Les hiboux de Korea’s Owls ont le plaisir de vous présenter cet article dédié à une nouveauté littéraire proposée par l’Atelier des Cahiers Éditeur : Le Jardin Interdit. L’ouvrage publié avec le soutien de la LTI KOREA (Institut coréen de traduction littéraire) est disponible en France depuis quelques semaines. Et voici notre avis !
À propos de l’auteure
Kim Da Eun (김다은) est une romancière contemporaine prolifique. Elle commence à publier des romans en 1996 après avoir remporté le troisième prix au concours du journal coréen Kukmin Ilbo (국민일보) pour son roman Le Pays qui te ressemble. Parmi ces autres ouvrages, on compte les romans : La Lettre d’amour étrangère, Love Bug, Le Secret de Hunminjeongeum, Une lettre de révolte, Le Jardin interdit, La Douzième Chaise à Varsovie – et les recueils de nouvelles : Imagination dangereuse, Le Blues des mangeurs de rat, etc.
Docteure en lettre à l’université de Paris 8, elle enseigne aussi la création littéraire à l’université des arts Chugye (추계예술대학교) à Séoul.
Résumé
Fin des années 1920, le géomancien Kim est mandaté par le gouverneur japonais pour établir, selon les règles de la géomancie, le lieu idéal pour une maison de vie. Face à un lourd dilemme : celui de trahir sa profession ou son pays, le géomancien doit trouver le lieu idéal qui se doit d’être aussi le pire. Pendant ce temps, Haruki, le chef de la section culturelle du nouveau gouvernement, reçoit une étrange mission, collecter les jarres de placenta des rois de Joseon. Ayant croisé une mystérieuse coréenne, il part en quête de cette femme tout en essayant de mener à bien sa mission.

Mon avis sur Le Jardin Interdit
Le Jardin Interdit est un roman historique rempli de rebondissements. De nombreux personnages s’y succèdent en nous entraînant dans les remous sombres de l’histoire de la colonisation japonaise. Chacun à leurs échelles, les habitants de Joseon (ancien nom de la Corée), tentent de survivre tout en portant l’idéal national perdu. C’est Serin, une jeune coréenne qui trouve en la religion chrétienne et les missionnaires de Taewha, source à sa propre émancipation. Ce sont les géomanciens qui en voie de disparition s’acharnent à changer le destin géomantique du pays. Ce sont les comédiens qui montent des pièces de théâtre en résistance. L’indépendance est en toile de fond mais c’est surtout l’environnement des Japonais que nous suivons.
Car toute la subtilité du livre est là. Kim Da Eun a choisi de suivre le point de vue des Japonais qui découvrent les principes de la culture coréenne et y réagissent soit en tentant de l’anéantir soit en essayant de la préserver. La quête de l’affection de la femme coréenne devenue une obsession pour Haruki est comme le symbole de la quête de suprématie du Japon sur la Corée. Tout comme la volonté du gouverneur de bâtir sa maison dans le lieu le plus intime du pays. L’auteure y développe ainsi une longue métaphore filée de la matrice féminine comme allégorie de la terre coréenne que les empires chinois et japonais ne cessèrent d’assaillir au cours de l’Histoire.
Le traitement à l’égard des femmes de Joseon et notamment de la gisaeng Myeongwol est, dès lors, la personnification de la violence faite à la terre coréenne et à son peuple. Difficile à cet égard de ne pas penser au film de Park Chan Wook, Mademoiselle. L’adaptation du livre Le Jardin Interdit au cinéma serait d’ailleurs l’occasion de diffuser les secrets du pungsu à un plus large public. Le roman évoque ainsi les atrocités commises par les savants japonais qui au nom de la science et de l’Empire du Japon, ont effectué sur les prisonniers les expériences les plus morbides.

Conclusion
En somme, Le Jardin Interdit est un livre de résistance profondément féministe et avec un fort esprit national. C’est aussi un précieux ouvrage pour découvrir une facette méconnue de la culture coréenne, le pungsu. J’ai pour ma part eu beaucoup de bonheur à découvrir dans le détail des conceptions culturelles qui m’étaient jusqu’alors inexplicables et que la géomancie présentée par Kim Da Eun m’a enfin permis d’éclairer.
Le Jardin Interdit est donc un excellent roman historique que vous aurez beaucoup de plaisir à lire. Et je vous conseille de le faire d’une traite pour ne pas vous égarer dans les différentes intrigues qui s’ouvrent à chaque page.
Où trouver Le Jardin Interdit ?
Le Jardin Interdit, de Kim Da Eun, Trad. Ko Kwang Dan et Jean-Charles Jambon, Ed. L’Atelier des Cahiers, 2019, ISBN 979-10-91555-54-8
Source : Atelier des Cahiers
Article rédigé par Casado Hélène.