Hongik Station, ce sont deux passionnés de vidéos et de Corée. Sur un format drôle, original et extrêmement bien travaillé, ils informent, font découvrir, discutent et décryptent des sujets autour de la culture Hallyu, principalement la K-pop. Sur YouTube depuis fin 2014, ils sont devenus un repère et un relais entre et pour les fans de K-pop francophones.
22 avril, Hongik Day à Bordeaux. L’occasion de passer d’un écran à la réalité, de savoir qui est derrière ces vidéos, cette communauté, ce travail et surtout cette créativité débordante. Après de longs mois de retranscription, de travail sur l’article et surtout de retard, voici l’interview du duo.
Manon, Vincent & Hongik Station
Manon et Vincent :
Quand on demande à Manon et Vincent de se définir, ils répondent qu’ils sont « drôles dans la vie » et tiennent une « chaîne d’humour ». Leurs inspirations ? La culture Internet de manière générale.
Vincent : On suit pas mal de youtubeurs et on est très inspirés sans avoir des inspirations fixes. Mais c’est vrai qu’il y a des humours qu’on aime beaucoup et qu’on essaye un peu de reprendre, que ce soit dans les intros ou même dans la façon de mettre en scène nos blagues etc. Il y a des choses qu’on prend du Joueur du Grenier qu’on aime énormément, Antoine Daniel dont on adore l’humour absurde ou encore Link The Sun, Jeremy Ferrari. Beaucoup d’humoristes aussi qu’on aime bien, on s’inspire plus sur l’écriture que sur le reste.
Hongik Station :
L’idée est partie d’un besoin, un ressenti qu’il manquait une chaîne de K-pop en France « qui fait des analyses sur l’actualité et un peu poussées, qui n’étaient pas comme les Américains et leur « Wouaw, non mais wouaw ». On voulait faire un truc plus personnel. Et après moult encouragements, on s’est posés un soir de novembre et tout a commencé. » (Manon)
Ce qu’on ne peut pas enlever au duo c’est la créativité et le travail impressionnant sur chacun de leurs épisodes. À savoir qu’ils travaillent uniquement tous les deux. Pour un Pop-Korn TV, au total c’est un mois d’inspiration, d’organisation et de création. Après environ deux semaines de surveillance d’informations, Manon commence à écrire, puis envoie à Vincent qui renvoie et ainsi de suite, le tout sur un total de 10 à 20 heures rien que pour l’écriture. Ensuite, le tournage dure entre deux et cinq jours. Puis, Manon prend en charge le début du montage, les choses basiques (trier les prises, couper les plans, raccords sons etc.), et c’est enfin Vincent qui fait la partie montage plus précise (incrustations, traitements, musiques, rythme etc.).
Avec tout ce travail, difficile de faire d’autres vidéos à côté (à savoir que Manon est étudiante et Vincent travaille). Par exemple, concernant la vidéo du 28 : « on a juste pas le courage parce qu’on a tellement de choses à faire. Et les Pop-Korn TV nous demandent tellement d’énergie parce qu’ils sont devenus de mieux en mieux… De ce fait, je pense que nous nous sommes fixés des standards trop hauts. C’est très difficile de faire d’autres vidéos à côté quand on a les Pop-Korn TV qui nous demandent autant de travail. » (Manon)
Parlons contenu maintenant, est-ce une émission pour les connaisseurs ou pour les non-initiés ?
Vincent : Les deux et là, ça s’est un peu plus spécialisé. En fait, quand on a démarré, c’était très important pour nous que les non-initiés puissent comprendre, on calait forcément des références pop culture que n’importe qui peut avoir. Justement pour que les personnes, notamment nos amis qui étaient les premières personnes qui regardaient, puissent comprendre certaines vannes. Et après je pense qu’il y a vraiment deux lectures possibles, on essaye de se tenir à ça et c’est plus ou moins évident dans certains Pop-Korn TV.
Youtube & les abonnés :
Ah les abonnés Youtube… Entre critiques, conseils, idées et compliments, est-ce facile de faire abstraction ou au contraire est-ce facile de stresser à chaque sortie d’épisode ?
Manon : On a eu des périodes où on était un peu plus stressés. Parce qu’on a eu pas mal de moments avec des critiques, pas spécialement sur nous mais les gens ont l’impression qu’une chaîne Youtube c’est un MacDo. C’est-à-dire qu’ils demandent ce qu’ils veulent et nous on doit le faire. Ils ne comprennent pas que nous on parle de ce dont on a un peu envie et qu’on leur doit rien. On est hyper heureux que le public soit là évidemment, on est hyper reconnaissants etc. Mais ce n’est pas pour ça qu’on est obligés de parler des groupes de tout le monde et qu’on prétend le faire. Ça, c’est compliqué à gérer.
Du coup, envie de prendre un peu de recul ?
Vincent : Moi je le prends. Manon est beaucoup plus impliquée parce qu’elle gère aussi beaucoup tout ce qui est communication. Je pense que ça s’est vu sur l’organisation de ce Hongik Day. Moi je suis plus dans le fond. De fait, c’est elle qui va avoir tendance à regarder les commentaires après un épisode, moi je ne regarde pas. Je vais passer deux à trois jours non-stop, nuits blanches comprises, j’arrive au 8 (ndlr : sortie habituelle du Pop-Korn TV) et je suis exténué. Donc du coup je sors la vidéo, et après je ne regarde rien. Je vais voir le compteur de vues le jour-même et après c’est très rare que je retourne dessus voir les commentaires. Je vais regarder le premier, puis après je vais demander à Manon « Alors est-ce que ça leur a plu ? ».
Manon : Parce qu’au bout d’un moment, tu bosses tellement qu’au vu du moindre commentaire négatif, tu ne peux pas t’empêcher d’être saoulé. On se dit que ça sert à rien de se prendre la tête parce que c’est vraiment dommage. Et surtout, il y a des commentaires qui sont vraiment constructifs donc il vaut mieux les prendre avec un peu de recul. C’est un peu compliqué quand on est dans le rush de bien prendre les choses, donc on essaye de lire les commentaires un peu plus tard finalement. Moi après je suis beaucoup plus active sur les communautés et tout. Enfin ça fait super plaisir de voir l’engouement à chaque fois en tout cas, tous les messages positifs ça nous fait énormément du bien. Mais voilà c’est toujours un peu compliqué de pas trop s’impliquer non plus, et moi j’ai du mal aussi à me détacher, j’ai tendance à beaucoup m’impliquer.
Fans & K-pop
K-pop :
Parlons du vaste sujet de la K-pop, domaine principal traité par Hongik Station. Quels sont leurs avis à ce propos ?
Voici pour eux les ingrédients principaux qui font que la K-pop plait vraiment à tout le monde :
Vincent : Je pense que c’est le visuel qui marche le mieux, au-delà de la musique parce que la musique, d’autres groupes américains pourraient le faire et ça rendrait bien. Ça serait pas la même chose. Pas tous je parle, pas tous, mais il y a quand même une empreinte qui pourrait être faisable par tout le monde mais il y a un visuel qui est précis. Les danses, les concepts sont très différents, le fait que ce soit des boysband et des girlsband je pense que ça marche aussi énormément.
En parlant de visuel, qu’est ce qui fait un bon visual ?
Vincent : Je pense que c’est très subjectif.
Manon : Par exemple Nana des After School, les Coréens la trouvent bof, pour moi c’est l’une des plus belles femmes sur Terre. Ou encore IU, moi je ne la trouve pas non plus à tomber par terre et pour eux c’est Jésus. Donc on a des goûts supers différents.
Vincent : Et puis même, je trouve que ça se met de plus en plus en valeur dans les nouveaux groupes. C’est-à-dire que le visuel a tendance, pour nous, à être le plus moche parce qu’ils aiment bien les faciès un peu particulier. Mais un bon visuel c’est …
Manon : Une mâchoire clairement.
Vincent : Certes, certes. Par contre je pense que c’est un vrai rôle dans le groupe qui est aussi compliqué qu’être chanteur, danseur ou rappeur.
Manon : Il faut que les personnes retiennent ton visage en fait. C’est hyper important. Comme celui de Seul Gi de Red Velvet, je trouve que pour ça tu la retiens tellement vite, Suzy (Miss A) aussi, Seol Hyun de AOA. Enfin il y en a plein comme ça tu les attrapes dès le premier coup d’œil.
Vincent : Je pense que le visuel qui est bien fait c’est un visuel qui démarre les chansons. Alors c’est tout bête, mais je pense que c’est méga important. Exemple, Seol Hyun dans quasiment toutes les chansons de AOA elle a la première line. Tu sais directement que c’est elle et pour moi tous les visuels devraient démarrer par leur première phrase justement pour attirer.
Les morceaux ou groupes à écouter ou à découvrir absolument ?
Manon : Moi je suis un peu biaisée parce que je suis dans ma période, mais franchement Oh My Girl c’est vraiment un groupe de ouf, c’est un girsband qui fait que des musiques de qualités et là la chanson que je ferais écouter à tout le monde c’est « Perfect Day » qui pour moi est bien mieux que leurs chansons titres. Elles sont toutes tellement talentueuses, c’est des danseuses de ouf et c’est toutes des chanteuses de fou et des visuals de… Enfin je n’ai pas les mots, Oh My Girl c’est juste le talent.
Vincent : Je suis d’accord. Moi je n’ai pas de groupe en particulier, j’ai des musiques qui sont des références, style « Midnight Circus » de Sunny Hill, que tout le monde ne connait pas, mais qui pour moi est une énorme référence. « Sixth Sense » de Brown Eyed Girls ça pour moi c’est aussi un monument.
Quel est selon Francis Norag la chorégraphie indispensable à connaitre ?
Vincent : (avec l’accent) Bin je sais pas hein. C’est compliqué quoi hein. C’est pareil c’est subjectif. La chorégraphie qui est indispensable à connaitre … « Pick Me » des Produce 1O1 la saison 1. C’est iconique et ça le restera. C’est des pas qui sont répétitifs, en même temps elle est pas si simple que ça. La chanson est particulière et je pense que c’est la chorée qu’il faut connaitre pour l’instant. Et encore maintenant, alors qu’elle commence à se faire vieille quand même.
K-pop et fans :
Quel est votre public ?
Manon : Alors notre public, contrairement à ce que pense les gens, n’est pas du tout composé de gens de moins de 14 ans, mais on a plus de 50% de personnes qui nous regardent qui sont entre 18 et 24 ans. Donc on a un public plutôt plus âgé que ce que les gens imaginent parce que les fans très jeunes soit ne nous connaissent pas, soit ne nous aiment pas, parce qu’on critique beaucoup et qu’on essaye d’être assez objectifs sur les choses donc forcément… disons qu’il y a beaucoup d’informations, c’est assez dense et donc je pense que c’est pas forcément adapté à quelqu’un de très jeune. Je ne sais pas.
Vincent : Ouais, tu as raison. On s’est adoucis mais là le contenu reste quand même assez mature, mais pas dans le côté genre « on se la pète à mort ouais c’est trop mature notre contenu, nin nin nin nin ». Non plus dans le côté du fait qu’il faut déjà avoir suffisamment de recul pour pouvoir comprendre ce que l’on dit, l’entendre parce qu’on dit des choses qui je pense sont pas hyper répandues dans les fans de K-pop parce qu’on clash quand même pas mal. Pas méchamment mais on dit des choses qui sont plus ou moins réfléchies sur la critique. Et la critique négative est aussi très présente dans Hongik Station et tout le monde n’a pas la faculté de le prendre suffisamment bien. Je pense que du coup c’est plus les personnes qui ont cette maturité-là de se dire « Oui, on adore la K-Pop, mais on l’adore aussi parce qu’elle a plein de mauvais côtés, plein de dysfonctionnements ».
Manon : Il y a beaucoup de gens qui refusent de voir les mauvais côtés alors que …
Vincent : Alors que c’est important, et nous on l’adore justement pour ces dysfonctionnements aussi et ces trucs beaucoup moins stylés.
Manon : Je vais écrire un article là-dessus, mais la désillusion et l’envie pour les fans de K-pop de ne pas voir les côtés sombres c’est une culture que les groupes et les agences entretiennent et ça je pense que je vais écrire un fat truc là-dessus parce que ça m’énerve. Tous ces dark sides nous on les trouve hyper intéressants. Limite plus intéressants que le reste.
Vincent : C’est ça, et c’est une force de se rendre compte de ça, parce qu’on peut prendre justement du recul et se dire « ouais, bah ça existe, mais ok, on accepte, on sait que ça existe » donc on est beaucoup moins manipulés que ce qu’on ferait croire.
Est-ce que vous pourriez nous dresser le portrait, selon vous, d’un bon fan de K-pop ?
Manon : Un bon fan de K-pop c’est…
Vincent : C’est nous. Non je déconne.
Manon : Non je ne pense pas qu’on soit extrêmement représentatifs parce que, quand on est fan de K-pop en général, au début du moins, c’est qu’on a besoin de quelque chose qui prend beaucoup de place dans notre vie, je pense que tout le monde est d’accord. On s’y met corps et âme parce que ça nous fait vraiment du bien, c’est quelque chose qui nous donne beaucoup de force, qui nous permet de regarder des choses qu’on a pas du tout l’habitude de voir. C’est vraiment une porte sur un monde qui n’a rien à voir avec le nôtre, du coup je pense que c’est vraiment d’abord pour s’évader, mais on peut juste écouter de la musique sans être forcément à fond.
Vincent : Pour moi c’est ce qu’on disait tout à l’heure, c’est quelqu’un avec du recul.
Manon : Ouais, mais ça, ça vient plus tard, parce qu’au début qu’est-ce que j’étais débile aussi.
Vincent : On l’a tous été de toute façon, mais je pense que c’est à partir du moment où on comprend qu’il y a des problèmes dans cette industrie et qu’on arrive à les analyser suffisamment et à se dire « Ok, ouais » et on prend ce recul-là, je pense que c’est là où on atteint un truc assez satisfaisant. Encore une fois on n’a pas la parole universelle, on peut pas dire « tiens c’est ça ». Moi je n’ai jamais été aussi heureux avec ma passion et aussi bien avec la K-pop que depuis que j’ai pris ce recul-là.
Manon : Qu’on arrête de s’impliquer totalement émotionnellement, parce que c’est hyper difficile. Bien faire les distinctions entre les artistes et les personnes. Toutes ces petites choses qui viennent avec le temps.
Vincent : Oui, et maintenant dès qu’il y a un groupe qui disband on est « Bon bah… »
Manon : En général, on fait des paris de toute façon.
Vincent : Oui, voilà, on fait des paris. Mais même quand ça arrive on se dit :
Manon : « C’est une nouvelle route »
Vincent : Ouais c’est une nouvelle route et ils ont une bonne raison de le faire.
Manon : Et puis ils ne sont pas morts. Donc tout va bien.
Vincent : Exactement.
Leurs projets :
Vincent : Nos projets pour cette année c’est de faire un maximum de choses avec Hongik Station, en profiter, bouger un maximum, aller voir un maximum de personnes parce qu’on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve et jusqu’à quand ça durera, donc on va profiter de cette année pour faire des nouvelles choses qu’on ne s’est pas donné l’occasion de faire et on verra.
Manon : C’est ça, l’objectif c’était vraiment de bouger au maximum et de pas se mettre la pression parce que ça sert à rien. Et on se rend compte que plus on se met de pression, plus on est mauvais. Ça a été vraiment pas mal difficile en ce début d’année et du coup on essaye de reprendre le rythme tranquillement, on arrête de se mettre la pression. S’il n’y a pas de vidéo du 28 tant pis on se débrouillera et puis voilà. On va essayer déjà d’être heureux avec ce qu’on fait nous, parce qu’on sait que The End Is Near donc voilà on va profiter à fond.
Merci à Hongik Station d’avoir pris le temps de cette interview !
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