Grand inventeur de l’ère Joseon, Jang Yeong Sil (장영실, 蔣英實) est né vers 1390. Bien que son père fut un yangban et occupa des fonctions ministérielles sous la dynastie Goryeo, sa mère était une kisaeng. Jang Yeong Sil appartenait donc à la caste des chonmins et ne pouvait prétendre à quelques positions d’état. Grâce au service civil national établi par le roi Sejong, Jang Yeong Sil put entrer au service du palais royal. Il y créa un globe céleste, des horloges à eau automatisées, des cadrans solaires et des pluviomètres.
Biographie
Un chonmin talentueux
Fils d’un noble, Jang Yeong Sil a eu une jeunesse éduquée. Même si sa basse naissance ne lui permettait pas de prétendre à un quelconque poste ministériel, il put présenter ses talents d’ingénierie devant le roi et ses conseillers. En effet, la jeune dynastie Joseon cherchait à mettre fin à la période de chaos et de troubles politiques en valorisant la recherche et le mérite.
Grâce au service national civil, Jang Yeong Sil put intégrer l’institut de recherche royal Jiphyeonjeon (집현전, 集賢殿). Il y conçut de nombreux objets météorologiques pour améliorer les récoltes mais aussi des armes et des presses d’imprimerie. Alors qu’il travaillait sur une horloge à eau mandatée par le roi, il partit pour un voyage d’études en Chine. Il ne revint que 14 ans plus tard, en 1434, et fabriqua la première horloge à eau coréenne, le Jagyeokru (자격루).
La malheureuse affaire de la chaise brisée
La confiance qu’accordait le roi Sejong à Jang Yeong Sil attira bientôt les convoitises et la jalousie. En effet, nombre de yangbans n’aimait pas qu’un simple chonmin pût obtenir tant de résultats et les faveurs du roi. Et ce d’autant plus que les confucianistes apprenaient à dédaigner les scientifiques, les ingénieurs et les artisans en opposition aux sages et aux lettrés.
La carrière de Jang Yeong Sil au sein de la Cour royale s’acheva en 1442. Le roi Sejong avait fait ordonner la conception d’une chaise à porteurs Gama. La chaise qu’avait créée Jang Yeong Sil se brisa alors que le roi voyageait dessus. Tenu pour responsable, l’inventeur fut banni par décret et ce malgré la volonté du roi qui souhaitait le garder près de lui. On ignore bien des choses après son renvoi du palais. Plusieurs historiens supposent qu’il mourut durant le règne du roi Sejo entre 1455 et 1468.
Les inventions de Jang Yeong Sil
Le globe céleste
La première commande que le roi Sejong fit à Jang Yeong Sil fut la réalisation d’un globe céleste. En 1433, après une année de tentatives, l’inventeur créa le premier Honcheonhui (혼천의, 渾天儀). Son fonctionnement se base sur une roue hydraulique qui, en tournant à l’intérieur du globe, permet d’indiquer le temps de jour comme de nuit. Il fut placé dans le pavillon Gyeongnghoeru du palais Gyeongbok d’où les astronomes l’utilisaient.
Reproduction et schéma d’un globe céleste Honcheonhui créé par Jang Yeong Sil
La presse
L’imprimerie à caractère mobile fut inventée par Choe Yun Ui (최윤의) en 1234 sous la dynastie Goryeo. Toutefois, le roi Sejong trouvait qu’elle était encore trop lente. Il demanda aux savants du Jiphyeonjeon de l’améliorer. En 1434, ils présentèrent au roi la presse Gabinja (갑인자,甲寅字). Faite à partir d’un alliage de cuivre, de zinc et d’étain, elle était deux fois plus rapide que les machines traditionnelles. On dit aussi que l’impression des hanjas (caractères chinois) était d’une beauté et d’une clarté stupéfiantes. Le Gabinja fut reproduit six fois durant les 370 ans qui suivirent sa création.
Pièces conservées de la presse Gabinja
L’horloge à eau
Les horloges à eau qui étaient utilisées depuis l’époque des trois royaumes présentaient plusieurs désavantages. Elles nécessitaient notamment la présence constante d’une personne pour annoncer l’horaire indiqué par l’horloge. Aussi le roi ordonna la création d’une horloge automatique. Jang Yeong Sil partit pour la Chine afin d’étudier plusieurs types d’horloges à eau. À son retour en 1434, il fabriqua le Jagyeokru (자격루). Basée sur un système complexe de boule et de poids, l’horloge ne survécut pas à l’histoire, mais aujourd’hui, on peut retrouver plusieurs reconstitutions à partir des textes historiques.
Reproduction et schéma de l’horloge à eau Jagyeokru
Le cadran solaire
L’horloge à eau inventée par Jang Yeong Sil était très complexe et coûteuse. Aussi les savants Jang, Ichun, Kimjo développèrent ensemble plusieurs cadrans solaires. L’Angbu Ilgu (앙부일구; 仰釜日晷), le Hyeonju Ilgu (현주일구, 懸珠日晷) et le Cheonpyeong Ilgu (천평일구, 天平日晷) virent ainsi le jour. Pour s’assurer que les roturiers analphabètes pourraient lire les heures bien qu’ils ne sachent pas lire les hanjas, on fit graver sur les cadrans des figures animales. Malheureusement, tous les cadrans solaires fabriqués à cette époque furent perdus durant la guerre Imjin et l’invasion japonaise.
Les trois types de cadrans solaires développés par Jang Yeong Sil. De droite à gauche : Cheonpyeong Ilgu, Hyeonju Ilgu, Angbu Ilgu
Le pluviomètre
Pour enrayer les problèmes d’agriculture, le roi Sejong ordonna la création d’outils pour gérer l’eau. Jang Yeong Sil fabriqua ainsi le premier pluviomètre coréen, le Cheugugi (측우기, 測雨器), en 1441. L’invention fut installée aux quatre coins du royaume pour recueillir des données sur la pluviométrie des différentes régions. La même année, il conçut une jauge à eau appelée Supyo (수표, 水標) qui permettait aux paysans de connaître la quantité d’eau disponible.
Deux inventions de Jang Yeong Sil pour améliorer la gestion de l’eau. De gauche à droite : Cheugugi et Supyo
Jang Yeong Sil fut aussi mandaté pour travailler sur le développement de l’armement coréen. En effet, durant sa jeunesse, il était Gwanno (관노, 官奴), esclave d’état, et avait appris les techniques de fonte. Il se rendit dans la province de Gyeongsang (경상) où il encadra les travaux et recherches sur de nouveaux alliages.
Jang Yeong Sil au cinéma
Jang Yeong Sil de nos jours
Aujourd’hui, Jang Yeong Sil reste une figure importante de la mémoire coréenne. Sorte de Léonard de Vinci coréen, sa basse naissance et la position qu’il occupa font de lui une figure moderne et rare que la Corée contemporaine aime à investir.
Son appropriation récente correspond à un moment de l’histoire coréenne où les sciences, l’ingénierie et la méritocratie sont valorisées et où le règne du roi Sejong est montré comme une période faste et innovante. Pour autant, les honneurs n’ont pas toujours accompagné ce personnage et ce malgré les incroyables inventions qu’il développa.
Sa mort anonyme puis la disparition de la plupart de ses inventions révèlent une partie des paradoxes de l’ère Joseon et du néo-confucianisme. Cette philosophie porta en son sein nombre de transformations et d’améliorations dans l’organisation sociale de la péninsule mais elle fut aussi le terreau conservateur des hautes classes de lettrés.
Jang Yeong Sil n’y échappa pas mais on se souviendra de lui comme d’un brillant savant qui contribua au rayonnement du Pays du Matin Frais.
Source : Revolvy
Article rédigé par Casado Hélène.
toujours ravie d’en apprendre plus sur ceux qui participent à l’amélioration de la vie de leurs contemporains
toujours ravie d’en apprendre plus sur ceux qui participent à l’amélioration de la vie de leurs contemporains