Le candidat aux élections présidentielles sud-coréennes Lee Jae Myung est sous le feu des projecteurs pour avoir critiqué le président ukrainien à la suite de l’invasion de son pays par la Russie.
Si ces propos ont rapidement été récupérés par l’opposition politique, ils reflètent également la position du candidat dans le domaine de la politique étrangère sud-coréenne.
La guerre en Ukraine, depuis la Corée du Sud
Le 24 février 2022, l’armée russe attaque l’Ukraine. Cette violation du droit international est justifiée par Vladimir Poutine comme visant à protéger les séparatistes pro-Russie en Ukraine. Le 1er mars, un convoi militaire russe est envoyé sur la capitale ukrainienne Kiev, où résiste le président Volodymyr Zelensky.
En Corée du Sud, les autorités « condamnent fermement » l’invasion et « l’usage injustifié de la force », qui mène à la mort de nombreux innocents. Le pays appelle au respect de la souveraineté ukrainienne et de l’intégrité de son territoire, tout en prenant part à l’instauration des sanctions internationales. Le 28 février, des Coréens et des étrangers, dont des Russes, manifestent devant l’ambassade de Russie en Corée du Sud pour appeler à la fin de la guerre.
Propos controversés de Lee Jae Myung à l’égard du président Volodymyr Zelensky
Cette remarque du candidat issu du parti au pouvoir est prononcée lors d’un débat présidentiel le 25 février 2022. En voulant dénoncer le manque d’expérience du candidat conservateur Yoon Suk Yeol, Lee Jae Myung déclare qu’ « en Ukraine, un politicien novice de six mois est devenu président et a déclaré l’adhésion de son pays à l’OTAN, provoquant la Russie et menant finalement à une lutte armée ».
Erreur de communication ou stratégie politique ? Dans tous les cas, ces propos soulèvent un torrent de critiques sur les réseaux sociaux parce que le candidat ne blâme pas l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, mais en rejette la faute sur l’Ukraine.
Dans le contexte de la campagne présidentielle sud-coréenne, la récupération politique de ces propos est immédiate. Le candidat originellement visé par la déclaration, Yoon Suk Yeol, dénonce les propos de Lee Jae Myung, avant de s’excuser auprès de l’Ukraine « en tant que candidat aux élections présidentielles de la République de Corée ». Le lendemain, Lee Jae Myung s’excuse en expliquant que ses propos ont été mal interprétés.
Lee Jae Myung, les États-Unis et la Chine
C’est la première fois que l’actualité internationale prend autant de place dans un débat présidentiel en Corée du Sud. Mais, alors que les élections ont lieu le 9 mars et que le débat est à son paroxysme, pourquoi Lee Jae Myung a-t-il fait cette comparaison ?
De nombreux médias sud-coréens qualifient le candidat démocrate de pro-Chine, en citant un entretien accordé à un média chinois en 2017, dans lequel il affirmait vouloir revenir sur l’accord THAAD (une réponse de la Corée du Sud aux menaces des missiles nord-coréens, en coopération avec les Etats-Unis), à la demande de la Chine. Mais cette accusation peut être mise en doute, dans la mesure où la majorité des médias sud-coréens soutiennent généralement les candidats plus conservateurs.
En réalité, Lee Jae Myung a selon lui décidé d’adopter une politique étrangère « pragmatique ». Alors que Yoon Suk Yeol veut renforcer l’alliance entre la Corée du Sud et les Etats-Unis, le candidat démocrate désire que la Corée du Sud soit en position de neutralité à l’égard de la Chine et des États-Unis sur la scène internationale, afin d’exploiter leur rivalité. En effet, alors que les États-Unis sont un allié historique de la Corée du Sud, notamment dans le domaine de la sécurité, la Chine est aujourd’hui un partenaire commercial et stratégique, qui peut faciliter les contacts intercoréens.

Dans ce contexte, les propos critiqués de Lee Jae Myung peuvent illustrer l’indépendance à l’égard des États-Unis qu’il souhaite instaurer en Corée du Sud. Si celle-ci a rejoint les puissances occidentales dans l’émission de sanctions internationales à l’égard de la Russie, elle n’a pas encore mis en place ses propres sanctions. Une manière peut-être de ménager la Chine, qui accuse les États-Unis et l’OTAN de mettre de l’huile sur le feu en Ukraine.
Sources : The Korea Herald | The Korea Times (1)(2) | Stars and Stripes | This week in Asia | Korea JoongAng Daily
Source image : The Sun daily