
Le dansaekwa est une forme d’art méditative se penchant sur la relation entre les matériaux, l’artiste et le spectateur, autour de la conception spirituelle de l’espace et de la nature. Le choix des matériaux est très important dans la conception créative et va permettre de ressentir l’effort fourni par l’artiste. La répétition du mouvement est au cœur de l’acte de création du motif afin d’obtenir l’intensité de la couleur voulue par l’artiste. Quand cela concerne exclusivement la peinture, l’artiste peut aller d’une dizaine de coups de pinceaux à plus d’une centaine ! Les couleurs sont principalement dans des teintes neutres. Le rapport à la matière et la superposition sur la toile permettent d’explorer une dynamique, renforcée ensuite par le regard du public.
Un développement en deux étapes
La décennie de 1970, le début du dansaekwa
En 1957, des artistes se regroupent avec « l’Association des artistes contemporains », cherchant une sérénité et une liberté d’expression après avoir vécus l’occupation japonaise, la guerre de Corée et la dictature. Si on peut les rattacher au même mouvement pictural, chaque artiste possède une pratique de l’art bien distincte. À travers leurs expérimentations, ils ont appris à manipuler les matériaux (souvent le papier et la peinture), loin de ce que l’on connaît dans l’art occidental. Je vous en présente ici les principaux :
- Park Seo Bo (1931-) est un pilier du mouvement dansaekwa. Il cherche dans ses œuvres la représentation de l’espace et du vide en utilisant des gestes simples sur le hanji, le papier coréen fabriqué à base de mûrier.
Mon travail est plus lié à la tradition orientale et à sa conception spirituelle de l’espace. Je m’intéresse plus à l’espace du point de vue de la nature. Même si mes peintures peuvent représenter une idée de la culture, l’accent principal est toujours basé sur la nature. En d’autres termes, je veux réduire l’idée et l’émotion dans mon travail, afin exprimer mon intérêt pour l’espace du point de vue de la nature. Ensuite, je veux réduire cela – créer un vide pur. C’est une valeur ancienne qui existe encore dans la philosophie orientale où la nature et les hommes ne font qu’un. Cette tendance est évidente dans mon travail des années 70 et 80 – pas seulement ces dernières années.
Park Seo Bo – Écriture
- Kim Tschang Yeul (1929-2021) travaille beaucoup sur des motifs naturels et la poésie de l’eau, notamment les gouttes d’eau. Elles sont à la fois symbole de sagesse dans la philosophie taoïste et la représentations des tragédies vécues lors de la guerre de Corée. Certaines de ses œuvres combinent ses gouttes d’eau à la calligraphie coréenne.
- Lee Ufan (1936-) se démarque car il a touché à d’autres formes d’art comme la sculpture, contrairement à ceux que j’ai pu vous présenter qui sont restés principalement dans le domaine de la peinture. De plus, habitant au Japon depuis longtemps, il est parfois considéré comme étant japonais, et non coréen. Cependant, il reste un artiste important concernant la diffusion du mouvement, notamment avec une exposition à Tokyo en 1975. Le Japon était à cette époque plus ouvert à l’art occidental que les autres pays d’Asie.
- Parmi les autres artistes, nous trouvons également Chung Chang Sup (1927-2011), Chung Sang Hwa (1932-), Suh Se Ok (1929-2020).
Chung Sang Hwa – Untitled
Une nouvelle génération, de nouvelles explorations
Ces artistes sont nés dans les années 1980 et ont été témoins non seulement de l’importante place que prenait l’industrialisation dans leur pays, mais également du rapide développement économique. L’esthétisme et les matières se renouvellent, apportant ainsi de nouvelles perspectives au mouvement dansaekwa, et un rapport plus urbain et médiatique. Voici quelques figures de cette seconde génération :
- Kim Chun Hwan (1968-) collecte des magazines pour s’en servir dans ses œuvres. Il choisit et découpe les pages qui l’intéresse, puis va les coller et les froisser. Plusieurs milliers de pages peuvent être utilisées pour une seule œuvre. Ainsi il peut privilégier une couleur tout en étant restreint par la disposition initiale. Sa démarche s’inscrit dans un équilibre entre ce qui est prévu et ce qui est accidentel. Tout en restant dans la tradition du papier, il en dénonce la surconsommation et amène à réfléchir à l’impact écologique.
- Hyun Ae Kang (1959-) habite aux États-Unis. Elle se sert d’une variété de supports et de matériaux afin d’étudier sa relation au sacré en explorant les textures et combinaisons des couleurs. Contrairement à la première génération, l’artiste utilise des couleurs vives pour retranscrire son approche joyeuse de la vie. Elle travaille également sur des sculptures.
- Kim Taek Sang (1958-), quant à lui, se rapproche assez de la première génération dans son approche de l’art monochrome, bien qu’il utilise lui aussi des couleurs plus vives.
Kim Taek Sang – Breath’s hue-deep
Sources : Article de Simon Morley | Artland | Le tour de l’art | KoreaTimes | Galerie RX
Image de Une : Chung Chang Sup – Return
Source image Une : Art Rabbit
Traduction : anglais > français : K.Owls