Le vendredi 9 Février s’est tenue la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang. KoreasOwls vous aide à mieux comprendre tous les symboles cachés et les références secrètes de cette cérémonie.
La culture coréenne à l’honneur
La cérémonie s’est ouverte sur le deuxième trésor national coréen : la cloche divine du roi Seongdeok (성덕대왕신종). Si les Américains croiront y reconnaître la Cloche de l’Amitié (우정의 종) offerte en 1976 aux États-Unis (ce qui aurait été un très joli symbole), il s’agit, en réalité, de la plus ancienne cloche coréenne découverte à ce jour. Elle date de 771 ap.JC. Au son de la cloche ancestrale s’ouvre un spectacle grandiose qui retrace l’histoire de la Corée. Cinq enfants symbolisant les couleurs du drapeau olympique mais aussi les éléments primaires orientaux (l’eau, le feu, l’air, la terre et le métal) nous guident dans ce voyage. Ils se rendent tout d’abord dans une grotte qui contient les trésors de l’histoire coréenne.
On aperçoit ainsi le globe céleste Honcheonhui (혼천의, 渾天儀) de Jang Yeong Sil, le bateau tortue Keobukson (거북선; 龜船) du général Yi Sun Sin, la couronne du royaume de Shilla, l’observatoire astronomique Cheomseongdae instauré par la reine Seon Deok, l’alphabet coréen Hangeul inventé sous le roi érudit Sejong. Le Chollima, cheval ailé symbolisant le talent et la rapidité, fait aussi son apparition. Par ces allusions aux innovations technologiques passées, la Corée rappelle sa longue histoire savante et érudite. Elle raconte le caractère ambitieux, talentueux et persévérant de son peuple. Les enfants arrivent devant l’immense fresque néolithique d’où jaillit le tigre blanc, symbole de la nation coréenne.
Le tigre est l’un des animaux fondateurs de la Corée. On le retrouve dans le mythe de Tangun, fondateur du premier royaume coréen, Gojoseon (-2333 à -108 AC), au côté de l’Ours Ungnyeo (웅녀/熊女). Les deux animaux mythiques sont symbolisés, pendant les JO, par les mascottes Soohorang(수호랑) et Bandabi (반다비).
Mais pourquoi un tigre blanc ?
Dans la culture coréenne, le tigre est un animal dangereux, à la fois puissant et violent. Le tigre blanc est un tigre qui a surmonté les épreuves et les tribulations et comprend le monde. Bien que ce soit une créature sacrée qui ne nuit pas aux gens, elle se fâche lorsque le dirigeant du pays mène des actions mauvaises et inhumaines. Par conséquent, on dit que les gens puissants deviennent humbles et que les gens riches deviennent généreux quand un tigre blanc apparaît. Cette allusion renvoie évidemment à la récente destitution du gouvernement de Mme Park Geun Hye en 2017. Le tigre rappelle au monde la vigilance du peuple coréen quand aux abus des puissants et sa volonté de justice.
Ce tigre blanc guide donc les cinq enfants pour fonder la nation coréenne. Le paysage s’anime sur une carte où les quatre points cardinaux – symbolisé par le phénix (Sud), la tortue (Nord), le dragon (Est) et le tigre (Ouest) – se positionnent. Ces divinités sont les Quatre Gardiens Célestes. Les créatures célestes de la mythologie coréenne défilent alors dans ce paysage montagneux pour fonder la Corée. On aperçoit entre autres la vache, le cerf, le chien, la mante religieuse, la fleur de lotus, des arbres sacrés (pin, bambou etc.) et de nombreuses divinités primaires de la mythologies coréennes.
Des danseuses vêtues de tenues de l’époque de Goguryeo (-37 à 668 AC) apparaissent suivies d’une chimère divine et se placent au centre de la scène. On suppose qu’il s’agit du roi céleste de la mythologie coréenne. Les enfants se rassemblent autour d’elle alors que les Quatre Gardiens Célestes tournent en cercle. L’histoire du peuple coréen commence sous la protection et la légitimité des êtres célestes. La Corée envoie un message fort de légitimité, d’ancienneté et de grandeur.
Après cette introduction, le président Moon Jae In, accompagné par le président du comité international des Jeux Olympiques Thomas Bach, apparaît dans la tribune officielle.
Un deuxième spectacle rythmé !
L’ouverture continue avec un deuxième spectacle qui met à l’honneur la musique et la danse traditionnelle coréenne. Au centre, des joueuses de janggu, habillées aux couleurs du samulnori, forment un cercle autour duquel des danseuses en hanbok dansent en tambourinant. Peu à peu elles forment le Taegeuk 태극 symbolisant l’équilibre entre les forces Ung 응 et Yang 양 – qu’on connaît en France sous les titres chinois Yin et Yang. Et quoi de mieux que la musique et la danse, la rencontre du geste et du son, pour évoquer les énergies fondamentales du taoïsme. En faisant cela, les artistes annoncent l’arrivée du Taegeukgi (태극기), le drapeau sud-coréen porté par des athlètes du pays du matin frais.
Le lever du drapeau est opéré par des hommes habillés aux couleurs de la garde royale du royaume de Joseon (1392-1910). L’hymne national coréen est alors chanté par la chorale Rainbow composé d’enfants étrangers et métis. Par ce symbole fort, la Corée réitère sa volonté d’être une nation ouverte, à la fois fière de son histoire nationale et prête à devenir un pays multiculturel.
Le Défilé des Nations :
98 pays au total sont aux rendez-vous pour le défilé, un nombre supérieur à celui de Sotchi où 88 pays avaient fait le déplacement. Particularité pour les Russes, les athlètes ont dû défiler sous le drapeau du CIO et non Russe en raison du scandale de dopage qui avait éclaté à la fin des jeux il y a 4 ans, ce qui avait valu à la Russie d’être sanctionnée. Six nouveaux pays participent pour la première fois aux jeux d’hiver. Il s’agit de l’Equateur, de l’Érythrée, du Kosovo, de la Malaisie, du Nigeria et de Singapour. Les pays ont défilé selon l’ordre de l’alphabet coréen.
ㄱ(k/g) ㄴ(n) ㄷ(d) ㄹ(r/l) ㅁ(m) ㅂ(p/b) ㅅ(s/ch) ㅇ(h) ㅈ(j) ㅊ(dj) ㅋ(k) ㅌ(t) ㅍ(f/p) ㅎ(h)
La plupart des tenues de la cérémonie d’ouvertures des Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang ont été réalisées par la styliste Geum Ki Sook (금기숙).
Le progrès technique : élément essentiel de la cérémonie
À la fin du défilé, un film révèle la beauté des paysages coréens. La voix du chanteur de minyo, Song Sung Ho (송승호), emplit l’air alors qu’il entonne le célèbre Arirang. Chant séculaire aux multiples variations, Arirang est un hymne aux sentiments Han (한). Sorte de spleen coréen, le Han est un sentiment difficile à traduire en français. Il est à la croisée de la nostalgie frustrée, de l’affliction mélancolique, du regret désespéré et de l’attachement.
Tandis que la voix du chanteur s’élève, les enfants glissent à bord d’une barque sur un fleuve sombre et inquiétant. Ils arrivent finalement dans un nouveau paysage où les technologies et les rêves de futurs abondent. Ils sont désormais les symboles d’une nouvelle génération sur laquelle le pays fonde ses espoirs. Ainsi, très subtilement, la Corée raconte les heures noires de son pays. L’extrême pauvreté et la dureté de la vie qui, enfin, laissent place à une ère d’abondance et de progrès.
Cette ère de progrès est symbolisée par le rectangle qui évoque la silhouette des smartphones (et, discrètement rappelle le développement technologique de la Corée via ses grandes marques telles que Samsung, LG, Hyundai…) mais aussi les portes ouvertes sur l’avenir à la fois pour le pays et pour ses habitants.
Les rêves personnels sont donc mis à l’honneur au profit du développement de la communauté coréenne. Cette image représente assez bien la mentalité coréenne où l’effort individuel doit et va se répercuter positivement sur la société. Au passage, on note les métiers d’excellence en Corée. Médecin, artiste-designer, star, architecte, érudit sont des métiers qui – dû à la culture confucéenne – sont très bien perçus et appréciés.
La paix au centre de la seconde partie de la cérémonie
Ensuite, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pyeongchang a accueilli le président du CIO, Thomas Bach, et le président du comité d’organisation de Pyeongchang Lee Hee Beom, qui ont tenu un discours sur la paix et l’intégrité dans les jeux.
Le président Moon Jae In a alors lancé officiellement le début des Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang. Après quoi, la cérémonie a continué sur un émouvant appel à la paix. Entourés de colombes de lumières, quatre chanteurs (Ha Hyun Woo, Lee Eun Mi, Jeon In Kwon et Ahn Ji Young) ont entonnés Imagine de John Lennon. Ce moment est sûrement le plus beau de la cérémonie.
Puis des drones lumineux se sont envolés vers la piste pour accompagner la descente aux flambeaux des snowboarders, un moment impressionnant à voir !
Enfin, le moment tant attendu par tous est arrivé : l’entrée de la flamme olympique dans le stade. La flamme arrive dans les mains de Shun Lee Kyun, une athlète possédant deux médailles d’or en patinage de vitesse piste courte. Elle délègue ensuite le flambeau à Park Hin Bee, championne olympique en golf aux jeux de Rio en 2016. Cette dernière la passe au footballeur Anh Jung Hwan très connu dans le monde du foot grâce notamment à son but en or marqué face à l’Italie en huitième de finale lors de la coupe du monde de 2002. La relève est ensuite assurée par deux jeunes hockeyeuses, la nord-coréenne Jong Su Hyon, et la sud-coréenne Park Jong Ah. Ensemble, elles vont gravir les marches et donner la flamme à la championne olympique de patinage de Vancouver, Kim Yuna qui, après un petit tour de patin, allume la vasque ; vasque qui ressemble fortement aux « Jarres de Lune » qui firent la renommée et l’excellence de la dynastie Joseon. Cette dernière restera allumée jusqu’à la fin des jeux.
La cérémonie se termine alors après un dernier spectacle pyrotechnique qui en met plein les yeux et donne de la couleur au ciel noir de Pyeonchang.
Rien n’aurait pu laisser croire que la cérémonie serait aussi réussie ! En effet, depuis l’an dernier et la révélation du « Choigate » qui a entraîné la destitution de la présidente Park, toute l’organisation des J.O a été chamboulée. Surtout qu’à la dernière minute, la Corée du Nord a finalement accepté de participer aux jeux ce qui, là aussi, a engendré de nombreuses conséquences sur l’organisation des Jeux à moins d’un mois de la cérémonie.
Les Sud-Coréens ont prouvé malgré tout ces obstacles qu’ils avaient les épaules pour ces Jeux Olympiques. Cette cérémonie d’ouverture s’est révélée d’une très grande puissance symbolique. La Corée a montré d’où elle venait et où elle allait. Même sans tous les codes, les spectateurs auront été ému par l’ambitieux spectacle et les prouesses techniques qu’ils ont observés. Les différents tableaux ont su montrer l’équilibre entre la culture, la tradition encore très importante en Corée et l’innovation, la technologie qui définit aujourd’hui la Corée du Sud et sa place comme l’un des pays les plus développés au monde.
Surtout, malgré les fortes tensions avec la Corée du Nord, la Corée du Sud est parvenue à mettre en avant les valeur d’ouverture et de paix sur sa deuxième partie de cérémonie, un moment émouvant qui ne sera pas si vite oublié par le public, les médias et les Coréens. Il ne nous reste plus qu’à savourer ces deux semaines de compétition et attendre la cérémonie de clôture qui promet également d’être très émouvante.
Article de Sammin.
4 Comments
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merci pour ce décodage essentiel pour savourer pleinement cette cérémonie d’ouverture et mieux comprendre les codes culturels coréens, bien au delà des clichés simplistes. La compréhension de l’autre nous rend plus humain.
merci pour ce décodage essentiel pour savourer pleinement cette cérémonie d’ouverture et mieux comprendre les codes culturels coréens, bien au delà des clichés simplistes. La compréhension de l’autre nous rend plus humain.
C’est un plaisir ! Ravie que cela vous ai plu. On continuera avec la cérémonie de clôture et, qui sait, les cérémonies des Jeux Paralympiques. N’hésitez pas si vous avez des questions.
C’est un plaisir ! Ravie que cela vous ai plu. On continuera avec la cérémonie de clôture et, qui sait, les cérémonies des Jeux Paralympiques. N’hésitez pas si vous avez des questions.