Durant un séjour loin des villes de Corée du Sud, vous avez peut-être pu voir ces figures de bois, érigées près de villages. À la fois imposants et effrayants, les jangseung ont la particularité de ne pas avoir la même symbolique que ceux de civilisations plus connues dans ce domaine.
Description des totems
Fabriqués majoritairement avec du bois, ces poteaux mesurent trois mètres de haut. Selon la forme de l’arbre, les jangseung peuvent être droits ou courbés. Ils possèdent des yeux exorbités, un nez proéminent, une grande bouche avec des dents bien apparentes, voire pointues. Ils sont parfois pourvus d’oreilles et de chapeaux. Les totems sont laissés tels quels ou peints, avec des couleurs vives comme le rouge ou l’orange afin de souligner le côté horrifique. Une corde peut être attachée entre les différents jangseung. Dans les régions du sud (Jeolla, la province de Gyeongsang et l’île de Jeju), les totems sont en pierre comme les dolharubang, ces statues aux visages de grands-pères que l’on trouve à Jeju.
Les totems sont souvent associés par deux, un homme et une femme. Des inscriptions en chinois sont gravées ou peintes sur la partie inférieure du jangseung. Sur le totem masculin se trouve l’inscription « Cheonhadaejanggun » ; le totem féminin a pour inscription « Jihayeojanggun ». Ce sont deux divinités protectrices, respectivement le Grand Général servant sous les Cieux et la Femme Générale servant le Monde souterrain.
Vous pouvez les trouver à l’entrée d’un village ou d’un temple principalement. Mais ils sont également des repères géographiques : soit ils marquent une distance vers une destination, soit des limites à ne pas franchir. La corde évoquée plus haut est une interdiction de traverser. La fonction varie selon la région mais la symbolique chamanique reste essentiellement présente.
Jangseung, esprits gardiens et protecteurs
L’emplacement des totems et les inscriptions n’ont rien d’anodin. Les Coréens considéraient qu’ils empêchaient les mauvais esprits d’entrer dans le village, notamment ceux qui amènent les maladies et épidémies. Pour cela, les totems ont ces visages terrifiants pour faire peur à ces esprits qui possédaient les Hommes. Datant de l’époque des Trois Royaumes, les villageois priaient aussi afin d’obtenir la protection des deux divinités. Les femmes venaient prier dans l’espoir d’avoir un garçon.
Les villageois faisaient les jangseung eux-mêmes, d’où un travail non minutieux. La construction s’organise autour d’un festival le soir du 14e jour de la première lune. Des hommes, choisis pour l’abattage, escaladent la montagne. L’arbre du totem masculin est sélectionné parmi des arbres grandissant au soleil. Pour le totem féminin, c’est un arbre se développant à l’ombre. Des offrandes sont alors faites ainsi qu’un rituel. Une procession se met en place et le bois est transporté jusqu’à l’atelier de sculpture, celui pour le totem masculin placé au début. C’est également lui qui est posté en premier à l’entrée du village pour assurer l’harmonie entre les deux jangseung. Durant le festival, les villageois dansent et jouent de la musique, principalement des percussions. Un autre festival, annuel, est mis en place avec la présentation d’offrandes pour le rituel des dieux du village.
Les totems, un enjeu de préservation entre tradition et modernité ?
S’ils sont nombreux à l’époque des Trois Royaumes, les jangseung cessent peu à peu d’exister. D’une part, les progrès de l’éducation et de la médecine ont permis aux Coréens de prendre conscience que les mauvais esprits sont de l’ordre de l’imaginaire. Les totems représentent donc une superstition désuète. L’industrialisation et l’urbanisation des années 1970 et 1980 renforcent la disparition progressive.
Pourtant, les jangseung sont connus à l’étranger comme les « poteaux des démons. » Une réflexion s’organise autour de la préservation et de l’intérêt touristique d’une caractéristique propre à la Corée.
Il n’est donc pas étonnant d’en voir devant des magasins, hôtels et restaurants. Sur la montagne de Chilgapsan, un parc est entièrement dédié à ces totems. Vous pouvez y voir les plus grands jangseung, mesurant 11,5 m, ainsi que des répliques de totems issus d’autres cultures. Le festival annuel y est toujours organisé.
Si vous ne pouvez vous déplacer en Corée du Sud, il vous est possible d’en admirer au jardin coréen de Nantes, « la colline de Suncheon », présenté par le hibou Minido dans cet article.
Sources : KoreaTimes | KoreaTimes 2 | Encyclopedia of Korean folk culture | Encyclopedia of Korean folk culture 2 | Culture coréenne | Office de Tourisme en Corée du Sud