Le cinéma coréen est connu pour ses forts messages de société, que ce soit Parasite ou bien Silenced, ce sont des films qui ont eu un impact conséquent sur la façon de penser. Le tout aidé par leur rayonnement international depuis l’accès de certains films coréens aux festivals internationaux. Socialphobia fait partie de ces films à fort impact, dépeignant dès 2015 les dangers des réseaux sociaux.
Informations sur le film
- Titre original : 소셜포비아
- Réalisation : Hong Seok Jae
- Scénario : Hong Seok Jae
- Producteur : Hong Ha Neul
- Genre : drame social
- Première sortie : 2014 au Festival International du Film de Busan
- Sortie mondiale : 12 mars 2015
- Durée : 1 h 44
Warning : cet article traite de sujets sensibles comme le suicide et le cyberharcèlement.
Synopsis
À la suite du suicide d’un déserteur, les réseaux s’enflamment, les hommages pleuvant à la suite du décès de l’homme. Seule une personne décide de reléguer des propos agressifs envers cette personne. L’internaute en question est pris pour cible, ses informations révélées au point que plusieurs personnes décident d’aller réclamer des excuses en personne pour le soldat mort. Parmi eux, deux aspirants policiers : Ji Woong (Byun Yo Han) et Yong Min (Lee Joo Seung). Si tout pouvait s’arrêter ici, l’histoire n’a pas fini d’empirer…
Casting

Bande-annonce
La bande-annonce peut contenir des images choquantes pour les personnes les plus sensibles.
Retour sur un drame glaçant avec Socialphobia

Socialphobia fait partie de ces films difficiles à traiter, tant le sujet est compliqué, choquant et concerne des milliers de personnes tous les jours. Ça a été une de mes premières impressions quand j’ai visionné ce film. C’est glaçant de vérité. Alors pourquoi traiter ce film ? Parce qu’il me semble important de mettre en lumière ce fait de société, à une époque où les réseaux sociaux représentent une source de pouvoir importante et où la frontière est encore floue concernant les lois qui régissent le harcèlement sur ces réseaux. Montrer comment le cinéma peut s’en emparer, sans faire de sensationnalisme, juste montrer les conséquences dramatiques de certains agissements. Sans fioriture. C’est le but de ce film, et c’est pour sa sobriété que j’ai décidé d’en parler.
Il faut se replonger dans le contexte de 2015. À cette époque il y a encore moins de lois qui encadrent les réseaux sociaux. Ce qui est rappelé dans le film : « Ce que vous faites est mal mais pas hors la loi. » Nous sommes placés dans une société où ces réseaux représentent une grande partie de la liberté d’expression et où ils représentent un défouloir public, menant à de graves pratiques, sans pour autant que des sanctions soient prises, par les plateformes ou par la justice. Il y a encore quelques années, le cyberharcèlement, surtout parmi les étudiants, prévalait en Corée du Sud. Socialphobia vient se saisir du sujet, comme un film d’avant-garde, mais encore une fois, respectant dans son traitement le sort des personnes concernées par de tels drames.
La sobriété du traitement du harcèlement en ligne
Pour être clair dès le début de cette review, quand je dis que le traitement se fait sobrement, en aucun cas je ne veux dire que le film passe sous silence certains aspects ou qu’il essaie de minimiser l’impact de ces comportements en ligne. Quand je parle de sobriété c’est qu’il ne fait pas de sensationnalisme, qu’il ne rajoute rien à l’histoire qui pourrait être une nuisance occultant le sujet. Le jeu des acteurs, qui jouent des personnes lambda dans la vie de tous les jours, se limite à ce qu’ils doivent représenter. La musique, elle, n’est là que pour souligner les moments de stress et c’est tout. Le tout donne un mélange sobre, mais vrai. Presque parfois trop vrai, ce qui donne un résultat glaçant quand on ne s’y attend pas mais ajoute à la force du film je trouve et rend plus crédible ce qu’il cherche à montrer.
Comme la bande-annonce le montre, le comportement de toute la bande de jeunes personnes sur ces réseaux va conduire à la mort d’une personne. Et à partir de ce point plusieurs réactions vont apparaître. Mais j’y reviendrai plus tard. Je veux commencer par parler du contenu du film.
Socialphobia va à l’essentiel. C’est une chose assez rare maintenant avec des films qui font jusqu’à deux heures et plus et qui nécessitent pas mal de choses pour remplir les trous de scénario. On ne peut que le remercier pour ça. Sur un sujet si grave il aurait été dommageable que des éléments intempestifs viennent polluer le film. Ce qui veut aussi dire qu’il n’y a jamais vraiment de point mort, l’intrigue se déroule d’une traite et tous les événements s’enchaînent de façon fluide. Pourtant on ne perd jamais notre souffle, le rythme étant assez bien travaillé pour que le spectateur puisse se remettre de ses émotions de temps en temps. Du point de vue cinématographique ça se traduit par beaucoup de scènes qui pourraient sembler banales dans le quotidien des gens, des couleurs assez ternes, comme nous les percevons tous les jours. Et ça n’en devient pas plat, au contraire ça sert l’image du film, pour que l’on soit plongés le plus possible dans la réalité. Avec des choses qui arrivent tous les jours aux gens, sans fioriture, puisque après tout, c’est la réalité que le film cherche à dépeindre, aussi terrifiante soit-elle.
Cette volonté de dépeindre la réalité se retrouve dans le jeu des acteurs. Ce sont des personnes de tous les jours, pas des héros de film. C’est tout le contraire même. Ce sont des personnes lambda qui, transportées par le pouvoir que leur donne les réseaux sociaux, se mettent à agir en tant que soi-disant justiciers, menant à une conclusion dramatique. Leurs réactions face à ce drame sont aussi celles de personnes qui se retrouveraient vraiment dans cette situation. Le fait qu’ils n’aient rien d’extraordinaire, même chez les deux personnages principaux, fait qu’on se retrouve vraiment concerné par l’histoire. Parce que ça peut arriver et ça peut venir de tout le monde. Ce qui rend la chose encore plus effrayante.
C’est difficile de parler du jeu des acteurs en particulier car comme je viens de le dire, le mot d’ordre de leur interprétation est la sobriété. Mais on peut dire que Byun Yo Han (Mr. Sunshine) et Lee Joo Seung (Pinocchio) réussissent parfaitement ce tour de force. Dans n’importe quel film on pourrait dire qu’un jeu trop sobre est digne d’un mauvais acteur, qu’il n’a pas d’émotions ou qu’il ne sait pas les transmettre. Ici c’est le contraire, et c’est vraiment réussi. Ne pas transmettre trop d’émotions, juste ce qu’il faut pour qu’on puisse comprendre la psychologie du personnage sans pour autant en faire des caisses. C’est très bien fait et ça tient bien sur toute la durée du film, dont l’intrigue va monter crescendo pendant cette heure et demie.
Petite mention honorable aussi pour la musique, certes quasi inexistante, mais qui vient souligner avec justesse les moments les plus importants du film.

La psychologie du harcèlement dans Socialphobia
On a là le cœur de Socialphobia. Le comportement des personnes qui harcèlent sur les réseaux sociaux. Leurs motivations, leurs réactions face à ce qu’il se passe en retour, leurs intentions et leurs psychologies. Loin de se lancer dans une étude psychologique pour nous dresser un profil type du harceleur, on nous dépeint quand même une certaine vision de la réalité. Tous les angles sont traités, des personnes qui harcèlent d’autres personnes juste pour le plaisir ou des personnes qui le font dans le but de créer leur propre image de la justice, et c’est sur elles que se concentre principalement le film.
Ce sont des individus qui, sous couvert de penser détenir la raison et qu’internet les protège de toute façon, pensent qu’ils peuvent tout faire pour obtenir ce qu’ils veulent. Allant jusqu’à révéler des informations personnelles de leur victime pour finir par aller faire justice eux-mêmes. On nous montre avec quelle facilité et avec quelle rapidité les choses s’enchaînent, au fil des partages, des messages, tout fait boule de neige pour devenir incontrôlable. C’est ce que montre le film, le pouvoir des réseaux sociaux et l’importance et l’illusion de pouvoir et d’impunité qu’ils donnent aux gens qui l’utilisent sans penser aux conséquences de leurs actes.
Mais le plus intéressant dans Socialphobia, c’est comment les personnes concernées, celles qui ont participé à harceler quelqu’un, réagissent devant un acte fatidique. Si certains veulent se repentir, d’autres s’engagent dans une boucle bien plus sombre. Et si c’était un meurtre ? Et si ces personnes étaient innocentes ? Tout le long de Socialphobia on nous met en face d’un mécanisme de transposition de la culpabilité. Ne pas se reconnaître comme responsable, rejeter même la conséquence de ses actes. Comment une petite conviction entraîne tout le monde dans ce tunnel, utilisant une nouvelle fois les réseaux sociaux pour se décharger de la culpabilité. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais c’est très intéressant de voir les méandres de l’esprit humain face à la culpabilité. Le tout encore sans excès, mais montrant comment certaines personnes sont prêtes à tout pour se décharger de la conséquence de leurs actes. Surtout quand leur vie sociale et leur futur sont atteints.
Encore une fois, je tiens à saluer le fait que tout est fait sobrement pour dépeindre au mieux la réalité et l’horreur que cela représente.

Conclusion
Avant de finir je tiens à dire que cet article n’est en aucun cas un pamphlet contre les réseaux sociaux, mais une volonté de pointer du doigt certains comportements dangereux, vus par l’optique d’un film. J’utilise moi-même les réseaux sociaux et je me vois mal en faire une totale condamnation. Toujours est-il qu’il était important de traiter de ce film, alors qu’en 2020, de tels comportements et de telles issues dramatiques existent toujours. Si Socialphobia surprend par sa justesse et sa sobriété, on peut lui reprocher de ne pas insister sur la gratuité de certains comportements et de ne peut-être se focaliser que sur les cas de harcèlement dans un but de « justice ». Mais mis à part ça, ce film reste d’une exactitude glaçante et je vous recommande vivement de le voir.
Merci beaucoup d’avoir lu cet article, il n’a pas été le plus facile à écrire, mais il me tenait vraiment à cœur. J’espère qu’il vous aura plu et qu’il vous aura éclairés. Je vous retrouve bientôt pour un nouvel article.
Sources : Hancinéma | AsianWiki
Article rédigé par Dahlia.