L’histoire de l’aviation coréenne est fortement liée à la colonisation japonaise et à la place de la péninsule dans la géopolitique du début du vingtième siècle. Si certains aviateurs coréens tels que Kwon Ki Ok ou An Chang Nam se sont servis de leurs ailes pour lutter contre l’occupation, d’autres ont eu des implications plus complexes. No Baek Rin fut d’abord soldat impliqué dans la guerre russo-japonaise. Quant à Park Kyung Won, elle est toujours l’objet de vives critiques pour son implication dans la propagande japonaise.
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No Baek Rin (노백린)
No Baek Rin est né en 1875 dans la région du Hwanghae (actuelle Corée du Nord) au sein d’une famille d’érudits. Troisième fils de No Byeong-gyun, il part pour étudier au Japon en 1895 au sein de l’université Keio puis de l’université Sejo (1898) puis de l’académie impériale de l’armée japonaise d’où il sortira diplômé en 1898.
No Baek Rin rentre en Corée en octobre 1900 et s’engage dans la défense de l’armée. Il travaille comme fantassin et instructeur militaire à l’académie militaire de Corée. Durant la guerre russo-japonaise qui débute en 1904, il voyage dans la péninsule et se rend à Dalian (Chine), Yeosun et à l’Est avant de rentrer en Corée. Il est alors promu officier de l’armée et directeur de l’académie militaire puis directeur de la police militaire et directeur de l’école de la formation des armées.
En août 1907, l’armée coréenne est dissoute de force et l’école de l’armée de Yeonsung est fermée. No Baek Rin devient alors directeur de l’éducation militaire. C’est à cette époque qu’il commence à changer son fusil d’épaule et s’implique dans le mouvement du Nouveau peuple. Il commence à travailler avec Kim Gu (김구 金 九) afin de développer le mouvement et devient président de l’association d’éducation générale. Par ailleurs, il crée une entreprise de production de cuir mais perd 100 000 wons et s’enfuit à Hawaï aux Etats-Unis en 1916. En 1918 il publie le Pacific City History.
Lorsque retentissent les clameurs du 1er mars 1919, No Baek Rin décide de se rendre à Shanghai où il devient chef du secrétaire militaire du gouvernement provisoire de la République de Corée. Cherchant à diffuser les principes d’unité de la société coréenne, il arrive en Californie en 1920 où il se forme dans l’armée de l’air.
Le 1er mars, Lee Yong Sun et Lee Cho sont à la manœuvre et deviennent les premiers aviateurs coréens à manipuler un aéronef. Le centre de formation des aviateurs continue de se développer jusqu’à atteindre 77 diplômés en 1923. No Baek Rin veut continuer de développer l’armée indépendante coréenne. Mais ses financements pour la construction d’une base militaire échouent. Lors de la création de l’Aviator Training Center, celui-ci ne dispose que de deux avions, d’un ingénieur américain et de six pilotes-instructeurs. No Baek Rin organise des collectes de fonds et parvient à 5 avions en 1923.
En 1922, il débute sa fonction de premier ministre du gouvernement provisoire de la république de Corée mais démissionne finalement en avril 1925. Il devient alors chef d’état-major et se consacre à la promotion des forces indépendantistes.
No Baek Rin retourne aux États-Unis puis se rend dans la jeune URSS où il oeuvre en tant que diplomate. Mais la situation du gouvernement provisoire est délicate et il est difficile pour No Baek Rin d’accomplir sa mission. Les luttes internes s’enveniment alors que les idéologies des indépendantistes entrent en collision. De retour à Shanghai, No Baek Rin a très peu pour vivre. La fin de sa vie est assez obscure. Il semble souffrir de malnutrition ce qui, d’après les archives, lui causait des délires. Il aurait notamment été admis dans un hôpital psychiatrique de Shanghai peu avant sa mort. Celle-ci survient le 22 janvier 1926. Les sources se confrontent sur ce sujet. Certaines identifient un suicide, d’autres un accident, d’autres encore parlent de maladie. Quoi qu’il en soit, No Baek Rin meurt à Shanghai en rêvant d’être enterré dans son pays natal. Les restes du général furent conservés au cimetière national de Shanghai, puis retournés en Corée au moment du rapatriement d’Imjeong-yo en 1993.
Sources : Namu | New Chosun | Encykorea Blog Naver
Park Kyung Won (박경원)
Park Kyung Won est née le 24 juin 1901 dans la ville de Daegu (actuelle Corée du Sud). Sa famille aisée l’inscrit à la Daegu’s Myeongsin Women’s School, une école presbytérienne américaine. Le 13 septembre 1917, Park Kyung Won embarque pour le Japon où elle suivra les cours d’une école technique de Yokohama. Puis elle revient en Corée pour devenir infirmière. Une fois diplômée, elle travaille durant cinq ans et économise afin de payer la formation de pilote qu’elle rêve d’obtenir. C’est finalement en 1925 que Park Kyung Won retourne au Japon et rejoint l’école de pilotage de Tachikawa. Initialement, Park Kyung Won voulait rejoindre l’école de Okuri où An Chang Nam avait appris l’art du vol. Mais l’école ayant fermé en 1923, elle décide d’intégrer l’école de Tachikawa.
Sur trente-trois élèves, il y a seulement six femmes dont elle sera la seule représentante coréenne. La société japonaise de la période coloniale hérite d’un certain « machisme » et il est difficile pour Park Kyung Won, en tant que femme étrangère de trouver sa place. Par ailleurs, bien qu’issue d’une famille aisée, Park Kyung Won a besoin de travailler afin de subvenir à ses études. Elle obtient tour à tour sa licence de pilote de première classe le 18 janvier 1927 puis de seconde classe le 30 juillet 1928. Le Japon d’alors se nationalise et affermit des discours de guerre de plus en plus lourds. Pourtant, l’engouement vis à vis de Park Kyung Won ne se limite pas qu’aux Coréens. En effet, la jeune femme est perçue sur l’île comme une brillante aviatrice en herbe. Elle devient malgré elle, et à l’instar de An Chang Nam plusieurs années plus tôt, un symbole de réussite et d’intégration pour l’Empire Japonais. Et elle est utilisée en ce sens. Plusieurs haut gradés tel que le ministre des Communications Koizumi Matajirō (小泉 又次郎) – grand père maternel du 10e premier ministre de l’ère Heisei (1989-2019), Jun’ichirō Koizumi (小泉 純一郎) – se rapprocheront d’elle à des fins politiques.
Ainsi le 19 mai 1933, elle s’envole pour rencontrer les représentants du gouvernement à Séoul puis rejoint la Mandchourie pour participer à des rencontres officielles avec plusieurs hauts militaires tels que Shimada Ryuichi. A la même époque, le secrétaire général de l’Association Impériale d’Aviation se rend dans la ville natale de Park Kyung Won, Daegu, pour promouvoir l’aviation japonaise. L’objectif est double, valoriser l’intégration réussie de Park Kyung Won et inciter de jeunes Coréens à rejoindre l’armée japonaise.
Le 4 mai 1933, Park Kyung Won est choisie pour effectuer un vol reliant Haneda à l’état de Mandchoukouo. Sa qualification n’était pas évidente. En effet, annoncé le 12 septembre 1932, « le vol d’Amitié du Mandchoukouo » devait être effectué par un aviateur japonais. En tant que femme étrangère, Park Kyung Won ne semblait pas qualifiée. Cependant, deux attentats visant l’empereur japonais provoquent l’émulsion dans l’empire. Le gouvernement japonais cherche à promouvoir l’intégration de ses minorités dans l’Empire et à améliorer son image coloniale. Park Kyung Won devient une figure positive qui valoriserait la communication du pays.
En tant qu’aviatrice coréenne, elle devient la preuve d’une assimilation réussie mais aussi l’incarnation du futur de l’Empire entre Japon, Corée et Mandchourie. Elle s’envole donc, malgré une météo peu favorable, le 7 août 1933. Après cinquante minutes de vol dans une tempête de nuage, Park Kyung Won s’écrase sur le mont Kurotake à Hakone. Elle avait 32 ans. Elle voulait juste voler dans le ciel.
Si la plupart des aviateurs coréens s’inscrirent au cours de leur vie dans les mouvements d’indépendance ou pour l’armée impériale japonaise et que beaucoup parmi eux volèrent en tant que militaires pour l’une ou l’autre bannière, Park Kyung Won fut l’une des rares civiles coréennes à braver le ciel. Sa participation affirmée à voler sous le drapeau de l’Empire Japonais pousse les contemporains à la juger avec dureté voire ressentiment. Pourtant certains historiens rappellent l’importance de cette figure de l’histoire de l’Asie avec plus de nuances rappelant que Park Kyung Won, à la poursuite de son rêve d’aviation, s’était hissée au dessus des querelles nationales et de sa condition de femme colonisée. Sa mort prématurée ne permet pas non plus de la dissocié du contexte politique de l’époque et reste, à l’image des autres aviateurs coréens, une aventurière du ciel.
Sources : OhmyNews Hye Joo Jeong | Asie Architecture Actualité | OhmyNews Miki Kano | Women in Korean History
Article rédigé par Casado Hélène.