Un récent rapport du Centre de base de données sur les droits de l’Homme en Corée du Nord (NKDB) fait part de l’intensification de la lutte des autorités nord-coréennes contre la culture sud-coréenne. Le régime de Kim Jong Un cherche à limiter l’influence de la culture sud-coréenne au sein de sa population… en s’appropriant ses codes.
La répression croissante des « groupes non socialistes » en Corée du Nord
L’étude publiée ce 16 janvier se penche sur les « groupes non socialistes », des forces de surveillance nord-coréennes qui ont vu le jour lorsque le régime nord-coréen commençait à perdre la confiance de sa population dans les années 1990.
Depuis l’arrivée de Kim Jong Un au pouvoir, ces groupes s’en prendraient de plus en plus aux personnes consommant des musiques et des contenus télévisés sud-coréens. Les punitions pourraient aller d’une simple tape sur les doigts à l’exécution publique, en passant par l’envoi en camp de travail.
Plus de 25 % des transfuges interrogés dans le cadre de l’étude ont déclaré que les « vidéos illégales » étaient les principaux motifs de répression, et 12 % le « mode de vie capitaliste » : en plus de la consommation de médias sud-coréens, tout chant, danse ou manière de parler qui ne serait pas considéré comme nord-coréen ferait l’objet de poursuite. Le régime nord-coréen a d’ailleurs récemment interdit l’utilisation d’expressions telles que « oppa » ou « jagiya ».
Pourquoi cette lutte intensive contre la culture sud-coréenne ?
Cette répression intensive de la consommation de la culture sud-coréenne en Corée du Nord s’explique notamment par le fait que la survie du régime dépend de l’idéologie de sa population, qui ne doit pas être influencée par les informations extérieures.
Et contrairement à ses prédécesseurs, Kim Jong Un doit faire face à la « génération Jangmadang » (la génération Y nord-coréenne), qui a grandi en ayant accès au divertissement et aux biens de contrebande. Les dramas et les films sud-coréens ont fait comprendre à cette génération que le système capitaliste ne correspondait en rien aux images véhiculées par la propagande nord-coréenne, les incitant parfois à fuir vers le Sud.
Il semblerait que le régime nord-coréen ait donc adopté une nouvelle stratégie pour garder le contrôle sur cette nouvelle « génération Jangmadang », qui consisterait, paradoxalement, à s’approprier certains codes culturels sud-coréens.
Une nouvelle stratégie culturelle pour la Corée du Nord ?
Lors d’un concert organisé en septembre 2022, deux artistes nord-coréens ont proposé une chanson, réarrangée dans un style sud-coréen. La performance a été considérée comme historique par Kim Jong Un, qui a complimenté son réarrangement « révolutionnaire ». Depuis, de nombreuses chansons ont été réarrangées au point que leurs versions originales ne sont plus reconnaissables.
Un exemple a d’ailleurs beaucoup fait parler de lui ces derniers jours. Il s’agit de la chanson Be Envious of Us, traditionnellement chantée par Chongbong Band, qui a été reprise par Jong Hong Ran. La nouvelle version n’est pas sans rappeler la chanson Fingertip du groupe de K-pop GFRIEND.
Les spécialistes sud-coréens considèrent cette nouvelle stratégie nord-coréenne comme un moyen pour les autorités nord-coréennes de garder le contrôle sur les pratiques culturelles de la « génération Jangmadang », en lui proposant des musiques qui correspondent davantage à ses goûts.
Mais il y a peu de chance que cette nouvelle stratégie porte ses fruits, dans la mesure où les jeunes Nord-Coréens apprécient la musique sud-coréenne pour ses paroles qui parlent notamment d’amour, et non pas de la gloire de leur patrie.
Sources : YouTube | The Korea Times (1)(2) | The Washington Post | The Korea Herald
Le rapport du NKDB (en anglais) est disponible en téléchargement gratuit sur cette page.