La question de la communauté LGBT+ est encore un sujet tabou dans beaucoup de pays. Et même dans les pays développés, beaucoup de personnes souffrent encore de discriminations à cause de leur orientation sexuelle ou identité de genre. La communauté LGBT+ ne cesse de se battre à travers le monde pour la reconnaissance de leurs droits. Mais qu’en est-il réellement en Corée ?
La Corée du Sud est un pays développé, cela ne fait pas de doute. Cependant, malgré les apparences le pays reste très conservateur et sortir du schéma classique (qu’il s’agisse de sexualité ou non) peut être compliqué voire mal perçu. C’est encore le cas aujourd’hui pour les personnes LGBT+. La Corée semble encore persister dans le modèle induit par le confucianisme, un modèle familial ainsi décrit : un père, une mère et des enfants.
L’homosexualité en Corée
D’un point de vue purement juridique l’homosexualité est légale en Corée, et ce depuis seulement 2003, date à laquelle elle a été déclassifiée comme étant « nuisible et obscène ». Cela veut dire qu’une personne homosexuelle n’est pas condamnée et ne devrait, à priori, pas souffrir de quelconque discrimination. Pourtant dans les faits il semble exister un gouffre entre les principes et la réalité.
En effet, la Corée semble appliquer le principe du « vivons bien, vivons cachés », c’est le cas de nombreuses personnes homosexuelles qui préfèrent cacher leur orientation plutôt que de subir jugements, insultes voire même violences. C’est ce qu’expliquait Alexis dans une interview pour le site PVTistes en 2017 : « De mon point de vue et expérience, il est préférable de ne pas montrer son homosexualité dans les lieux publics en Corée au risque d’insultes, de menaces et parfois même de réactions violentes. »

L’union civile et le mariage restent non reconnus pour les personnes de même sexe. Le réalisateur Kim Jho Gwang Su et le producteur Kim Seung Hwan se sont mariés en 2013, trois ans plus tard en 2016, le couple a intenté un procès afin de faire reconnaître officiellement son union. Malheureusement le procès a été rejeté en première instance et en appel.
L’homosexualité reste un délit aux yeux de la loi militaire passible d’un renvoi et d’emprisonnement. En 2019, plusieurs soldats gays ont témoigné des sévices qu’ils ont subis pendant leur service. Un rapport d’Amnesty International raconte que des « chasses aux sorcières » avaient lieu dans les casernes : téléphones confisqués et inspectés, enquêtes sur la vie privée… Un soldat raconte avoir été violé et contraint de boire l’eau des toilettes après que son homosexualité a été révélée.

L’identité de genre en Corée
Malgré tout le pays semble plus enclin à accepter les personnes transgenres. En effet, en 2017 une étude Ipsos a été menée sur le sujet en Corée. Il est ressorti que 59.1 % des personnes interrogées estiment que les personnes transgenres devaient être autorisées à accomplir leur transition. Et 56.9 % estiment que les personnes transgenres devaient bénéficier d’une protection contre les discriminations.
Pour changer officiellement de genre en Corée il est nécessaire de passer par l’opération. Cette opération est possible en Corée mais sous certaines conditions. Il faut en effet être âgé de plus de 20 ans, être célibataire et sans enfant. Depuis 2006, la Cour Suprême autorise les personnes opérées à déclarer leur nouveau genre dans tout document officiel. De plus, en 2013 le tribunal de district occidental de Séoul a autorisé cinq hommes trans à s’identifier homme sans opération. Il en a été de même pour une femme trans en 2017 à Cheongju.

Malgré tout, il est difficile de considérer cela comme une acceptation des personnes transgenres. Dans la réalité, beaucoup de personnes préfèrent se cacher. Un des cinq hommes trans ayant pu obtenir de s’identifier officiellement comme homme sans passer par l’opération expliquait que malgré son physique d’homme son numéro de résident (l’équivalent de notre numéro de Sécurité sociale) commençait par un 2, réservé aux femmes. Cela peut sembler anecdotique mais ce numéro posait problème au quotidien. Par exemple, il ne pouvait travailler dans une entreprise lui demandant son numéro à cause de discriminations. À l’hôpital, le personnel suspectait une usurpation d’identité. Plus récemment, en février 2020, la presse a mis en avant le récit d’une femme trans opérée ayant été acceptée à l’université pour femmes de Sookmyung mais qui a dû la quitter face à l’opposition des autres étudiantes.
Les lois anti-discrimination, vers une évolution des mentalités ?
En 2001 est créée la Commission Nationale des Droits de l’Homme en Corée, une commission indépendante visant à défendre les Droits de l’Homme en Corée. Elle reconnaît explicitement l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme motif de discrimination. Lorsqu’un acte discriminatoire envers une personne LGBT+ est reconnu, la commission peut enquêter et peut condamner l’auteur des discriminations.
Cependant, la reconnaissance des discriminations ne les interdit pas. Plusieurs lois interdisant la discrimination des personnes LGBT+ ont été proposées mais toutes ont été abandonnées à cause de forts mouvements de contestation des conservateurs. En 2019, un politicien a même proposé un projet de loi visant à abroger la protection des personnes LGBT+ par la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Le projet a été majoritairement rejeté (260 contre 40) par les députés.

À ce jour, 15 gouvernements locaux ont adopté des lois anti-discrimination incluant les personnes LGBT+. La première province ayant acté à ce niveau est celle de Gyeongsang du Sud en 2010 stipulant que « les citoyens ne doivent pas être discriminés, sans motif raisonnable, en raison de leur sexe, religion, handicap, âge, statut social, région d’origine, état d’origine, origine ethnique, condition physique telle que l’apparence, les antécédents médicaux, l’état civil, les opinions politiques et l’orientation sexuelle ».
Plusieurs sondages ont révélé une évolution au niveau de l’acceptation des personnes LGBT+. Nous évoquions précédemment le sondage concernant les personnes trans. En 2017, l’organisation Gallup rapportait que même si 58 % des Coréens étaient contre le mariage entre personnes du même sexe (contre 34 % pour et 8 % d’indécis), 90 % d’entre eux étaient pour l’égalité des chances en matière d’emploi pour les personnes LGBT+.

Globalement, depuis les années 2010 la Corée semble s’ouvrir davantage sur le sujet, même si le processus reste très lent. Ce changement de regard s’observe notamment dans les films et dramas coréens. Si avant l’homosexualité reposait toujours sur un quiproquo, aujourd’hui certains réalisateurs en parlent ouvertement et pointent du doigt les discriminations. L’inclusion des personnes LGBT+ dans les œuvres de fiction se fait de plus en plus à l’instar de Itaewon Class, Man on High Heels, Reply 1997 ou plus récemment Where Your Eyes Linger.
Sources : Rfi | Pvtistes | The Korea Times | Hankyoreh | Equaldex | The Korea Herald | Nqapia | Sogilaw