La loi sud-coréenne s’attaque au harcèlement professionnel. Mardi 16 juillet, un employeur a été sévèrement sanctionné à la suite du harcèlement au travail d’une de ses employées. Retour sur le procès et les évolutions législatives en cours en Corée du Sud.
Le harcèlement, une énorme prise de conscience
Le renvoi d’une employée après sa dénonciation de comportement harcelant sur son lieu de travail a provoqué un nouveau tollé alors que la Corée du Sud travaille sur l’évolution du cadre législatif sanctionnant les comportements abusifs. Une étude menée par la commission nationale des droits de l’homme en Corée du Sud avait alarmé par ses chiffres. Environ 70 % des employés disaient avoir été victimes d’intimidation de la part de leurs supérieurs et collègues de travail. Et 80 % en auraient été témoins.
Si les licenciements et les recours pour diffamation sont monnaie courante et ont dissuadé des décennies durant les victimes de porter plainte, les moeurs pourraient bien changer plus vite que prévu en Corée du Sud. En effet, depuis plusieurs années, l’opinion publique coréenne réagit avec un regard de plus en plus intransigeant aux comportements abusifs. D’autant plus lorsque ceux-ci sont véhiculés par une autorité.
Le concept de Gabjil (갑질) est devenu monnaie courante pour décrire des abus de pouvoir et des comportements outranciers de la hiérarchie. Les scandales à répétition et leur ampleur médiatique révèlent bien le ras-le-bol des Coréens. Si la justice sud-coréenne est longtemps restée en retrait, les nouvelles générations législatives prennent ces sujets à coeur et investissent avec une rigueur propice l’amélioration du cadre légal.
La loi travail de 2019
La nouvelle Loi Travail de 2019 établit une nouvelle réglementation des interactions entre employeurs et salariés. Elle concerne aussi bien les conditions d’emploi, la représentation des employés, les discriminations, les droits de la famille et de la maternité, la vente commerciale, la rupture de contrat, la protection des intérêts commerciaux, la protection des données privées, les procédures juridiques.
Ainsi, par exemple, les sociétés de plus de 30 employés devront désormais disposer d’un « conseil des travailleurs » avec une répartition de 1/3 management et 2/3 opérationnel. Les comportements discriminants liés au genre, à la religion, au statut social, à la nationalité, à l’âge ou au handicap sont désormais condamnables.
Les femmes enceintes ont désormais 90 à 120 jours de congés maternité. Les employeurs doivent assurer la conservation du poste de l’employée arrêtée. Les hommes ont le droit à trois jours de congé paternité et deux jours supplémentaires (non payés par l’entreprise). Les parents peuvent bénéficier d’une année entière de congés s’ils ont des enfants de moins de 8 ans et peuvent demander un allègement du temps de travail.
Discrimination et harcèlement au travail, que dit la loi ?
Dans ce cadre, le harcèlement au travail est particulièrement visé. Adopté en novembre 2017, l’Acte pour l’Égalité des Opportunités d’Emploi et l’Aide à l’Équilibre de la Vie au Travail valide l’interdiction du harcèlement au travail. Les employeurs doivent désormais s’assurer d’une prévention anti harcèlement sur le lieu de travail. Le cadre du dépôt de plainte et de l’arrangement à l’amiable est aussi clarifié :
- Est directement reconnu comme harcèlement tout abus verbal par un employeur, un employé, un client ou un usager.
- Obligation des entreprises et organisations de traiter les questions de harcèlement dans leurs closes de travail.
- Obligation des employeurs de considérer les faits d’intimidation et de harcèlement au travail.
- Considérer les détresses mentales dues aux harcèlements et aux intimidations professionnelles comme une maladie professionnelle.
Les peines en cas d’abus
En cas de vérification de harcèlement au travail, les peines peuvent désormais être très lourdes. Des amendes jusqu’à 30 millions de wons (soit environ 22 750 €) et trois ans d’enfermement peuvent être imposés aux accusés. Les entreprises qui ne se conformeraient pas au cadre légal, seraient exposées à une amende de 5 millions de wons (3 792 €).
La Corée d’aujourd’hui et de demain
Le pays du Matin frais n’en est pas à sa dernière évolution en termes de loi sociale. La condition des femmes mais aussi des travailleurs raconte une mutation des moeurs profondes dans un pays encore tout empreint de confucianisme. Les débats houleux qui animent le pays sont autant d’étonnants spectacles. On vous invite à relire nos articles sur l’avortement, le mouvement molka, le mouvement #meetoo, le temps de travail. Vous y retrouverez l’incroyable transformation de la Corée du Sud des années 2010 !
Sources : ICGL explication de la loi coréenne (eng) | Lexology Résumé de la loi | Expat | CNews
Article rédigé par Casado Hélène.