Origine du mouvement #MeToo
Le mouvement #MeToo a commencé avec un homme : Harvey Weinstein. Si seule l’industrie cinématographique le connaissait il y a encore quelques mois, aujourd’hui, toute la planète connaît désormais son nom. Grand producteur hollywoodien qui a produit la plupart de nos films préférés, rien n’aurait laissé penser que cet homme intouchable puisse être déchu brutalement.
► Mais qui est Harvey Weinstein ?
Harvey Weinstein. Toute personne travaillant dans le monde du cinéma connaît ce nom. Ce dernier est une figure emblématique du monde cinématographique. Il est à la tête de deux maisons de production : Miramax et The Weinstein Company. Il a produit de nombreux films cultes tels que Gangs of New-York, Shakespear in Love, Inglorious Basterds… et il a notamment participé à la distribution de grands films français aux États-Unis dont The Artist et Amélie Poulain. Il a été nommé pas moins de 300 fois aux oscars. Grand producteur au pouvoir surdimensionné, il a travaillé avec les plus grands réalisateurs, acteurs et actrices et a dirigé d’une main de maître le cinéma américain. Hollywood le décrivait comme un vrai cinéphile, passionné mais aussi homme d’affaires intransigeant.
► Le scandale
Le 5 octobre 2017, le journal emblématique New York Times révèle dans l’un de ses articles que le producteur Harvey Weinstein aurait abusé et agressé sexuellement de nombreuses actrices pendant plusieurs décennies. Cet article a l’effet d’une bombe et ébranle tout Hollywood. Comme le dénonce l’article, Harvey Weinstein aurait usé de ses pouvoirs de producteur et menacé de détruire les carrières des actrices qui refusaient ses avances. L’une des victimes n’est autre que l’iconique Rose McGowan, plus connue sous le prénom de Paige, l’une de trois sœurs Hallywell de la série Charmed. Comme tant d’autres, elle révèle avoir été agressée par Harvey Weinstein alors qu’elle commençait sa carrière.
Dans cet article, de nombreuses femmes témoignent de la violence qu’elles ont subie pendant des années à cause de cet homme. À chaque fois, il employait la même ruse : le producteur utilisait un prétexte pour faire monter ses victimes dans sa chambre d’hôtel. Une fois à l’intérieur, il les faisait patienter pendant qu’il prenait sa douche. Il les rejoignait ensuite en peignoir et commençait alors à demander quelques faveurs comme des massages, etc. Puis il leur demandait de se plier à des rapports sexuels.
► Hollywood s’écroule, Times Up apparaît
Lorsque cet article sort avec les témoignages de grandes actrices comme Emma De Caunes, Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie, il met en lumière le plus gros secret d’Hollywood : l’abus de pouvoir d’hommes puissants sur les femmes. À partir de là, de nombreuses questions se posent : pourquoi personne n’a rien dit ? Comment cela a-t-il pu durer aussi longtemps? Qui sont les complices ? Combien d’hommes et de femmes sont impliqués dans des histoires similaires ?
Véritable effet boule de neige, des noms commencent à sortir dont Woody Allen, James Franco… Les masques tombent et en même temps, un mouvement apparaît : Time’s Up (« C’est fini » en français). Ce dernier est lancé par près de 300 actrices, metteuses en scènes, scénaristes, etc. Parmi elles, nous retrouvons par exemple Nathalie Portman, Meryl Streep et Cate Blanchett. Time’s Up a été créé dans le but de lutter contre les agressions sexuelles dans le milieu professionnel. Ce fond appelle toutes les « sœurs » à ne pas se laisser faire et à se battre contre les discriminations infligées aux femmes.
Cet appel fait aux femmes va dépasser les frontières des États-Unis et va tout d’abord toucher la France, l’un des premiers pays à avoir réagi après l’affaire Weinstein.
► Maintenant on agit
En France, dès le 13 octobre, un hashtag fait son apparition sur Twitter : #balancetonporc. Lancé par la journaliste Sandra Muller, ce hashtag invite toutes les femmes qui sont ou ont été victimes d’agression ou de harcèlement au travail, à dénoncer leurs agresseurs. En seulement quelques heures, le hashtag est devenu le troisième plus utilisé derrière #ONPC et #DALS. On découvre alors au fil des témoignages que tous les secteurs sont touchés comme les médias, l’audiovisuel, la politique…
Comme l’affaire Weinstein, #balancetonporc a l’effet d’une bombe et beaucoup de noms sortent comme celui du producteur québécois Gilbert Rozon, jury de l’émission Incroyable talent. L’émission a d’ailleurs été reportée et finalement diffusée sans le producteur.
À la suite de ce hashtag, une prise de conscience nationale voit le jour en France et un nouveau mouvement naît : « Maintenant on agit ». Ce mouvement est lancé par des femmes connues du monde cinématographique telles que Vanessa Paradis et Sara Forestier, à quelques jours des césars. Ce mouvement, inspiré de Time’s Up, est un appel aux dons géré par la Fondation des Femmes. Cette dernière aide les femmes victimes d’agressions sexuelles et de viols.
« Maintenant on agit » est un mouvement qui va s’inscrire dans la durée pour les femmes françaises qui étaient les premières à réagir après l’affaire Weinstein. Quelques mois plus tard, le scandale se fait aussi ressentir dans d’autres pays comme en Corée du Sud, où les femmes se mettent à parler à leur tour.
Début tardif du mouvement #MeToo en Corée
La Corée du Sud est classée 118e sur 144 pays notés pour le respect de l’égalité entre les sexes. En 2015, un sondage va révéler que 78 % des Coréennes victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail n’ont pas cherché à obtenir protection et réparation mais ont plutôt choisi de se taire et d’endurer. En effet, de nombreuses femmes sont convaincues que même si elles dénonçaient les abus dont elles étaient victimes, elles n’obtiendraient aucune aide.
► Amorce du mouvement
C’est une procureure qui est la première à réellement amorcer le mouvement #MeToo en Corée du Sud. Fin janvier 2018, quelques mois après le début du mouvement, celle-ci décide de mettre en lumière les attouchements sexuels dont elle a été victime de la part d’un supérieur mais également les efforts de sa hiérarchie pour torpiller sa carrière parce qu’elle avait osé en parler.
Depuis cette première déclaration, le mouvement #MeToo n’a cessé de prendre de l’ampleur. Les victimes sont nombreuses, les agresseurs également.
► Les ravages du mouvement #MeToo
Le mouvement touche de nombreuses entreprises et de nombreuses personnalités. Du côté du monde de l’entreprise, c’est le président de la compagnie aérienne Asiana Airlines qui est accusé d’attouchements sur des hôtesses de l’air, mais aussi le fabricant de meubles sud-coréen Hanssem.
La politique n’est pas en reste et se retrouve également durement touchée lorsque le mouvement atteint l’homme politique Ahn Hee Jung, alors favori pour la prochaine élection présidentielle. Après être accusé de viol par son ancienne secrétaire, il quitte la vie politique.
Le monde de la culture et du divertissement est également frappé avec les accusations portées contre le poète Ko Un. Une poétesse a publié un texte où elle détaille les attouchements sexuels dont elle a été victime par le poète.
Enfin, le monde cinématographique n’est pas épargné non plus par ce mouvement. Au contraire, c’est même le plus touché, en raison des nombreuses personnalités publiques très connues. Depuis le mois de février, plusieurs acteurs et réalisateurs ont été accusés de harcèlement sexuel.
Le 15 février, un commentaire anonyme accuse l’acteur Oh Dal Su d’agressions sexuelles et de viols dans les années 1990. Le 26 février, l’acteur nie les accusations mais une nouvelle femme apparaît alors sur une chaîne d’information pour l’accuser de harcèlement sexuel en 2003. À la suite de cela, les projets de Oh Dal Su ont été annulés, notamment son rôle dans le drama My Ajusshi.
Tôt le matin du 20 février, un utilisateur d’une communauté en ligne signale que Jo Min Ki a harcelé sexuellement une étudiante pendant plusieurs années alors qu’il travaillait en tant que professeur à l’Université Cheongju. Après avoir fait l’objet d’une enquête, l’acteur est reconnu coupable et privé de son poste de professeur. Dans un même temps, alors qu’il fait partie du casting du drama Children of the Lesser God, la production préfère se séparer de lui et supprime les scènes déjà tournées où il était présent. Son histoire se termine alors tragiquement. En effet, l’acteur met fin à ses jours le 9 mars 2018, quelques jours avant d’être convoqué devant la police.
Le 23 février, c’est au tour de Jo Jae Hyun d’être accusé. C’est l’actrice Choi Yul qui met en lumière ses agissements via son instagram personnel. L’acteur reconnait alors les faits et s’excuse publiquement. Alors qu’il est en plein milieu de la diffusion de son drama Cross, la production décide de se séparer de lui.
Kim Ki Duk est un cinéaste de renommée mondiale. Seulement, plusieurs actrices dévoilent qu’il leur aurait demandé de coucher avec lui, allant même jusqu’au viol pour l’une d’entre elles. Un second réalisateur, Cho Hyun Hoon, admet avoir agressé sexuellement une réalisatrice en 2013 et publie des excuses officielles. Si beaucoup d’hommes sont accusés, c’est également le cas d’une réalisatrice : Lee Hyun Ju. Cette dernière est accusée de violences sexuelles envers l’une de ses collègues. Un prix, qu’elle a reçu il y a peu, a même été annulé à la suite de cette affaire.
► De nombreuses personnalités encouragent le mouvement
Récemment, deux chanteurs du groupe GOT7, JB et Jinyoung, ont encouragé le mouvement #MeToo lors d’une interview réalisée pour leur comeback. Ils ont dévoilé que la JYP Entertainment avait un programme d’éducation sexuelle qui était assuré, allant même jusqu’aux soins mentaux.
Enfin, le président de la République de Corée, Moon Jae In, a annoncé son soutien au mouvement avec cette déclaration : « Nous devons saisir cette opportunité, même si elle est embarrassante et douloureuse, pour révéler la réalité et trouver une solution fondamentale. Nous ne pouvons pas résoudre cela à travers les lois et devons changer notre culture et nos attitudes ».
La société coréenne est encore très patriarcale et il n’est pas rare que les crimes sexuels soient passés sous silence. Cependant, le mouvement #MeToo pourrait peut-être permettre de faire changer les choses.
Article rédigé par les hiboux Sammin et Lilou
Sources : France24 – LCI – LePoint – FranceInfo – Première – RFI – HRW – Libération – Nautiljon
Article de Sammin.
[instagram-feed]