Le « trot », un style musical coréen peu commun. Découvrez notre interview de Karine, qui attise notre curiosité envers ce genre dont on entend souvent parler au détour d’un drama ou d’une émission télévisée coréenne… L’occasion de se pencher plus en détails sur la question !
Suite à notre couverture des Korea Days 2019, nous avons eu le plaisir de rencontrer Karine, 19 ans, qui nous vient du sud de la France et qui étudie à Lyon.
Son sujet de prédilection, c’est le « trot ». Une passion qui prend forme depuis quelques années maintenant. Après quelques covers sur YouTube, la jeune femme a eu l’occasion de présenter ce genre sur la scène lyonnaise des Korea Days, des sons qui valent le détour pour tout amateur de la Corée du Sud. Entre anecdotes venues tout droit de Corée et informations en tout genre, Karine nous confie sa vision du trot.
Le trot, qu’est-ce que c’est ?
Musique populaire, notamment au XXe siècle, parfois peut-être un peu désuet de nos jours, le trot se démarque par une technique vocale très particulière : chargé de vibrato, les syllabes traînantes, le trot s’impose comme un style pleinement coréen. Ancré dans une tradition vocale du pays tout en lui offrant une certaine modernité, c’est une structure musicale qui s’inspire également de multiples rythmes venus de l’étranger. Un précurseur, en quelque sorte, de la K-pop actuelle.
Quelques stars de la K-pop se sont déjà essayées au genre : Daesung (BIGBANG), Lizzy (AfterSchool) et son titre Not an Easy Girl… Quant aux reprises dans les émissions de variété, elles ne manquent pas : EXO, BTS, BTOB, RED VELVET… et même TWICE ! Le trot s’invite, encore et toujours, dans le quotidien coréen, parfois moqué mais emprunt bien souvent d’une tendre affection, propice à la rigolade avec ses thèmes dansants aux sonorités disco et divertissantes : qui n’a jamais chantonné Les démons de minuit entre amis ? Des classiques, que l’on aime parodier avec bonhomie !
Interview de Karine
Bonjour Karine ! Pourrais-tu te présenter brièvement ?
Bonjour ! Je m’appelle Karine, j’ai 19 ans. Je suis en deuxième année de licence LEA (Langues Étrangères Appliquées) anglais/coréen à Lyon 3 et je suis passionnée par la culture coréenne dans sa globalité depuis 2014. Tout a commencé par la K-pop, qui m’a amenée par la suite aux dramas puis à la littérature coréenne, que j’apprécie énormément. Et, finalement, j’ai découvert le trot… et voilà ! (rire)
Pourquoi ce choix ? Pourquoi le trot en particulier ?
J’ai pris des cours de chant pendant six ans, et c’est vrai que la première fois que j’ai écouté du trot, j’ai trouvé ça vocalement extrêmement intéressant. Ça me semblait irréel, des sons impossibles à produire… Pour moi, il fallait être né avec une corde vocale en plus ou avec un don (rire). J’étais vraiment impressionnée par cette technique. Plus j’en écoutais, plus ça me plaisait. Puis j’ai fini par me dire « et si j’essayais de chanter du trot aussi ? » et en voici le résultat.
Donc tu as décidé de créer une chaîne YouTube pour partager cette passion ?
Oui, c’est ça ! Après, c’est vrai que c’est une petite chaîne, ce n’est pas grand chose… C’est en fait surtout un moyen pour moi de voir mon évolution au niveau de l’enregistrement, vocalement également. Histoire d’avoir une chronologie, une trace de mon évolution au fil du temps.
Tu baignes plus ou moins dans la vague Hallyu. As-tu remarqué une incidence notable de cette vague sur le trot ? Un impact en termes de visibilité en Corée ou en France ?
Oui, c’est une certitude. On ne peut pas comparer le trot des années 80 à ce qu’on appelle aujourd’hui le neo trot, soit celui des années 2000, qui, lui, se rapproche bien plus de la pop, contrairement au trot des années 80/70 qui s’apparente davantage au jazz. C’est vrai qu’il y a eu une grosse évolution dans l’industrie musicale coréenne.
Que penses-tu de l’introduction du trot dans certaines chanson de K-pop ? Par exemple, Lizzy de After School avait fait une chanson un peu dans le genre (Not an Easy Girl – Lizzy ft. Jung Hyung Don) ?
Je ne suis pas sûre de la popularité de cette chanson. C’est vrai que je la connais et de manière générale, ça parle beaucoup quand les artistes de K-pop actuels sortent des chansons de trot ou révèlent quelques reprises dans les émissions de variété. On en parle énormément. Mais après… je ne pense pas que cette artiste-là se décidera réellement à chanter du trot, à nouveau. C’est surtout pour rendre hommage. C’est vrai que c’est intéressant, mais sur la longueur… je ne pense pas les fans apprécieraient.
Et toi, dans quel genre t’exerces-tu ?
Le tout. J’aime le tout. Je fais un peu de tout, mais c’est vrai qu’il est difficile de trouver des audio plus vieux, à moins que ce ne soit une reprise, donc c’est vrai que j’ai plus tendance à écouter à partir des années 80/90, que l’on trouve plus facilement.
Comment pratiques-tu le chant ?
Je ne prends pas de cours de chant à Lyon mais j’en ai pris pendant six ans, jusqu’à ma dernière année de lycée. À présent, je travaille le chant par moi-même, à la maison, même si c’est plus compliqué et que ça demande plus de temps.
Un artiste en particulier que tu apprécies ?
Pas spécialement, ils sont trop nombreux (rire).
À recommander alors, peut-être ?
Récemment, dans le neo trot, Hong Jin Young est très connue. Vocalement, c’est pareil, une prouesse, et c’est une artiste qui plaît à tout le monde. Même aux personnes de ma génération qui ont tendance à considérer que le trot est démodé. Elles connaissent ses chansons, celles-ci sont vraiment très appréciées.
Justement, comment le trot est perçu en Corée ? Es-tu déjà allée en Corée ?
Oui, je suis allée en Corée en 2016, justement ! Et j’ai une petite anecdote à ce sujet : je ne parlais pas encore le coréen à l’époque, mais j’ai tenté une phrase tout de même en coréen, à mon chauffeur qui m’emmenait de Incheon à Séoul. C’était assez calme dans la voiture et je lui ai demandé s’il pouvait allumer la radio. Il m’a mis un CD de pop américaine. J’ai hésité, puis j’ai tenté de lui dire que j’aimais bien le trot coréen. Et alors là, il a changé du tout au tout ! (rire). Il est devenu très excité et a baissé son pare-soleil : il y avait une collection entière de compilation de trot qui était cachée-là. Il a inséré un CD, ouvert la fenêtre et il s’est mis à chanter. Il avait l’air tellement heureux ! Cette rencontre m’a vraiment marquée. (rire)
Ceci dit, c’est vrai qu’il avait probablement 40 à 50 ans. Mes amis coréens que je fréquente, eux, sont plutôt du genre : « oulala de quoi tu me parles » (rire). C’est comme si on parlait aux jeunes de nos jours de Balavoine ou de Claude François. Il y a une grosse différence entre les générations.
Comment réagissent les Coréens, quand tu leur dis que tu chantes du trot ?
Les Coréens… Ils sont plutôt impressionnés. Et surpris. Le fait que des étrangers puissent connaître ce genre-là leur paraît étonnant. En tant que Coréens, ils connaissent ça dans leur pays, mais à l’étranger, on n’en parle pas tant que ça. Ça les surprend. Ils se demandent « pourquoi le trot, quoi ? », sachant qu’il y a plein d’autres genres sous mes yeux. Mais encore une fois, je ne peux faire cette constatation que par rapport aux plus jeunes générations que j’ai pu côtoyer, qui baignent davantage dans la K-pop ou dans la musique américaine. Donc oui, effectivement, pour eux, c’est étrange qu’une étrangère puisse connaître le mot « trot » et d’autant plus de le chanter !
Et en France ?
Ça dépend. Soit on sait ce que c’est, j’entends alors des réactions comme « Whoo, pas mal ! », soit on ne sait pas du tout, les gens sont alors perdus (rire). Je leur fais écouter, ils sont plutôt intéressés, mais ils n’écouteront pas forcément d’eux-mêmes par la suite.
Peux-tu relier le trot à un style musical français qui lui ressemblerait ?
Eh bien, je dirais les années 80, en France. Au niveau du rythme, les années 80 sont particulièrement représentatives, très rythmées et très disco. Je pense que le trot pourrait être relié aux années 80 de la variété française.
Aujourd’hui, tu te concentres surtout sur des performances en live ?
En fait, ma performance aux Korea Days est ma seconde performance de trot en live. Je ne m’attendais pas à en arriver là, j’ai ouvert ma chaîne YouTube sans plus d’ambition, seuls mes amis la connaissaient. J’ai participé à un concours de chant dans un petit événement sur la culture coréenne, ma première scène pour le trot, et une organisatrice des Korea Days était présente. Elle m’a dit qu’elle en toucherait un mot à ses collègues et m’a invitée pour l’événement. C’est donc juste ma seconde performance !
C’est un début, donc. Peut-on s’attendre à d’autres performances, d’autres vidéos ?
Peut-être oui. Je pars en août pour mon année d’échange en Corée, donc ce sera peut-être un peu compliqué, mais je vais essayer de faire ce que je peux !
Comptes-tu continuer dans ce domaine, dans un milieu professionnel ?
Je ne sais pas. Je pense que la vie est pleine d’occasions, ça dépendra de ce qu’on me proposera à l’avenir. Pour le moment, je pense surtout à terminer mes études, m’ouvrir sur un métier plus terre à terre, mais à l’avenir, pourquoi pas.
Un titre ou un artiste à recommander peut-être, permettant à un débutant curieux de découvrir le genre ?
La première reprise que j’ai faite sur ma chaîne YouTube me paraît un bon choix. Il s’agit de 무조건 de Park Sang Chul, Unconditional en anglais. C’est une bonne mise en perspective du rythme très entraînant, et vocalement c’est très intéressant également.
Et maintenant, Karine, quelques fun facts ! Une chanson favorite ?
Kkot, Dal, Sul (You Are My Flower en anglais) de Hong Jin Young ft DIA (le groupe de K-pop), et la chanteuse Kim Yon Ja… Oui, je crois bien que c’est vraiment ma chanson favorite.
Un plat favori ?
Je vais rester sur un basique : le kimchi bokkeum bap !
Niveau K-pop, des préférences ?
BTOB sans hésiter ! Le must (rire). Et puis vocalement, c’est toujours très intéressant. (rire) MAMAMOO également !
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Je serais contente si le trot a pu susciter votre intérêt, j’espère que le fait d’aller écouter ce genre vous aura permis d’offrir de nouvelles perspectives à de nombreuses personnes.
Conclusion
Avez-vous écouté Unconditional de Park Sang Chul ? Les chansons de Hong Jin Young que Karine recommande chaudement ? Tear de So Chang Whee ? Non ? Allez donc jeter une oreille ! Sonorités dansantes, rythmes entraînants et envolés vocales réveilleront probablement vos pieds de quelques démangeaisons familières… Les années 80 ne sont effectivement pas bien loin, et pour les plus jeunes, certaines sonorités vous rappelleront peut-être certains génériques de dessins animés. Un brin de folie et d’extravagance parfois, tandis certaines exhalent une profonde nostalgie, tout en gardant cette rythmique si caractéristique du trot.
Les plateformes vidéos regorgent d’exemples en tout genre, des prestations les plus sérieuses aux plus loufoques. Plongez aux racines de la pop coréenne, soyez curieux ! Et si vous souhaitez vous intéresser davantage au parcours de Karine, qui étudie actuellement en Corée, vous pouvez la retrouver sur Instagram.
Interview réalisée par Littleangele et Esmerald