Le film coréen Burning a fait parler de lui bien longtemps avant sa diffusion. Après tout, il s’agit d’une adaptation du roman Les granges brûlées de Haruki Murakami, réalisé par Lee Chang Dong (Poetry). Puis Yoo Ahn In et Steven Yeun ont été annoncés au casting et le film fut sélectionné en compétition pour la Palme d’Or du Festival de Cannes 2018, achevant de le mettre sous le feu des projecteurs. À la sortie de ce thriller passionnel contemplatif, les avis divergent. Déception et ennui pour d’aucuns, Palme d’Or pour les autres. Retour sur ce long-métrage qui a reçu le prix FIPRESCI !
Informations
Titre original : 버닝
Titre anglais : Burning
Réalisation : Lee Chang Dong
Scénario : Lee Chang Dong, Oh Jung Mi
Genres : thriller, mystère
Date de sortie : 17 mai 2018 en Corée du Sud ; 29 août 2018 en France
Durée : 2 h 27
Synopsis
Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, tombe par hasard sur Haemi, une jeune fille qui habitait auparavant son quartier. Elle lui demande de s’occuper de son chat pendant un voyage en Afrique. À son retour, Haemi lui présente Ben, un homme mystérieux qu’elle a rencontré là-bas. Un jour, Ben révèle à Jongsu un bien étrange passe-temps…
Distribution des rôles
Le personnage principal Lee Jongsu est interprété par Yoo Ah In, qui s’est imposé assez rapidement dans le monde du divertissement sud-coréen depuis ses débuts en 2003.
La charmante Haemi, touche féminine de l’histoire, est apportée par Jun Jong Seo, nouveau visage sur la scène sud-coréenne : elle fait ses premiers pas à l’écran avec Burning.
L’énigmatique Ben est joué par Steven Yeun, le célèbre Glenn de la série The Walking Dead et déjà aperçu lors du Festival de Cannes avec le film coréen Okja.
Bande-annonce
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Burning met le feu avant ses débuts
Avant même que les premières images ne soient dévoilées, Burning s’impose comme un film à visionner, d’une part en raison de l’œuvre originale dont il découle, d’autre part du fait du réalisateur.
L’écrivain japonais contemporain Haruki Murakami est un auteur de romans à succès qui cumule prix et distinctions. Sa nouvelle Les granges brûlées (納屋を焼) paraît en 1983 au Japon et peut être lue en France dès 1998 dans le recueil L’éléphant s’évapore (Éditions Seuil), réédité chez Belfond en 2008. C’est Lee Chang Dong qui transpose l’histoire en Corée du Sud, et son œuvre est attendue avec impatience. En effet, il avait déjà été primé à Cannes en 2010 avec Poetry. Burning marque ainsi son retour dans le 7e art, huit ans après sa dernière réalisation. Autant dire que ces noms ont suffi à susciter l’intérêt des passionnés de l’Asie !
Les noms du casting ajoutent également à l’attrait du film. Certes, Yoo Ah In a perdu en popularité auprès du public sud-coréen après de récentes controverses (en 2017, il a été exempté de service militaire pour raison médicale, puis accusé d’antiféminisme). Néanmoins, son nom a pris de plus en plus d’ampleur chez les dramavores internationaux, notamment après le drama Sungkyunkwan Scandal en 2010 et le film Veteran de Ryu Seung Wan (2015). Enfin, l’acteur américano-sud-coréen Steven Yeun, connu pour avoir incarné Glenn Rhee dans The Walking Dead, finit de rallier le public international.
Burning, un thriller contemplatif
Vu la médiatisation du film, il ne m’en fallait guère plus pour me convaincre de tester cette œuvre un jour ou l’autre. Aussi, lorsque j’ai eu vent d’une avant-première programmée en salle lyonnaise en juillet 2018, je m’y suis assurément rendue. Il me fallait à tout prix découvrir ce qui a valu à Burning le prix FIPRESCI attribué chaque année par la presse internationale à Cannes.
La trame est tissée autour de trois personnages on ne peut plus différents les uns des autres. Nous avons ainsi le doux et timide Jongsu, l’extravertie et sauvage Haemi et le riche et charismatique Ben. L’histoire commence de façon classique. Nous suivons l’aventure romantique de Jongsu et de Haemi, jusqu’au jour où elle rentre de voyage accompagnée de Ben, son nouvel ami bien énigmatique. S’enclenchent alors des événements mystérieux. De ce fait, le récit prend des dimensions plus critiques : lutte des classes sociales, critique du monde urbanisé et capitaliste, etc.
Une oeuvre pleine de mystères et de non-dits
L’œuvre originale Les granges brûlées de Murakami est une nouvelle quelque peu déconcertante : elle est pleine de mystères, mais il ne s’y passe pourtant pas grand-chose. Son adaptation cinématographique est ainsi parsemée de trous qui dérobent le lecteur de réponses. En effet, elle regorge assurément de mystères et de non-dits. Une grande majorité de l’intrigue repose d’ailleurs sur les illusions. Entre les récits, les objets mimés et des animaux jamais aperçus, l’audience imagine et doute. Même les théories ne sont jamais confirmées. Tout porte à croire que nous détenons les bonnes réponses, mais en fin de compte, rien ne le confirme vraiment. L’intrigue reste ambiguë.
Il suffit de discuter avec autrui pour s’apercevoir que chacun s’est fait une idée différente du message véhiculé par Burning. D’aucuns ont pensé visionner un film sur le trafic d’organes. Cela expliquerait le tournant de l’histoire et la fortune d’un personnage. D’autres y ont vu une parabole sur la situation des deux Corées. Autant de réponses que de questions, en somme, et les téléspectateurs sont nombreux à quitter la salle de projection dans un certain état de perplexité. En fin de compte, Burning est plus un thriller passionnel contemplatif qu’un film de suspens.
Une belle cinématographie qui comble des longueurs scénaristiques
La scénariste Oh Jung Mi et le réalisateur Lee Chang Dong ont largement joué sur cet enchaînement bancal pour produire une œuvre très cinématographique. « Ce mystère recèle une dimension très cinématographique. On allait pouvoir en faire quelque chose de plus grande ampleur et de plus complexe. Ces trous béants dans l’enchaînement des événements, la pièce manquante qui nous empêche de connaître la vérité, font référence au monde mystérieux dans lequel nous vivons aujourd’hui, ce monde dans lequel on sent bien que quelque chose ne va pas, sans pourtant réussir à expliquer précisément de quoi il s’agit. » avait reconnu Lee Chang Dong.
S’il y a une chose qu’on ne peut reprocher à Burning, c’est la beauté des longs plans fixes et des plans séquences qui traduisent fort bien les mystères auxquels l’audience est soumise. Le décor révèle aussi les paysages magnifiques de Paju où grondent continuellement les haut-parleurs nord-coréens de propagande. Toutefois, si je trouve l’œuvre très poétique en rétrospective, j’admets m’être ennuyée lors du visionnage. Malgré une mise en image efficace, je n’ai pu m’attacher à Jongsu et Haemi que j’ai trouvé dénués d’intérêt. Ils apparaissent isolés, sans présentation et sans entourage. La relation apparemment forte qu’ils développent est à mes yeux terne et sans réel fondement.
Par ailleurs, les trous dans le développement sont si béants qu’ils ne suscitent en moi qu’effarement. Tout est vraiment dans l’esquive. Certes, les détails et les mots apparemment anodins prennent graduellement tout leur sens. Puis l’atmosphère se fait de plus en plus chargée, pour finir sur une scène que j’ai trouvée imprévisible. Cependant, la tension progressive ne m’a pas convaincue car les longueurs ont réduit petit à petit mes attentes vis-à-vis du final glaçant.
Conclusion
Le film est certainement très poétique, à condition d’en saisir toutes les métaphores. Si l’envie vous en prend, à votre tour de vous faire votre propre avis sur Burning qui sort mercredi prochain en salles de cinéma françaises !
Sources : Les Échos | Allociné | Festival de Cannes
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