1997 n’est pas que l’année de la Coupe de Football coréenne ou de l’émergence des girlsband dans la K-pop. C’est aussi une année sombre de crise économique qui a laissé de nombreux Coréens sans ressources. La dessinatrice Ancco raconte avec Mauvaises filles la vie de la jeunesse coréenne d’alors.
À propos de l’auteure
Née en 1983 à Seongnam en Corée du Sud, Ancco est une dessinatrice. En 2003, ses webtoons la rendent très célèbre auprès d’un public jeune qui se reconnait dans ses histoires. Celles-ci décrivent la détresse d’une jeunesse coréenne écrasée par le poids des responsabilités et le besoin de vivre à sa manière. Ce qu’elle voit et ressent de la Corée, elle le dessine. Ainsi, ses manhwa sont en général des one shot intimistes centrés sur son quotidien.
Ancco fait aussi partie d’un collectif de dessinateurs qui cherchent à développer la BD indépendante coréenne. Le collectif Sai manhwa (새만화) a créé les éditions du même nom pour faire émerger des styles nouveaux. Signifiant « nouvelle bande dessinée », le collectif est souvent traduit en Sai Comics en langues romanes. C’est par celui-ci que Ancco a été découverte en 2009 au festival d’Angoulême. Sept ans plus tard, elle obtenait le prix Fauve Révélation à ce même festival. Cependant, en France, sur la cinquantaine d’œuvres qu’elle a réalisées, seulement trois ont été traduites et publiées.
Jindol et moi Aujourd’hui n’existe pas Mauvaises filles
éditions Picquier, 2007 éditions Cornélius, 2009 éditions Cornélius, 2016
Résumé
À la fin des années 1990, la Corée du Sud souffre de la chute du won et de l’instabilité boursière. Jin Joo et Jung Ae, deux adolescentes, vivent un quotidien où pleuvent les coups des adultes, frappées par leurs parents, leurs professeurs, leurs copains. Comme si toute la tension du monde se relâchait finalement sur elles. Arrachées à l’enfance, les deux adolescentes glissent dangereusement vers un monde d’adulte où règne la nuit.
Mon avis sur Mauvaises filles
Pendant tout le manhwa, on s’attend à ce que les jeunes filles n’aient d’autres solutions que la prostitution. Pourtant, Mauvaises filles a réussi à être plus subtile. Si la Corée est dessinée sans les beaux atours des séries de la vague Hallyu, Ancco ne nous perd pourtant pas dans la simple critique de la société coréenne et les souffrances de sa jeunesse. C’est davantage un regard désabusé, une révélation sur le monde qu’elle nous offre.
« C’est en payant pour mes bêtises que j’ai appris, compris le monde et comment on y survit. J’ai commencé par le côté sordide, que d’autres découvrent bien plus tard. Ça ne fait pas une si grande différence. »
Comme une observatrice contemplant le monde qui l’environne, Ancco raconte cette jeunesse qui fut la sienne et celle de nombreuses autres personnes. Certes, le décor est la banlieue séoulite de 1997, mais Mauvaises filles est ce genre de manhwa à la portée plus universelle.
Dans un contraste tranchant en noir et blanc, les planches nous immergent dans un style détaillé et expressif. Des illustrations pleines pages relient les parties, soulignant les allers-retours entre le présent et le passé, les instants d’euphorie et de profonde détresse. À la fois sobre et très réaliste, le graphisme est franchement saisissant. La narration est aussi fluide avec une mise en case rythmée sans être trop aérienne.
Mauvaises filles est un manhwa très agréable à lire, bien que le thème soit très dur. C’est un excellent moyen de découvrir la BD coréenne indépendante. Je ne peux que vous recommander de lire ce livre ou de jeter un coup d’œil aux éditions Sai manhwa.
Où le trouver ?
Mauvaises filles de Ancco, trad. Yoon Sun Park, Coll. Pierre, Ed. Cornelius, 2012, ISBN : 2360811126
Sources : Cornelius | Sai manhwa
Article rédigé par Casado Hélène.