Oui, vous avez bien lu : le livre appelé « Jikji » est le premier à avoir été imprimé avec des caractères mobiles. Lorsqu’à l’école, on nous apprend que la Bible de Gutenberg est le premier livre imprimé dans le monde, c’est une erreur. Alors, allons voir ce qu’il en est réellement avec le Jikji !
Jikji, un livre bouddhique
Jikji est un recueil de leçons de philosophie bouddhique. Son réel titre est Baekwoon hwasang chorok buljo jikji simche yojeol (Anthologie des enseignements des grands moines bouddhistes). Initialement constitué de deux volumes, seul le second de trente-huit pages a été conservé. Un papier fin de mûrier a été utilisé pour sa fabrication.
Le moine bouddhique Baegun (1298-1374) a compilé le Jikji en 1372 avec son disciple sur la montagne Seongbulsan. C’est en 1377 que le livre est imprimé avec des caractères mobiles métalliques au temple Heungdeok à Cheongju. Initialement, les Coréens utilisaient la xylographie pour imprimer les différents ouvrages. Cette technique utilise des planches de bois où des textes et images sont gravés en relief pour l’impression. L’utilisation de caractères mobiles en métal existerait depuis 1234 en Corée. Au final, la Bible imprimée par Gutenberg arriva 78 ans plus tard que le Jikji, lui-même n’étant pas le premier livre imprimé avec des caractères mobiles mais le plus ancien qui soit encore existant à ce jour.
Conservation et postérité de l’anthologie
Actuellement, l’ouvrage est conservé à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Il a été ramené à la fin du 19e siècle de Corée par Victor Collin de Plancy, premier diplomate français en Corée. Il fut exposé lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900 et inclus dans la Bibliographie coréenne de Maurice Courant, interprète pour l’Ambassade de France à Séoul en 1890 et passionné par la littérature coréenne après recommandation de Victor Collin de Plancy. Henri Vever acheta le Jikji lors d’une vente aux enchères à l’hôtel Drouot en 1911 avec d’autres objets et livres de la collection coréenne de l’ancien diplomate. C’est en 1952 que le livre est donné à la BNF après la mort d’Henri Vever, selon son souhait.
L’année 1972 est symbolique pour le Jikji. Park Byeong Seon, une coréenne travaillant à la BNF, a réussi à faire reconnaître l’ouvrage comme le plus ancien livre existant imprimé avec des caractères mobiles métalliques pendant l’Année internationale du Livre. Le 4 septembre 2001, il fut inscrit dans le programme « Mémoire du Monde » de l’UNESCO (comme le fut le Tripitaka Koreana en 2007). Toujours par le biais de cette organisation, son Conseil exécutif approuva en 2004 la création du Prix UNESCO/Jikji Mémoire du Monde, récompensant ainsi des personnes ou des institutions qui participent à la préservation du patrimoine documentaire et à son accès.
Enfin, à la fin de l’année 2020, le Musée de l’imprimerie ancienne de Cheongju conçu un site sur le Jikji : disponible en 11 langues, vous pouvez en apprendre plus sur l’anthologie en elle-même, accéder à sa version numérique et sur l’imprimerie orientale et occidentale. La BNF a contribué au projet en fournissant les images. Un jeu, un webtoon et un film d’animation sont aussi présents sur le site pour apprendre d’une façon plus ludique.
Un retour du Jikji en Corée du Sud ?
« Pour la France, Jikji appartient à l’héritage mondial de l’Humanité et donc à ce titre, il n’est la propriété d’aucun pays » d’après les dires du professeur Barjot en 2015 lors d’une conférence internationale sur le Jikji. Pourtant, l’anthologie n’est jamais retournée en Corée depuis son arrivée en France, malgré les nombreuses demandes pour pouvoir la présenter aux habitants de Corée du Sud à travers des expositions. En novembre dernier, Hwang Hee, ministre de la Culture, des Sport et du Tourisme, rencontra notre ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, et renouvela la demande d’une coopération entre les deux pays.
Ce qui empêche ce projet d’aboutir est la peur que l’ouvrage soit saisi une fois en Corée du Sud et qu’il ne puisse revenir en France, car rien n’est inscrit dans la loi sud-coréenne à ce sujet. Il a été toutefois décidé fin novembre d’une analyse sur le papier utilisé pour le Jikji entre la ville de Cheongju, la BNF et le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS). La question d’un possible retour en Corée du Sud de l’anthologie semble compliquée face aux inquiétudes françaises…
Sources : Archives de la BNF | Site sur le Jikji | UNESCO | Yonhap News (1) (2) (3)
Sources images : Office du Tourisme coréen (1) (2) | Yonhap News