Yusin. Est-ce un mot qui vous évoque quelque chose ? Il fait référence à la IVe République de Corée du Sud, une République autoritaire adoptée par référendum en octobre 1972, sous la décision du président Park Chung Hee et qui prendra fin à l’assassinat de ce dernier, 7 ans plus tard. Qu’a donc représenté cette constitution pour les Coréens ?
Mise en contexte : comment la Corée est-elle arrivée à Yusin ?
Contexte national
En Corée du Sud, le président Park Chung Hee est au pouvoir depuis 1961 à la suite d’un coup d’état (voir cet article sur les présidents sud-coréens pour en savoir plus). Lors de cette élection, Kim Dae Jung lui fait face et, contre toute attente, ce jeune concurrent obtient un résultat de 45,3 % des suffrages. Park Chung Hee l’emporte donc avec 53,2 % des voix, mais il doit prendre son adversaire très au sérieux, car cette élection ne fut pas aussi aisée que celle de 1967. De plus, son parti perd des places à l’Assemblée nationale.
Contexte international
En 1968, Richard Nixon est élu Président des États-Unis. Il décide d’abaisser le nombre de ses troupes militaires postées à l’étranger. Bien évidemment, la Corée du Sud n’y échappe pas : en 1972, le président américain annonce le retrait de 13 000 GI du territoire. Face à cette décision, le président sud-coréen proclame la loi martiale dans un souci de sécurité nationale, les deux Corées étant toujours officiellement en guerre puisqu’aucun armistice n’a été signé… Cela lui permet de dissoudre le Parlement et ainsi de pouvoir modifier la constitution selon ses propres intérêts ; c’est ainsi que naît la IVe République de Corée du Sud, qu’il nomme Yusin (plusieurs traductions furent données à ce mot : réforme de revitalisation, de restauration, de régénération… C’est l’idée d’un renouveau).
La constitution Yusin
Le changement constitutionnel est approuvé par référendum le 21 novembre 1972, avec un vote qui semble truqué. L’ère autoritaire peut ainsi débuter. En effet, grâce à cette nouvelle constitution, Park Chung Hee détient beaucoup de pouvoir. Il fait notamment allonger la durée du mandat présidentiel à 6 ans, sans limite de renouvellement, ce qui lui permet rester président à vie. Il élit également une grande partie de l’Assemblée nationale, lui assurant une majorité pour son parti au pouvoir. Les élections changent également pour un style américain via un collège électoral. Ainsi, la Conférence nationale pour l’unification désignera le représentant à la tête de l’état, ce n’est plus le peuple qui l’élit directement ni même le Parlement. Cependant, il faut noter que les conditions de candidature sont si exigeantes que Park Chung Hee est le seul candidat retenu et est, ainsi, réélu en 1972 et en 1978 sans réelle contrainte.
Sous Yusin, le président Park gouverne essentiellement par décret, c’est-à-dire qu’il promulgue des lois sans nécessité de ratification par l’Assemblée Nationale, balayant ainsi les libertés constitutionnelles d’un revers de la main. Park Chung Hee contrôle et censure, de la politique au divertissement. Il maîtrise ainsi les foules et les journalistes qui s’opposent à son gouvernement. Bien entendu, l’opinion publique s’est opposée au bafouement de ses libertés civiles et a longuement protesté et manifesté. Toutefois, ceci n’a abouti à rien, si ce n’est des confrontations physiques avec les forces armées et des emprisonnements.
Finalement, la Constitution Yusin et la IVe République prennent fin à la mort du président Park Chung Hee. Une nouvelle République démarre sous le nouveau président Chun Doo Hwan.
En conclusion
Sous couvert de sécurité nationale et de développement économique, le président Park Chung Hee a dirigé son pays d’une main de fer et s’est érigé en homme de pouvoir que rien n’arrête. Certes, son gouvernement a eu un impact positif sur l’économie nationale et c’est « grâce » à ce qu’il a entrepris que le pays a pu s’exporter à l’étranger, mais sa gouvernance a également eu des conséquences désastreuses sur le peuple qui a subi son arrogance et ses choix autoritaires. Moralement, la constitution Yusin représentait une entrave aux libertés fondamentales ainsi qu’un ensemble de contraintes politiques et sociales.
Sources : Livre Histoire de la Corée, des origines à nos jours de Pascal Dayez-Burgeon | The Korea Times | Sungkyunkwan University