Lorsque l’on regarde des sageuk (사극/史劇) (= des dramas historiques), on se rend vite compte qu’il existait plusieurs classes sociales pendant la dynastie Joseon. Il y a bien évidemment les riches et les pauvres, mais comment se décomposent-elles ?
Sous la dynastie des Yi (1392-1910), la population est répartie en quatre classes sociales majoritaires et distinctes. Il existe une réelle hiérarchie impliquant des dominants et des dominés. Ces différentes couches sociales sont essentiellement héréditaires, mais vous verrez qu’il existe tout de même des possibilités de mouvement entre les différents statuts sociaux.
Yangban (양반)
Peinture de Shin Yun Bok représentant des yangban en compagnie de gisaeng
La plus haute classe sociale de l’époque, qui constitue la noblesse, se nomme yangban (兩班) qui signifie littéralement « deux groupes ». Ce nom vient initialement de Goryeo et est dû au fait que cette classe était constituée à la fois de fonctionnaires civils (les munban, 문반/文班) qui suivaient un enseignement littéraire, et de fonctionnaires militaires (les muban, 무반/武班) qui suivaient un enseignement martial. Sous Joseon, le terme de yangban est dérivé et concerne plutôt les personnes érudites car l’accent est mis sur l’importance du confucianisme ; les militaires gardent toutefois leur titre de noblesse.
Les yangban sont éduqués selon la morale confucéenne et ont une ligne de conduite stricte à suivre : ils se doivent d’être des personnes courtoises, honnêtes, loyales, capables de se maîtriser et doivent même être prêts à se sacrifier s’il le faut. Ils ne doivent pas se livrer à des activités manuelles, ni faire de commerce. En revanche, ils doivent être dotés de nombreuses compétences telles que la calligraphie, la peinture, la littérature et par-dessus tout des compétences poétiques sans quoi il n’est pas possible pour eux de passer l’examen de la fonction publique supérieur, le gwageo (과거/科擧). Cet examen est très important car c’est celui qui leur permet un accès à l’administration gouvernementale. Il est important d’entretenir son statut de yangban car s’il est héréditaire, il est tout de même possible pour une famille de le perdre sur le long terme. En effet, pour rester yangban, il faut qu’au moins un des membres de la famille obtienne une place au sein du gouvernement sur trois générations successives. Si ce n’est pas le cas, la famille perd son statut de privilégiée et est rétrogradée au rang de jungin (que nous allons voir ci-dessous). La réussite aux examens est donc très importante mais pas suffisante, il faut également réussir à être nominé à l’une des fonctions gouvernementales pour obtenir les privilèges de la classe. L’éducation est donc essentielle dans le processus de réussite des yangban.
Cependant, au fil du temps, la classe yangban contient en son sein deux autres types de personnes, considérées comme associées à l’élite mais n’en faisant pas partie : il y a les personnes ayant réussi les examens (préliminaires et supérieurs) de la fonction publique mais n’ayant pas obtenu de poste au gouvernement, ainsi que la famille éloignée des fonctionnaires. Il est ainsi possible de rencontrer des yangban pauvres, mais tant que ces personnes se soumettent aux exigences confucéennes (de conduite et de connaissances intellectuelles), elles sont considérées comme faisant partie d’une famille yangban.
En tant qu’élite, les yangban se voient attribuer de nombreux avantages : ils sont les seuls à pouvoir passer les examens du service civil, ils ne contribuent pas au devoir militaire ni au travail de corvée et ils peuvent acquérir des terres du gouvernement. Ils ont la possibilité de louer ces terres, souvent aux roturiers, ce qui leur permet de collecter un loyer. Évidemment, plus une personne possède de terres, plus elle est riche et puissante. Grâce à ce système, les yangban détiennent une grande partie de la richesse du pays.
Vers la fin de la dynastie Joseon, le système des yangban est réformé car il est de plus en plus corrompu et finit par être aboli en 1894.
Jungin (중인)
Sous les yangban, on peut retrouver les jungin (中人), qui signifie littéralement « gens du milieu » ; ils font donc partie de la classe moyenne. Ce sont généralement soit des yangban « rétrogradés », soit des fils illégitimes de yangban, soit des personnes de classes inférieures (des roturiers) qui sont montées sur l’échelle sociale. Ce sont alors souvent des fonctionnaires de rang inférieur, donc des techniciens et des personnels administratifs comme des interprètes, des comptables, des musiciens, des juristes, des calligraphes, des médecins, etc. Ils sont finalement les personnes bénéfiques pour faire tourner le pays, là où les yangban sont les érudits.
Il faut donc, pour devenir jungin, passer un examen de catégorie « divers », le japkwa (잡과/雜科), attestant de ses connaissances et compétences afin de pouvoir travailler au sein du gouvernement, en subordination aux yangban. Et comme dit précédemment, il est possible pour un jungin de devenir yangban en passant le gwageo ou alors, autre possibilité, en se mariant à un yangban.
Les femmes de cette classe sociale ont la possibilité de travailler comme dames de la cour si leur père a de bons contacts au sein du palais. Elles peuvent de ce fait être choisies pour devenir concubine du roi.
Tout comme les yangban, les jungin bénéficient de certains privilèges : ils sont exonérés des taxes et du service militaire. La population de cette classe sociale vit donc assez aisément ; elle reste cependant quelque peu méprisée par la classe sociale supérieure.
Cette classe sociale est la plus petite de l’époque en termes de « population », on ne retrouve ainsi dans le jokbo (족보/族譜), qui est le registre généalogique, que moins de dix générations de jungin (NB : seuls les hommes sont notés dans le jokbo). Elle est cependant devenue plus abondante à partir du XVIIe siècle et finit par devenir un statut héréditaire comme les autres castes.
Sangmin (상민)
Sous les jungin, se trouvent les sangmin (常民) qui sont les roturiers et ont un statut social assez faible. Ce sont les paysans, ouvriers, marchands, artisans, etc. Malgré leur faible statut social, ils sont tout de même respectés en soi car ce sont des travailleurs indépendants (ils s’auto-suffisent en quelque sorte) et qu’ils font des métiers considérés comme « propres » (vous comprendrez pourquoi en lisant la partie sur les cheonmin ci-dessous). Cependant, les marchands sont moins bien vus, car ils vendent des biens qui ne sont pas de leur propre labeur, ils sont donc considérés comme des personnes s’enrichissant au profit des autres. L’État leur prélève davantage de taxes afin qu’ils n’accumulent pas trop d’argent mais certains marchands parviennent à devenir très riches.
Les sangmin sont les seuls à subir le lourd poids de l’impôt et ils sont soumis au service militaire. Ils vivent généralement une vie difficile. Ils peuvent prétendre aux examens de la fonction publique mais cela est extrêmement rare car ils n’ont souvent pas de temps pour étudier et se préparer à l’examen, étant contraints à travailler pendant de longues heures pour subvenir à leurs besoins (et payer les taxes du coup…).
Il faut savoir que les personnes faisant partie de cette classe sociale n’ont à la base pas de nom de famille puisqu’ils n’ont pas besoin d’être identifiés (ils ne passent pas d’examen et travaillent pour eux-mêmes) ; mais ils finirent par en adopter plus tard afin d’éviter d’être stigmatisés.
Ils forment la plus grande classe sociale de l’époque Joseon puisqu’ils représentent à peu près 75 % de l’ensemble de la population.
Cheonmin (천민)
Esclaves (nobi)
Tout en bas de l’échelle sociale se trouvent les cheonmin (賤民), considérés comme les parias.
Ils sont, tout comme les sangmin, des roturiers mais se trouvent être de rang inférieur au vu de leurs métiers qualifiés de sales ou indésirables. On retrouve donc ici les gisaeng, les mudang (= chamanes coréennes), les magiciens, les artistes de rue, les bouchers, les métallurgistes, etc. Ce sont des personnes méprisées, très mal vues et elles n’ont d’ailleurs pas accès aux examens de la fonction publique.
On y retrouve également les esclaves (nobi). Ils appartiennent souvent à des familles de yangban ou au gouvernement et peuvent être achetés et vendus. Ils ne sont en soit pas considérés comme des « humains ». Les esclaves sont souvent des personnes ayant commis des crimes mais n’ayant pas été punis à la peine de mort, des personnes ayant contracté de grosses dettes ou, justement, des sangmin devenus volontairement des esclaves pour ne pas devenir bien plus pauvres qu’ils ne l’étaient déjà.
En conclusion
Bien que d’abord héréditaires, il est possible de se mouvoir dans les différents statuts de la dynastie Joseon. Nous avons vu qu’il est possible de gagner ou perdre du prestige en suivant une mobilité sociale ascendante ou descendante. Il existe cependant au sein même des différentes classes sociales de grandes inégalités : un sangmin peut être riche tout comme un yangban peut être très pauvre. Les compétences intellectuelles et la richesse sont donc des facteurs importants quant à l’aisance de vie, au-delà même des statuts sociaux.
Voilà, j’espère qu’avec tout ça vous serez capables de comprendre et d’identifier à quelle partie de la population appartiennent les personnages de vos sageuk préférés ;).
Sources : Britannica | KoreanHistory | Country Studies (1) (2)| Asian Info | The talking cupboard | Ancient Korea Civilizaton | Instrok
Sources images : Choi’s Family Story | 한국경제 | MK News | Naver Blog | Korean Art & Archeology Studies