À l’occasion d’Halloween, nos hiboux de la rubrique culture ont décidé de vous parler de sujets quelques peu… étranges qui pourraient vous surprendre. Des pratiques ésotériques, des exorcismes aux chamanes en passant par l’expérience de ses propres funérailles, il y en a pour tous les goûts ! Attrapez votre saladier de bonbons et laissez-vous guider au delà de notre réalité.
Baeyeonsin Gut, l’exorcisme des bateaux par Oriana
L’univers du chamanisme peut nous fasciner. La communication entre les chamanes et les dieux à travers des cérémonies rythmées au son des percussions possède cette particularité qui peut nous rendre curieux. Le rituel chamanique est appelé gut, lorsqu’il est pratiqué par les femmes chamanes. Celui que je vais vous présenter est commandé pour la préservation des navires et assurer une pêche abondante.
Ce rituel a été pratiqué longuement jusqu’à la fin du XXe siècle par les pêcheurs de la côte ouest (seohaehan). Les propriétaires de bateaux engageaient une chamane (mudang) pour remercier les dieux et renouveler leurs protections. Les pêcheurs faisaient souvent face à une météo changeante et dangereuse dans la mer Jaune.
Le baeyeonsin gut fait partie des Biens culturels immatériels importants (82-2). Chaque année, les pêcheurs de la côte ouest se réunissent à Incheon, ville centrale de la pêche, pour organiser cet événement. Il se tient le 7 juillet du calendrier lunaire. Ce jour fut choisi car les pêcheurs perdus en mer peuvent se repérer avec l’aide de la Grande Ourse. Dans les anciennes croyances, la constellation régissait le temps de l’espace et des vies humaines. De plus, dans la nuit du 7 juillet, les étoiles Gyunwoo et Jinkyu se rencontrent pour former une galaxie selon la légende.
L’exorcisme est pratiqué sur le pont des bateaux concernés par la cérémonie. Il est constitué de chants, de danses élaborées, d’offrandes et d’une transe chamanique.
Le propriétaire du navire initie le rituel, le finance et en est responsable. Son équipage aide à la préparation. La chamane s’occupe des décors floraux et des instruments qui vont être utilisés. Le propriétaire entame des actes de purification avant le début de l’exorcisme. En outre, il peut se baigner dans l’eau de mer, ou dormir à bord de son bateau la veille.
La cérémonie se déroule devant la peinture éclairée du dieu chamanique, appelée maji. Un autel est installé, rempli d’offrandes et de cadeaux sacrificiels (souvent un cochon), ainsi que des drapeaux aux couleurs vives.
Lors de l’exorcisme, la chamane est parée d’un costume coloré et d’un éventail. Elle invite les dieux et écarte les mauvais esprits. Au cours de la danse et du chant, elle entre en transe avec les dieux, ils prennent possession de son corps chacun à leur tour pour révéler les problèmes et leurs solutions. C’est ce qu’on appelle la transe chamanique. Perdant sa nature humaine, la chamane va être amener à effectuer des actes sortant de l’ordinaire comme danser pieds nus sur des lames en haut d’un piédestal !
Sources : Revue culture coréenne n°71 | Arirang Tv | Encyclopédie de la culture folklorique coréenne
La voyance et la divination par Mia
Bien que le pays soit peuplé de chrétiens et de bouddhistes, la divination et la voyance sont très prisées en Corée du Sud. Cela n’est pas vraiment étonnant étant donné que les Coréens sont en général très superstitieux. Même les idols consultent et partagent ces moments avec leurs fans. Sans tabou ni a priori, la population se rend régulièrement dans des cafés ou des boutiques spécialisés afin d’en apprendre plus sur son destin. Les pratiques les plus utilisées par les voyants et diseurs de bonne aventure sont la chiromancie (lecture des lignes de la main), les cartes de tarot ainsi que le saju (사주) que l’on peut traduire par les « quatre piliers ». Le saju consiste à déterminer sa destinée grâce à la date (jour, mois, année) et l’heure de naissance de quelqu’un.
Mudang, les chamanes coréennes par Magen
Un(e) chamane est une personne qui sert d’intermédiaire entre le monde des esprits et celui des humains. En Corée, les chamanes sont essentiellement des femmes, appelées mudang – 무당 ; en effet, très peu d’hommes sont en capacité de faire partie de cette communauté (ils sont appelés paksu mudang – 박수 무당). La principale mission des chamanes est d’entrer en contact avec les esprits et de les apaiser afin de les rendre favorables aux demandes formulées : cela peut aller de la guérison d’une maladie, à la réussite d’examens, d’activités, de business etc., les demandes peuvent être vraiment diverses. Afin de communiquer avec l’au-delà, la mudang use de différents stratagèmes comme la danse, le chant et la transe lors de rituels chamaniques appelés Gut (dont Oriana vous a présenté un exemple ci-dessus).
Comment devenir une mudang ?
La succession de la communauté chamanique est essentiellement matrilinéaire. La plupart des chamanes sont donc des mudang héréditaires (appelées 세습무 – seseubmu en coréen) et font perdurer la tradition familiale. Cependant, il arrive également que des individus lambdas soient atteint d’une « maladie spirituelle », qu’ils soient possédés par un esprit, ce sont alors des chamanes « habitées », dites « inspiré(e)s » (강신무 – kangsinmu ). C’est ainsi que certains hommes peuvent détenir le pouvoir spirituel faisant d’eux des médiateurs entre les deux mondes. Quoi qu’il en soit, les nouvelles chamanes, qu’elles soient héréditaires ou « inspirées », doivent être formées auprès d’une chamane expérimentée afin de recevoir un enseignement spécifique.
D’hier à aujourd’hui
Autrefois extrêmement pratiqué, le chamanisme a subi un déclin suite à la montée du bouddhisme au début du IVe siècle ainsi qu’au néo-confucianisme sous la dynastie Joseon. Les mudang se sont ainsi retrouvées classées parmi les cheonin, la plus basse classe sociale de l’époque.
Malgré cela, le chamanisme a su résister et reste de nos jours très présent dans la société sud-coréenne. Même les politiciens consultent des chamanes pour mettre toutes les chances de leur côté lors des élections. Certaines mudang comme Kim Keun-hwa sont d’ailleurs très reconnues aujourd’hui.
Sources : Persée | Tokonoma | Le Mouvement Matricien
Narye, l’exorcisme des esprits par Minido
Célébrée à trois reprises au cours d’une année, la cérémonie du Narye (나례) a pour vocation d’éloigner durablement les mauvais esprits. Introduit depuis la Chine, le rituel s’est affermi sous la dynastie Goryeo avant d’évoluer tout au long des huit siècles de l’ère Joseon.
Elle s’effectue via une danse groupée où les danseurs vêtus de rouge – couleur du yang qui a pour effet de faire fuir les flux négatifs – portent des masques effrayants. Pratiquée à la cour royale la veille du nouvel an lunaire pour se débarrasser des méfaits de l’année passée, la cérémonie commençait aux lueurs de la nuit.
Petit à petit, l’objet des exorcismes à évoluer. Ce furent d’abord les esprit farceurs que chassait le tueur de monstres Fangxiangshi (방상 씨 | 方相 氏), qui étaient visés. Puis, progressivement, le rite s’est étendu à l’apaisement des esprits vengeurs, à la lutte contre les fléaux telles que les récurrentes maladies contagieuses et les épidémies. Sous la dynastie Yi, son rôle évolue encore et sert, dans la philosophie néo-confucianiste, à réparer les torts causés par la famille royale. En effet, le moindre malheur qui survient dans le royaume est, à l’époque, directement associé aux actions du roi. Mais comme il ne peut être tenu responsable de manière trop frontale, ces cérémonies, qui se multiplient, servent à apaiser les rancoeurs des vivants et des morts.
Le Narye se décline alors en trois cérémonies majeures. Le Gungna (국나 | 國 儺) qui se tient au dernier mois du printemps, le Cheonjana (천자 나 | 天子 儺) qui a lieu à la mi automne et le Daena (대나 | 大 儺) qui survient au dernier mois d’automne juste avant le nouvel an.
Puis, le rituel perd peu à peu en influence. À mesure que le chamanisme perd de sa légitimité religieuse et est supplanté par le confucianisme qui le perçoit avec suspicion, le Narye devient plus controversé. À la cour, on l’associe de plus en plus aux pratiques populaires et aux superstitions desquelles la royauté et les yangban veulent se distancier. En effet, la cérémonie, à l’origine très solennelle, s’est agrémentée au cours des siècles de musique et de danses. Diffusée et reprise dans les campagnes, elle est alors utilisée pour régler les exorcismes personnels des sujets. C’est ainsi que le rituel du Narye connaîtra plusieurs restrictions, voire interdiction comme, par exemple, celle de tenir l’abolition de la cérémonie d’hiver qui survint sous le roi Yeongjo en 1754.
Aujourd’hui, le Narye est toujours effectué sous sa forme folklorique lors des célébrations du nouvel an lunaire, Seollal. Des danseurs masqués jouent les chasseurs d’esprits puis des pétards explosent pour éloigner les énergies négatives.
Sources : Encyclopedia of Korean Culture | Encyclopedia of Korean Folk Culture | Blog Centre National Gugak
Expérimenter sa propre mort par Hye Mi
L’exorcisme et le chamanisme constituent donc des pratiques courantes en Corée du Sud. Mais on note d’autres pratiques ésotériques. Il est par exemple possible d’expérimenter sa propre mort. En effet, de nombreuses entreprises proposent aux Sud-Coréens d’organiser de fausses funérailles.
La fausse cérémonie mortuaire se déroule dans une grande salle ou en plein air. L’expérience dure entre une heure et deux heures. Chaque participant revêt un costume traditionnel, fait un portrait funéraire, écrit une lettre d’adieu dans laquelle il répond à des questions telles que : « que diriez- vous à votre famille si vous deviez mourir aujourd’hui ? » ou « comment jugez-vous votre travail et votre vie actuelle ?». Puis les participants s’allongent dans leur cercueil. Ils y restent une dizaine de minutes. L’expérience se termine par un bilan et une introspection personnelle.
Cette pratique pourrait paraître macabre, et presque morbide. Cependant, elle cache une réalité plus sombre : la société coréenne possède l’un des taux de suicide les plus élevés au monde. Les Sud-Coréens vivent dans une société concurrentielle et beaucoup souffrent de dépression. C’est pourquoi, cette expérience permettrait de méditer sur sa propre existence, de voir le côté positif de la vie et de relativiser. Plusieurs entreprises coréennes mettent en place des « stages de la mort » pour lutter contre la dépression.
Source : Le Figaro