Le théâtre coréen a vécu de nombreuses difficultés, directement liées au contexte historique du pays. Après une première partie consacrée au théâtre traditionnel, avançons jusqu’à l’époque contemporaine pour connaître l’arrivée du théâtre moderne et l’implantation pérenne du théâtre en général.
Le théâtre coréen peine à trouver son envol
Le théâtre moderne fut introduit en Corée par les intellectuels qui avaient découvert le théâtre réaliste occidental pendant leurs études au Japon. Des œuvres occidentales, notamment celles de Shakespeare, sont alors traduites et mises en scène par des troupes souvent amatrices. En 1923 apparaît donc le genre du Nouveau Théâtre (신극, singeuk) par l’association Towol afin de produire des spectacles de façon plus professionnelle. Cela dura plusieurs années avant de s’arrêter. Toutefois, vers la fin des années 1930, de nouveaux intellectuels regroupés au sein de l’Association de Recherche pour les Arts du Théâtre reprirent le flambeau. En plus des pièces occidentales traduites, ils imaginèrent des pièces coréennes traitant de la vie du peuple face aux difficultés de l’existence.
Parallèlement, le théâtre prolétarien se lança en Corée par l’influence du socialisme russe. La conscience de classe, théorisée par Karl Marx, fit son apparition dans les œuvres. Le Shinpa revint avec notoriété. Les interprétations et les mises en scènes furent améliorées, gommant un style jugé trop caricatural. Un nouveau choix dans les œuvres permit d’attirer le public coréen, correspondant à ses attentes. Une salle de spectacle fut spécialement construite pour le théâtre Shinpa : Tongyang.
Mais la guerre du Pacifique et le contrôle du gouvernement par les japonais stoppa le monde du théâtre. Déjà en 1939, le Nouveau Théâtre fut accusé de pratiques subversives et dissous. Jusqu’au retrait des Japonais, seules les pièces de propagande de la politique militariste sont jouées, ce qui fut appelé le Théâtre National.
Deux mouvements se confrontèrent après cette période, de façon idéologique et réelle puisque des bagarres ont éclaté à l’extérieur et à l’intérieur des théâtres.
- Le mouvement du théâtre réaliste socialiste regroupe ceux qui ont milité pour le théâtre prolétarien pendant l’occupation.
- Le Théâtre libre qui est constitué des autres troupes, diversifiant leurs pièces, entre œuvres occidentales et histoires coréennes.
L’opposition se termina avec la constitution de deux gouvernements distincts. Les représentants du théâtre prolétarien gagnèrent Pyongyang et posèrent les fondements du théâtre nord-coréen. Cependant, les dramaturges tels que Pak Yong Ho et Song Yong durent se conformer aux directives du gouvernement de Kim Il Sung, se limitant ainsi au théâtre chanté/opéra révolutionnaire (혁명가극, hyeogmyeong gageuk).
Opéra révolutionnaire nord-coréen
En Corée du Sud, le Théâtre National fut construit en 1950 et le gouvernement voulut démarrer le développement durable du théâtre. La Guerre de Corée mit fin à ces ambitions et pendant plusieurs années, le théâtre fut mis de côté afin de reconstruire le pays. Bien que certaines troupes tentèrent de proposer des pièces, les Coréens boudèrent le théâtre, préférant le cinéma américain qui était nouveau et plus divertissant.
Un regain progressif de popularité
À partir des années 1960, de nombreuses troupes de théâtre amateur se formèrent pour mener des activités artistiques. Certaines sont encore actives aujourd’hui comme le Shilhum (théâtre expérimental) et le Centre de Dramaturgie. C’est l’âge d’or de la traduction des œuvres étrangères. Des petits théâtres se développent aussi, enclenchant un nouveau souffle pour le théâtre coréen.
Face à des pièces de théâtre de type européenne, les Coréens viennent peu voir les représentations. De plus, ils se passionnent pour le cinéma et la télévision qui font leurs débuts dans la péninsule coréenne. Par exemple, en 1962, le dramaturge Yo Chi Jin, qui faisait partie de l’Association de Recherche pour les Arts du Théâtre, construit à Séoul le Drama Center avec l’aide de la fondation Rockfeller. Le théâtre fut fermé au bout d’un an d’existence.
En 1973, l’Institut des Arts et de la Culture de Corée fut fondé. Les Coréens reviennent au théâtre. L’adaptation de la pièce Equus de Peter Shaffer par le Shilhum fut un grand succès. Pour l’époque, le nombre de spectateurs atteint un record et la pièce fut jouée en continu pendant six mois. La majorité des représentations restaient en moyenne une semaine.
Le public s’intéressent plus au théâtre avant de s’en détourner une nouvelle fois : trop de troupes voulant profiter de ce nouveau succès, des pièces occidentales mal traduites et des mises en scène laborieuses. L’amateurisme et le choix des œuvres ne plaisent pas. C’est dans ce contexte que le théâtre occidental de divertissement apparaît en Corée du Sud. Il remplit les salles, importe des succès internationaux qui visent les enfants et adolescents.
Concernant la réapparition du théâtre traditionnel, on peut noter deux moments importants. Dissous pendant la colonisation japonaise, le Namsadang (troupe de théâtre de marionnettes) fut reformé par l’impulsion de Nam Un Ryeong et de son épouse Park Kae Soon en 1964, sans réellement regagner de l’intérêt. Il faut attendre les années 1970 pour que le public revienne aux représentations des arts traditionnels. À ce jour, elle reste la seule compagnie à pratiquer le théâtre de marionnettes.
Le madanggeuk (théâtre de Cour) se forma dans les années 1980 par l’action d’étudiants et des défenseurs de la démocratie. Les buts étaient de remettre en lumière les arts traditionnels et de lutter contre la dictature. Le déclin s’opère dès 1988 avec la démocratisation de la Corée du Sud. Il devient plutôt un mouvement culturel et social, se concentrant sur des actions d’unification.
En 1981, une ancienne loi restrictive est abrogée. On assiste à l’ouverture de nombreux petits théâtres (dont 50 dans le quartier Daehangno à Séoul) et de 135 centres culturels, décentralisant le théâtre. Des troupes amateurs aux identités fortes se sont professionnalisées. Encore une fois, le nombre de compagnies augmenta rapidement, dont certaines disparurent en un rien de temps.
À cette période, le genre musical commence à s’imposer. Les spectateurs cherchent du divertissement sans prise de tête. Le succès est au rendez-vous, que ce soit pour les productions locales ou pour les reprises de standard de Broadway. Le théâtre classique est peu à peu abandonné, générant moins de bénéfices. Le théâtre musical représente 63% du théâtre en Corée du Sud à la fin des années 1980.
Carte du quartier Daehangno, présentant ses nombreux théâtres.
Alors que le théâtre coréen a déjà subi de nombreux changements au cours de son histoire, un tournant majeur se fait en 1988 avec les Jeux Olympiques de Séoul. Accueillant de multiples pays, c’est un nouvel univers qui s’ouvre aux dramaturges et metteurs en scène coréens, les amenant à réfléchir en découvrant toutes les possibilités que le théâtre peut offrir. Le théâtre coréen entame son développement en 1990 par l’intermédiaire d’organisation de festivals et d’échanges internationaux partout dans le monde.
Sources : Culture coréenne n°33 et n°70 | Encyclopédie mondiale des Arts de la Marionnette