Au-delà d’une histoire d’amour entre deux artistes dans la tourmente, Hymn of Death plonge dans une époque troublée où l’art est une arme au service de l’émancipation et de la liberté. Adaptation du film The Death Song de 1991 et tiré de faits réels, ce drama donne sa vision réaliste de l’occupation japonaise de la Corée dans les années 1920.
INFORMATIONS
Titre original : 사의 찬미 (Praise of Death)
Titre anglais : The Hymn of Death
Pays : Corée du Sud
Réalisation : Park Soo Jin
Scénario : Jo Soo Jin
Genres : drame, historique, romance
Année : 2018
Durée : 3 épisodes de 50 minutes environ
Chaînes : SBS, Netflix
SYNOPSIS
Dans les années 1920, alors que la Corée est occupée par le Japon, Kim Woo Jin, jeune dramaturge coréen qui fait ses études de littérature à Tokyo, rencontre Yun Sim Deok, la future première cantatrice de Corée. Bien que déjà marié, le jeune homme tombe amoureux de la chanteuse et l’embarque dans sa troupe pour jouer une pièce subversive à l’égard du gouvernement japonais, créant un des premiers mouvements de résistance artistiques coréens. Si le destin les a fait se rencontrer, tout semble vouloir les séparer.
BANDE-ANNONCE
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CASTING
CRITIQUE DU DRAMA
Travail de l’image et finesse de la réalisation
Rendre compte d’une époque précise est un travail compliqué quand il s’agit de la porter à l’écran. Comment donner une certaine atmosphère sans verser dans l’anachronisme ou sans tomber dans les clichés habituels en matière de vieillissement et de traitement de l’image ? Il arrive que l’on voie certains films qui ternissent un peu le rendu de l’image pour donner l’illusion d’une époque maintenant révolue. Généralement, le résultat est au détriment de la qualité du film et il ne porte pas toute l’énergie qu’il faudrait. L’image est très importante dans une oeuvre cinématographique et elle vient se hisser à la hauteur du scénario et de la qualité du jeu d’acteurs.
C’est une des premières choses qui frappent dans Hymn of Death : la qualité du traitement de l’image. Tout est fait en subtilité, sans que rien ne soit vraiment trop forcé. Tout est dans les détails, que ce soit le grain qui donne cette impression de vieillissement ou dans l’utilisation de la lumière qui n’est jamais faite au hasard. Hymn of Death nous place en pleine période d’occupation japonaise du pays, on pourrait donc imaginer que la réalisation privilégie une image sombre et plombante. Pourtant, on est surpris de trouver tout du long un clair-obscur qui soutient parfaitement les événements tragiques comme heureux du drama. Rien n’est jamais tout sombre, ni trop lumineux et on peut saluer ce choix de réalisation qui participe à nous immerger dans l’ambiance de l’époque. Plus que ne l’aurait fait un trop-plein de sépia qui aurait à coup sûr gâché une bonne partie de l’histoire.
Une des forces de ce drama, c’est qu’il réussit à condenser les quelques années communes de Woo Jin et Sim Deok en trois épisodes, en tombant rarement dans les longueurs, que ce soit dans la réalisation ou dans le scénario. J’ai personnellement été très touché par la poésie qui se dégage de la mise en scène. On est véritablement plongés dans l’univers des deux artistes et au coeur des tourments qui tentent de les séparer. La poésie ne passe pas que par les mots. Les images et la façon dont le drama est tourné rendent tout aussi bien la lourdeur de l’époque et l’espoir qui renaît par le biais de l’art. Tout se fait en finesse, sans grande utilisation de clichés cinématographiques, surtout quand il s’agit de la romance entre les deux protagonistes. Une chose qui est à noter, c’est aussi le fait que l’on n’a pas une représentation exagérément diabolique de l’occupant japonais. Certes, une grande partie du drama tourne autour de la résistance à l’occupation et le sentiment de fierté nationale, le tout véhiculé par l’art. Toutefois, on reste très loin des raccourcis que l’on peut trouver dans certains films historiques et de guerre occidentaux.
Si je dois retenir les éléments qui m’ont vraiment accroché dans Hymn of Death d’un point de vue de la réalisation, je dirais la beauté de la lumière et de la colorimétrie, et la poésie de la réalisation qui nous embarque vraiment dans son univers.
La place de l’art
L’art a une place essentielle dans ce drama et c’est ce qui le rend très intéressant à mes yeux. Mêlant théâtre, poésie et musique, Hymn of Death transforme l’art en une arme, et surtout en une fierté. S’ajoutant l’utilisation de la langue coréenne comme un signe de résistance.
Rien n’est laissé au hasard dans la façon dont les phrases sont prononcées et dont les dialogues se mêlent aux vrais textes des deux artistes. Ni comment les personnages choisissent de passer du japonais au coréen, ajoutant bien des interprétations à leur discours. Si la réalisation a un rythme particulier, les poèmes, extraits de pièces et chansons participent à ce rythme, offrant des bulles de magie au milieu de la tourmente.
On peut considérer ici que l’art est intradiégétique. C’est-à-dire qu’il est produit au sein de la fiction et qu’il a une incidence directe sur les protagonistes (contrairement à une bande-son qui elle est extradiégétique). Mais on peut aller au-delà de cette simple constatation. Parce qu’on parle de la vie de deux artistes, il est normal que la musique et la poésie soient présentes dans l’oeuvre. Toutefois, on voit dans ce drama à quel point l’art a impacté leurs vies. C’est par ce biais qu’ils ont pu se rencontrer, qu’ils ont pu résister, à un système, à leurs familles (surtout le père de Woo Jin incarné par Kim Myung Soo).
L’art comme arme. Mais c’est loin de n’être qu’un prête-nom pour combler le scénario. En effet, scénario et art se mêlent et savent laisser la place à l’un et à l’autre pour créer un enchaînement très cohérent. Bien que plusieurs chansons viennent agrémenter le récit, elles sont si bien intégrées qu’on n’a pas l’impression de voir une comédie musicale, ce que j’ai particulièrement apprécié. Au-delà de l’illustration d’un moment de l’histoire, on a l’illustration des sentiments des personnages, de leurs ressentis et de leurs destins. Cela rejoint ce que je disais à propos de l’art intradiégétique. Si la musique est dans la fiction elle-même, elle participe activement à l’immersion dans l’histoire. La bande-son du drama est d’une grande qualité elle aussi.
Que ce soit les morceaux instrumentaux ou les chansons, tout est fait pour nous transporter dans l’histoire. Là encore, tout est amené en douceur, accompagnant le rythme de la narration, sans grands morceaux orchestraux qui viendraient alourdir le tout. Si l’image de Hymn of Death a une certaine couleur, la musique également. Celle d’une lente complainte de résistance, de fierté et d’une acceptation de la fatalité malgré tout. Le point d’orgue de l’OST est bien entendu la chanson éponyme Praise of Death (ou Death Song), morceau réellement écrit par Yun Sim Deok, réenregistré pour l’occasion et dont je vous laisserai découvrir la vraie signification.
Je vous laisse ici un extrait de l’OST, Only My Heart Knows (가슴만 알죠), interprété par Sohyang, un des chefs-d’oeuvre de ce drama (attention, la vidéo contient des spoilers visuels de divers moments de l’histoire).
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La justesse de l’interprétation : raconter, émouvoir sans ennuyer
Ce n’est rien révéler que de dire que dès les premières scènes du drama, on sait comment l’histoire se termine. Le pari est donc de faire adhérer à une histoire dont on connaît déjà la fin. Selon moi, le pari est réussi. Si parfois les ellipses temporelles peuvent dérouter, le scénario et l’interprétation des personnages nous remettent rapidement sur les rails de l’histoire.
Étant un grand fan de School 2013, je ne pouvais être qu’heureux de voir la réunion de Lee Jong Suk (W-Two Worlds, Pinocchio, Romance is a Bonus Book), Shin Hye Sun (A Violent Prosecutor, Legend of The Blue Sea) et Lee Ji Hoon (Your House Helper, Legend of the Blue Sea). Mais avant de parler des acteurs principaux et surtout du duo Jong Suk/Shin Hye Sun, je voudrais souligner à quel point tout le casting est à la hauteur de ce que le drama propose.
Pendant trois heures, Hymn of Death propose plusieurs histoires annexes à celle des deux héros. Que ce soit la vie de leur troupe de théâtre, toute la scène politique et économique ainsi que les histoires de famille, le tout est porté par un très bon jeu d’acteur. Kim Myung Soo interprète parfaitement le père autoritaire devant faire preuve de force pour maintenir ses affaires à flot, avec sous entendu le sujet de la collaboration. La justesse de ses émotions et de la blessure qu’il ressent face au comportement de son fils (Jong Suk) est une des réussites du drama. Lee Ji Hoon campe lui le rôle du meilleur ami. Si lui aussi interprète très bien son rôle, on peut regretter qu’on ne lui laisse qu’une place de cliché de film romantique.
Bien entendu, c’est le duo Shin Hye Sun/Lee Jong Suk qui porte ce drama. Ils interprètent avec pudeur et sans exagération quelques années de la vie de deux légendes de la culture coréenne. Beaucoup de choses passent par leurs voix. C’est même le vecteur principal des émotions dans cette histoire, plus que les postures ou les regards. On se laisse facilement charmer par la ferveur de Woo Jin a réciter ses vers et par le chant de Sim Deok. Tous les deux sont touchants et profondément justes. Si certains reprochent à Jong Suk de ne pas sortir de son registre habituel, j’ai personnellement beaucoup apprécié la douce violence qui se dégage de son interprétation. Il ne nous livre pas le cliché du rebelle et c’est tout à son honneur. Shin Hye Sun elle est aussi loin du cliché d’un personnage juste présent pour que la romance puisse avoir lieu. Au contraire, elle livre une interprétation forte et elle porte une grande partie de l’intrigue quand il s’agit de faire face à l’adversité. Tous deux, ils arrivent à nous faire oublier l’histoire d’amour pour l’intégrer à la trame plus grande de la narration.
Points négatifs et conclusion
Pour résumer, Hymn of Death est un drama qui nous plonge dès les premières secondes dans son histoire. Servi avec une ambiance, une lumière et un rythme bien particulier, il met l’art au coeur de sa narration. Si le casting est une des forces du drama, on peut déplorer le fait que le rôle de la femme de Woo Jin, interprétée par Park Sun Im, ne soit que cantonné à un rôle secondaire sans qu’on laisse vraiment une chance à son personnage de se développer. Tout comme le personnage de Lee Ji Hoon qui reste un peu un cliché que l’on a déjà vu dans d’autres films de romance, ce qui n’enlève rien à la qualité de son jeu. Toujours concernant le jeu d’acteur, je disais que certains critiquent Jong Suk pour ne pas changer de style de jeu par rapport à ses rôles précédents. C’est un reproche qui lui est souvent fait et on se retrouve ici devant quelque chose de tout à fait subjectif et tout le monde peut se faire une opinion de l’interprétation d’un acteur. Personnellement, Jong Suk m’a beaucoup touché dans ce rôle.
Si j’ai trouvé le rythme de ce drama intéressant, il est parfois peut-être un peu trop rapide. On reproche à des oeuvres de faire preuve de longueurs, ici certaines ellipses rendent difficile l’appréhension de l’enchaînement des événements. On a alors le sentiment que le scénario veut presser le récit pour arriver plus vite à certains moments clés de l’histoire. On peut le déplorer tellement on aimerait pouvoir se plonger un peu plus dans la vie de ces deux personnages.
Au-delà de ces quelques points, Hymn of Death est un drama émouvant, qui nous fait redécouvrir une histoire vraie et passionnante. Le tout en dépeignant une époque troublée sans jamais se montrer caricatural ou trop lourd. Je vous recommande vivement de le voir ne serait-ce que pour l’intérêt historique et culturel qu’il présente.
Source : Asian Wiki
Article rédigé par Dahlia.