Les fortes chaleurs arrivent. Quoi de mieux pour se rafraîchir que de sortir son éventail ? De son appellation coréenne buchae (부채), il s’agit d’un accessoire pratique qui a toujours son petit effet quand il est décoré avec soin. Êtes-vous prêts à vous émerveiller devant ceux venant de Corée ? C’est parti !
Un accessoire en regain d’intérêt
Son utilisation dans la vie quotidienne
Si sa fonction principale est de créer une brise afin de se rafraîchir lorsqu’il fait chaud, l’éventail possède d’autres usages dans la vie quotidienne passée des Coréens. Communément, il protégeait aussi bien du soleil que de la pluie. Il servait à attiser le feu, chasser les insectes (notamment les moustiques) ou remplacer la natte pour s’asseoir par terre. Il fut aussi un moyen de déclarer son amour : sur la feuille, l’on pouvait calligraphier des poèmes à destination de l’être aimé.
Éventail pliant calligraphié et peint
Lors de la période Joseon (1392-1910), l’éthique confucéenne impose une grande discrétion aux femmes. L’éventail est un moyen de se protéger des regards, mais aussi d’observer en toute tranquillité, sans être vu. De même, lors du mariage traditionnel, les jeunes mariés peuvent s’en servir pour cacher leurs visages.
Qu’il s’agisse d’hier ou aujourd’hui, les chamanes utilisent toujours les éventails dans leurs pratiques rituelles. En plus des chants et des danses, il participe à chasser les esprits malfaisants et à éloigner le mauvais sort. On le retrouve également dans les mains de gwangdae, le comédien-chanteur du pansori. Avec un maniement et des gestes élaborés, les effets sont renforcés, sublimant ainsi la narration du récit.
Malheureusement, entre les périodes sombres de l’histoire coréenne et l’arrivée des climatiseurs et mini ventilateurs électriques, les éventails ont perdu de leur utilité. Le nombre d’artisans a fortement décliné. Mais à partir des années 1980, il regagne en intérêt grâce à son esthétisme et sa fonction « d’objet souvenir » pour les touristes.
L’éventail en tant qu’objet esthétique et folklorique
Le premier fait marquant est la création en 1954 de la danse de l’éventail, buchaechum. Kim Baek Bong, légende de la danse coréenne, s’est inspirée des danses rituelles des chamanes. Avec des mouvements fins et délicats, l’éventail rappelle les ailes des oiseaux, avec les plumes dont il est orné. Des pivoines roses sont peintes sur la feuille, donnant une caractéristique particulière. Le moment important de sa chorégraphie repose sur la reconstitution de l’hibiscus, fleur nationale de la Corée du Sud. Préalablement introduite en solo, cette danse est présentée pour la première fois en groupe à l’occasion des Jeux Olympiques de Mexico en 1968 avant de devenir un élément du folklore coréen.
Le 5e jour du 5e mois du calendrier lunaire est une date à cocher ! À l’approche du festival Dano, qui marque le début de l’été, la fabrication d’éventails est proposée aux participants. C’est une tradition issue de la dynastie Yi : le roi offrait à ses ministres et hauts dignitaires du palais de beaux éventails le jour de Dano. Il est aussi possible de fabriquer le sien lors d’événements et d’ateliers, en Corée du Sud ou ailleurs. Mais que vous repartiez avec votre création ou achetiez chez un artisan, l’éventail coréen possède de fortes particularités.
Les spécificités de l’éventail coréen
Il existe de nombreuses étapes pour fabriquer un éventail de haute qualité. Cela peut atteindre la centaine si l’on prend en compte la fabrication du papier coréen hanji, des tiges de bambou et du manche en bois. L’ensemble permet d’avoir un éventail résistant et peu sensible aux variations de température. Différents types existent. Selon la forme, la courbe, les dimensions et les motifs, il porte un nom différent. Les deux grandes catégories sont l’éventail rigide et pliant.
De forme circulaire et rigide, le danseon (단선) est le plus commun des éventails, utilisé par le peuple.
- Le taegeukseon est reconnaissable avec le taegeuk tricolore au milieu ou sur l’ensemble de la feuille, représentant l’humanité, la terre et le paradis. Il est utilisé pour représenter la Corée du Sud lors des événements internationaux.
- Le miseon a un manche ressemblant à une queue de poisson.
- L’éventail grue est appelé hakseon. Les tiges font penser aux ailes d’une grue, symbole de longévité.


Parmi les éventails pliants (jeopseon, 접선), le hapjukseon est le plus emblématique. Il se rapproche de celui que l’on connaît en Occident. Plus il possède de rayons en bambou, plus il est considéré précieux. Mais seul le roi en avait un à 50 tiges. Les textes calligraphiés ou les peintures sont faits par des artistes réputés de l’époque. Le stade de la coupe du monde de Jeonju est inspiré de la forme du hapjukseon. La ville est d’ailleurs un lieu connu pour abriter le Centre culturel des éventails, ainsi que des artisans de renom comme Kim Dong Sik. Je vous laisse avec une vidéo (seulement sous-titrée en anglais) montrant son travail.
Utilisé par les chamanes, le museon est fait avec des feuilles en soie. Des représentations de Bouddha ou de grands sages sont peintes avec des couleurs vives. Autre éventail reconnaissable : le yunseon. Il est particulier avec deux manches et s’ouvre en forme de roue.
Couverture du livre La Chamane à l’éventail d’Alexandre Guillemoz
Alors les Owlers, quelle option allez-vous prendre ? Fabriquer votre propre éventail avec les motifs de votre choix ? Ou bien craquer pour la qualité en privilégiant l’artisanat coréen ?
Sources : Revue Culture coréenne n° 26 | Korea JoongAng Daily
Sources photos : Peabody Essex Museum | Centre culturel des éventail de Jeonju | Yonhap News |
Sources vidéos : Chaîne YouTube KBS Jeonju | Chaîne YouTube Korean Heritage