Pendant de nombreuses années en Corée, le divorce était un sujet tabou. Le parcours était simple : rencontrer quelqu’un, se marier, avoir des enfants et passer le reste de sa vie à ses côtés, peu importe les conflits. Cependant, la société coréenne n’a cessé d’évoluer depuis la fin de la guerre et les schémas familiaux se complexifient.
Un taux record
Depuis les années 70, le nombre de divorces en Corée augmente significativement. Les raisons sont multiples, l’ouverture sur l’occident laissant entrevoir de nouveaux modèles familiaux, une remise en question de la société conservatrice ou encore l’évolution des droits des femmes. Le schéma de réussite dans la vie change, les femmes ont tendance à mettre l’accent sur leur carrière plutôt que sur la famille dite « traditionnelle » ; à savoir se marier, faire des enfants et cesser toute activité professionnelle pour se consacrer à sa famille.
Le taux de divorce en Corée est tel qu’il place le pays à la tête du classement en Asie de l’Est, devant la Chine et le Japon. En 2018, le nombre de mariages en Corée chute encore alors que le taux de divorces augmente de 2,5% par rapport à l’année précédente, atteignant le chiffre de 108 700 divorces pendant l’année. Ces chiffres ne prennent pas en compte les couples ayant fait le choix de se séparer en restant mariés, aussi appelé « sortie de mariage ».
Les raisons du divorce évoluent en même temps que la société. Dans les années 80 et 90, la raison principale invoquée était les violences conjugales, alors que depuis les années 2010, les couples parlent davantage d’incompatibilité ou de changement de personnalité d’un des époux.
En observant les chiffres, on remarque un nombre élevé de demandes de divorce après les deux grandes fêtes en Corée, Seollal (nouvel an lunaire) et Chuseok (la fête des moissons). En effet, le nombre de divorces se multiplie par trois ! Un sondage du site Career a permis de mettre en lumière les trois principales raisons de cette hausse. En premier lieu, on trouve la confrontation avec la belle famille (21,8%), puis les différences de traitements entre les familles de conjoints (16.9%) et enfin l’organisation des voyages durant ces périodes qui est souvent source de tension dans le couple (15.8%). Lors d’une interview à ce sujet, une femme coréenne explique que ses vacances en famille font remonter les anciennes coutumes et mentalités coréennes qui sous-entendent que la femme est inférieure à l’homme.
Les hommes dans le viseur
La décision de demander le divorce est majoritairement à l’origine de la femme en Corée. La loi a d’ailleurs évolué ces dernières années pour les protéger. En 2015, une nouvelle loi voit le jour, interdisant aux époux infidèles de demander le divorce, la seule solution étant le consentement mutuel. La Cour Suprême coréenne justifie cette loi en expliquant que l’égalité entre les sexes n’était pas respectée, que le divorce à la demande du mari infidèle rendait les femmes plus vulnérables face aux conséquences d’une telle décision. La Corée ne rigole pas avec l’adultère, jusqu’en 2015 il était considéré comme un délit passible de prison.
Car en effet, le divorce n’est pas sans conséquence pour les femmes. Il arrive parfois que les pères disparaissent, abandonnant leurs enfants et de ce fait ne payant aucune pension alimentaire. C’est ce que dénonce le site « Bad Fathers » (mauvais pères). Créé dans le but de lutter contre cette conséquence du divorce, ce site dénonce les parents « mauvais payeurs » en affichant leur nom, âge et adresse. Cela aurait permis à 114 familles d’obtenir une pension alimentaire. Selon les chiffres, 4 parents célibataires sur 5 sont contraints d’élever leurs enfants sans soutien financier de leur ex-conjoint. Récemment accusé de diffamation, le créateur du site a été reconnu non coupable.
Le divorce n’est donc plus un sujet tabou en Corée à ce jour. Les couples n’ont plus peur de prendre cette décision qui n’est pas sans conséquences. Malgré tout, les lois évoluent et tendent à faciliter la vie après le divorce, notamment pour les époux ayant la garde des enfants. Il est à noter cependant que pendant que le taux de divorces augmente, celui des mariages diminue. Les jeunes tardent à se marier, pour des raisons économiques ou professionnelles, ce qui a pour conséquence une baisse de la natalité dans un pays où la population ne cesse de vieillir.
Sources : The Telegraph | South China Morning Post | KBS World | 20 Minutes | The Korea Bizwire | Statistics Korea