Le gayageum est un instrument encore méconnu par nos contrées mais qui mérite pourtant toute notre attention. Kwon Hye Kyoung a enchanté nos oreilles par le timbre si particulier du gayageum lors d’une prestation aux Korea Days 2019. Le son, un peu sec et raide, résonnait harmonieusement. Avec le gayageum, c’est un bout de la Corée que nous offre la jeune femme. Découverte.
Introduction au gayageum
Les hiboux vous ont déjà présenté rapidement la gayageum, cithare coréenne, dans un article traitant des instruments de musique traditionnels. Aujourd’hui, nous allons vous en parler plus en détail à travers les yeux de Kwon Hye Kyoung.
Pour rappel, le gayageum est un instrument à l’élégante forme élancée sculptée dans un bois de paulownia, orné de 12 cordes en soie. Il n’est pas sans rappeler ses confrères chinois et japonais (respectivement le guzheng et le koto). D’apparence similaire pour un néophyte, le gayageum est cependant un instrument totalement différent. Utilisée dans divers genres traditionnels coréens, du populaire pansori au cérémonial pungnyu, la cithare coréenne est aujourd’hui également présente dans de nombreuses partitions modernes, sans compter les reprises de chansons pop du moment. EXO, BTS, TWICE, Chung Ha… Toutes sortes de chansons de K-pop ont été adaptées pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
À titre d’exemple, retrouvez ci-dessous Love Shot d’EXO dans un style traditionnel, reprise étonnante teintée d’un arôme de jadis :
Qui est Kwon Hye Kyoung ?
Kwon Hye Kyoung est née à Séoul et joue du gayageum depuis l’âge de 13 ans. Elle s’est produite sur de nombreuses scènes coréennes, puis françaises. Diplômée de l’université EWHA à Séoul et du Conservatoire de Boulogne-Billancourt, Kwon Hye Kyong nous a dévoilé l’art du gayageum sur scène puis accordé une interview pour notre plus grand bonheur.
Interview
Bonjour, Mme Kwon Hye Kyoung. Comment vous est venue cette passion pour le gayageum ? Pourquoi avoir choisi cet instrument ?
Tout d’abord, car c’est un instrument traditionnel coréen et que je suis Coréenne. Ensuite parce que dans la musique coréenne traditionnelle, il y a beaucoup d’ondulations, de micro-tons, mais on peut aussi dire que c’est de la musique contemporaine. Le gayageum permet des mélodies très riches.
Comment apprend-on à jouer du gayageum en Corée ? Dans des écoles très spécifiques peut-être ?
Il y a des spécialités à la fac, et des « lycées artistiques », spécialisés pour les étudiants musiciens.
Combien de temps d’apprentissage doit-on compter pour bien en jouer ?
Au moins 1 an.
Vous êtes née à Séoul et vous avez étudié en France. Pourquoi avoir choisi la France, parmi tant d’autres pays ?
Lorsque je prenais des cours de composition en Corée, j’ai été très influencée par mon professeur coréen, qui a également étudié en France. De plus, Paris, pour moi, c’est aussi une ville très culturelle. Je vis à Paris depuis 7 ans et demi environ, j’ai appris le français en arrivant en France.
On entend beaucoup parler de la vague Hallyu ces dernières années. Y a-t-il eu une quelconque incidence sur la musique traditionnelle et le gayageum ? Sa perception s’est-elle diversifiée ?
Oui, on peut dire que la musique occidentale a eu une influence sur le gayageum. Il a été « modifié », « modernisé ». Maintenant, on utilise le gayageum dans la K-pop. Personnellement, je n’ai jamais essayé, mais j’ai vu le mélange de nombreuses fois et je trouve ça vraiment intéressant. Je n’aime pas que l’on pense que le gayageum est dépassé, que c’est un instrument traditionnel que l’on ne peut pas utiliser autrement. Ça se développe. Tout comme le violon ou le piano. Je pense que c’est une très bonne chose.
Le gayageum est donc souvent utilisé dans la K-Pop, au sein de la production musicale. Avez-vous vu les nombreuses covers K-pop mélangeant l’instrument traditionnel et des compositions modernes ?
Oui, petit à petit, les choses se mettent en place. Les gens essayent beaucoup maintenant, et cette évolution me plaît énormément.
Concernant les reprises des sons K-pop sur des instruments traditionnels, oui, j’en ai vu ! Parfois, j’en suis très étonnée, car je n’ai jamais pensé le faire moi-même puisque je joue seulement des partitions composées pour le gayageum.
En France, quand vous parlez du gayageum, quel regard portent les gens dessus ? Ils ne connaissent pas du tout, ou bien sentez-vous que c’est un sujet qui leur parle ?
Les Français ne connaissent pas vraiment encore le gayageum, mais ils connaissent les instruments de la famille des cithares comme le koto, une cithare japonaise, ou bien son équivalent chinois. Ils ne sont pas totalement surpris. Donc oui, ils savent un peu qu’il y a des instruments asiatiques de ce genre, je sens qu’ils connaissent un peu, mais sans vraiment savoir. Souvent, ils pensent que c’est la même chose, mais non, le gayageum est très différent, même s’ils appartiennent tous trois à la famille des cithares !
Le gayageum est-il utilisé dans des cérémonies traditionnelles en particulier, dans un certain style musical ? Par exemple, certains instruments sont utilisés dans le pansori. Qu’en est-il du gayageum ?
Oui, il y a trois types de gayageum. Par exemple, le premier est notamment utilisé pour la musique de cérémonie du palais. Il a une forme similaire aux autres gayageum, il possède aussi 12 cordes, mais il est plus large. On l’utilise uniquement pour les cérémonies et le chant noble, contrairement au pansori par exemple qui est un chant plutôt populaire, une musique chamanique qui a une tout autre origine.
Passons maintenant à quelques fun fact ! Quel est…
… votre plat préféré ? En ce moment, je dirais les tteokbokki !
… votre artiste préféré ? Mon professeur de musique coréenne ! (rire)
… le groupe K-pop que vous suivez en particulier ? MAMAMOO ! Et BLACKPINK aussi, elles sont très classes.
… le premier titre français qui vous vient à l’esprit ? C’est un peu vieux, mais La Vie En Rose d’Edith Piaf.
Pour finir, quelle musique conseilleriez-vous pour ceux qui ne connaissent pas le gayaeum ?
Je conseillerais la pièce que j’ai jouée un peu plus tôt [ndlr : lors de la performance sur la scène des Korea Days] : le sanjo. C’est très typique de la musique traditionnelle coréenne. Sinon, je pense que l’on peut également écouter des musiques contemporaines, la K-pop par exemple !
Conclusion
Sur ces derniers accords, nous espérons que le gayageum aura su piquer votre intérêt ! Entre morceaux traditionnels et emplois modernes, l’instrument nous réserve encore de nombreuses surprises. Il est aisé de se perdre de performance en performance quand l’on se prend à écouter une mélodie au gayageum.
Nous remercions Kwon Hye Kyoung de nous avoir permis d’en apprendre davantage sur le gayageum et, surtout, pour nous avoir offert une aussi belle prestation ! Merci à l’équipe des Korea Days également qui nous propose, chaque année, de nouvelles facettes de la Corée.
Interview réalisée par Littleangele et Esmerald – Laura-Esméralda Salgon