Sortie en début d’année, Les Daronnes de Ma Yeong Shin fait partie de ces œuvres qui attirent l’œil par son titre et sa couverture percutante. Cette bande dessinée sort des standards, et est d’un réalisme que l’on ne peut mettre en doute. Voici mon opinion !
Les histoires de la mère de Ma Yeong Shin
Né en 1982 à Séoul, Ma Yeong Shin commence ses publications dans des magazines en 2007, et celles des webtoons à partir de 2015. Il comptabilise à ce jour neuf livres publiés. Les Daronnes est le premier à être traduit en français. L’origine de cette bande dessinée est assez surprenante :
« Chaque fois que je faisais le ménage, je me sentais désolé pour ma mère. Puis, tout à coup, j’ai pensé que ce serait amusant d’écrire une bande dessinée dont ma mère serait le personnage principal. On dit que l’endroit le plus sombre est juste sous la bougie. J’ai passé à ma mère un cahier ainsi qu’un stylo et j’ai écrit sur la première page « Si vous souhaitez que votre fils réussisse, veuillez décrire honnêtement votre vie, vos amis et votre histoire d’amour dans ce cahier. » […] En moins d’un mois, ma mère avait écrit une quantité non-négligeable de pages. »
Postface des « Daronnes »
Ma Yeong Shin
C’est à partir de ces récits que Ma Yeong Shin a pu développer cette histoire et mieux comprendre la vie de sa mère. Par ailleurs, Les Daronnes a reçu l’Harvey Award du Meilleur livre étranger en 2021. C’est une récompense prestigieuse dans l’industrie de la bande dessinée.
Mon avis sur Les Daronnes
À part les couvertures en couleurs, le reste de la bande-dessinée est en noir et blanc. Ce contraste a attiré mon intérêt. Le style graphique permet de se focaliser sur le réalisme de l’histoire, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est dénuée de « couleurs ». Les expressions et les moments de silence – sans bulle de dialogue – sont très éloquents sur les émotions des personnages, leurs doutes et leurs espoirs. La vie n’épargne pas la bande de ces quinquagénaires qui ne désire qu’une meilleure vie. Pourtant, les problèmes semblent s’enchaîner…
Le second point fort des Daronnes est de briser ce cliché des « ajumma » (아줌마), ces femmes représentées dans les fictions et les médias comme étant des mégères. Par le biais de la mère de l’auteur, on a accès à son point de vue et à son histoire. Le personnage de Lee So Yeon a beaucoup sacrifié pour ses enfants alors que son mari, en plus de s’être endetté, est parti voir ailleurs. Si ce n’était que le problème issu d’un seul homme… Tout au long de l’œuvre, il est difficile de ne pas avoir d’empathie pour ces femmes, sans cesse entourées par des hommes qui profitent de la situation et n’assument pas leurs actes. Aussi bien dans les relations amoureuses qu’au travail, les hommes les confrontent, les culpabilisent et sont méprisants. Seules l’acceptation et les conséquences sont le lot des femmes.
Certes, elles se jugent, parfois durement, mais se rendent bien compte que leur situation n’est pas simple et qu’il n’y a pas de mal à souhaiter des jours sans souci. Alors, elles se voient, s’épanchent sur leurs sentiments et se supportent. Cette œuvre a beau être rude, elle n’empêche pas le lecteur de se prendre d’affection pour les « daronnes ».
Où trouver Les Daronnes ?
Yeong Shin Ma, Les Daronnes, traduit par Lee Hyon Hee, Atrabile, février 2023, ISBN : 978-2-88923-124-9, au prix de 25 euros.
Un peu trop curieuse quand un sujet la passionne, Oriana est tombée dans la marmite coréenne en 2017. Depuis, la Corée s’est fait un devoir d’envahir son esprit, à son plus grand bonheur ! Et si elle peut partager, c’est le nec plus ultra.