Ho Kyun (1569-1618) est un magistrat et auteur coréen important du XVIIe siècle. Il grandit dans une période de trouble durant laquelle dictature et invasions mettent à mal tant le peuple coréen que ses lettrés. Plume libre à l’esprit retors, Ho Kyun est de ces figures anciennes qui déjà ouvrent à un modernisme singulièrement coréen.
Biographie
Ho Kyun (허균 | 許筠) naît en 1569 dans la précieuse famille de Gangneung. Il grandit au sein d’une famille érudite et prestigieuse de yangban. Son père Ho Yop (허엽) est gouverneur de la province de Kyeongsan, plusieurs fois ministre et membre de la puissante faction de l’Est TongIn (동인). Il est aussi connu sous le nom de plume So Kyongdok. Quatre des frères et soeurs de Ho Kyun sont comme lui de grands érudits. Son frère aîné Ho Song, ou Angnok, est un brillant ministre et diplomate. Son deuxième frère Ho Pong, ou Hagok, est lettré. Plus remarquable encore, sa soeur aînée Ho Chohui, ou Nansorhon (허난설헌 | 許蘭雪軒), est une célèbre poète, art pourtant réservé, en ces temps, aux hommes ou aux kisaeng.
Ho Kyun, l’homme politique
Ho Kyun grandit ainsi dans un terreau vivace de lettres et de pouvoir. Éduqué par l’érudit Yi Dal (李達), le jeune noble passe, à l’âge de vingt-cinq ans, l’examen d’état Jeongsimungwa. Puis en 1597, il obtient l’examen spécial d’administration Mungwajungsi[1]. Par la suite, il sert en tant que magistrat dans plusieurs provinces du royaume de Joseon. En 1606, on lui confie les soins de l’émissaire de l’empire Ming, Jujibeon. À cette occasion, il offre plusieurs poèmes de sa soeur au diplomate qui contribue à les répandre en Chine.
En tant qu’auteur comme politicien, Ho Kyun semble défendre des idées progressistes. Son souhait d’une société moins sectaire et conservatrice transparaît dans ses récits. Patrick Maurus[2] associe cet élan, qu’on associe aujourd’hui à du modernisme, à une conséquence logique de l’éducation du jeune Ho Kyun. Son maître Yi Dal comme sa soeur Nansorhon, bien que brillants, ne peuvent prétendre par leur statut social à obtenir les grâces que la vie pourtant lui permet. La période de trouble causée tant par les querelles entre factions, la tyrannie Gwanghaegun et les invasions japonaises contribue à creuser les écarts sociaux. Face à ces injustices, Ho Kyun semble avoir développé une politique qu’on estime aujourd’hui progressiste[3]. Elle se fonde pourtant sur un fondement de morale confucianiste.
Sa carrière, comme celle de nombreux magistrats de l’époque, est en dents de scie. Envoyé plusieurs fois en exil, limogé ou démissionnaire, Ho Kyun n’arrête pas sa vibrante critique de l’ordre établi. C’est en 1617, à l’âge de quarante-huit ans qu’il obtient le titre de Jwachamchan et intègre le bureau du Premier Office. Ce succès est de courte durée car l’année suivante, il est accusé de trahison et est finalement décapité en 1618.
Gyosan le « noveliste »
Ho Kyun est connu sous son nom de plume en tant que Gyosan. Son oeuvre importante marque l’histoire coréenne pour sa qualité littéraire et sa contestation irrévérencieuse. Si l’érudit écrit nombre d’essais, c’est surtout son roman L’Histoire de Hong Kiltong qui contribue à perpétuer sa renommée. Considéré comme le premier roman en langue coréenne, dans la mesure où il a été rédigé en hangeul, L’Histoire de Hong Kiltong est une oeuvre à la fois révoltée et morale. Elle conte l’histoire d’un bâtard qui, conscient de sa brillance, ne parvient pas à honorer à leur juste mesure le père et l’état, ceux-ci freinant ses qualités en vertu des lois de la naissance. Prisonnier de sa destinée lumineuse, de son statut social et de sa vertu sincère, Hong Kiltong finit par se rebeller contre les autorités qui empêchent l’ordre confucianiste (la piétée filiale et la loyauté féodale) de lui permettre de donner le meilleur de lui-même au roi et au père.
Une révolution littéraire
L’ouvrage rompt sur plusieurs plans avec la tradition littéraire coréenne. Tout d’abord, sur le plan stylistique, il est écrit en hangeul. C’est d’ailleurs, le premier roman rédigé à dessein dans l’alphabet inventé sous le roi Sejong. Le personnage principal, Hong Kiltong, loin des héros militaires, nobles érudits ou royaux destinés, se présente comme l’antithèse et la fusion de ceux-ci. Sa basse naissance mais ses capacités font du personnage un nouvel archétype de la littérature coréenne. Commettant des exactions populaires à la manière d’un Mandrin (ou d’un Wu Chengen ou encore d’un Luo Guanzhong[4]), Hong Kiltong invente la figure du révolté vertueux.
Rédigé dans un Joseon profondément marqué par les excursions japonaises, le banditisme, la corruption et les guerres entre factions, ce roman est l’oeuvre fatidique qui a pu mener Ho Kyun à la peine de mort. Il survient à un moment de l’histoire coréenne durant lequel les fils illégitimes de yangban tendent à obtenir une reconnaissance sociale qui a été esquissée sous le règne du Roi Sejong. Les tyrans et les factions qui lui ont succédé ont tôt fait de noyer l’Humanisme coréen du XVe siècle. Reste que Ho Kyun est une figure élémentaire de l’érudition coréenne, moins pour ses qualités littéraires que pour son esprit anticonformiste.
Ho Kyun au cinéma
Ho Kyun de nos jours
La figure de Ho Kyun évolue au cours de l’histoire coréenne. Si aujourd’hui on le reconnaît en Corée du Sud comme un important ciment de la démocratie et du modernisme comme il se construit au pays du Matin frais, il n’a pas toujours bénéficié d’une aura si positive. Bien que son anticonformis me soit expliqué selon les historiens par sa vision fidèle au songnihak, d’autres s’accordent pour dire que Ho Kyun n’a pas échappé aux intrigues politiques de son époque. Force est de constater que depuis deux décennies la figure de l’érudit est de nouveau investie positivement. Un musée lui est même dédié à Gangneug[5] depuis 1999.
Conclusion
Tantôt haut gradé, tantôt exilé, Ho Kyun semble avoir toujours porté les habits de l’opposant à l’ordre établi. Il en devient aujourd’hui une figure emblématique, indépendante et moderne de l’ère Joseon. Son érudition, sa haute naissance et son esprit libre semblent en faire aujourd’hui plus que jamais une source d’inspiration pour la Corée contemporaine.
Sources : [1] Gwangwon-do province | [2] Préface L’Histoire de Hong Kiltong de Ho Kyun | [3] Forseason.tistory | [4] Korean Studies: New Pacific Currents | [5] 솔향강증 | Photographies : [1] Forseason.tistory.com [2] Insight.co.kr [3] blognaver/ njui90
Article rédigé par Casado Hélène.