À propos de l’auteur
Jeong Seok Ho (정석호) est un peintre et manhwaga sud coréen dont le talent est très reconnu. Il est né en 1967 et a suivi des études de peinture classique. Spécialiste des techniques à l’encre de chine et au lavis, Jeong Seok Ho est l’auteur du chef-d’œuvre Tigre Blanc (잭호) qui lui a valu de nombreux prix en Corée. En tant que peintre, il expose régulièrement ses œuvres à l’encre de Chine, en Corée du Sud, en Asie et aux États-Unis.
Résumé
Un jeune artiste prodige vit en peignant des copies de peintures coréennes célèbres et disparues. Mais son talent cache un trouble secret. L’esprit du peintre Solgeo du royaume de Silla prend possession de lui chaque fois qu’il tient un pinceau.
Mon avis sur Le rêve millénaire de Solgeo de Silla
Le rêve millénaire de Solgeo de Silla est un manhwa culturel qui met à l’honneur, le temps d’un oneshot, la peinture classique du pays du matin frais. Présenté par le KOMACON (Korea Manhwa Contents Agency), lors de l’année Visit Korea, ce manhwa est une œuvre unique. Il a été sélectionné pour représenter la culture coréenne à l’étranger auprès de deux autres livres : Histoire du Hangul de Kim Eun Sung et Un vampire sans peur et sans reproche de Seo Ji Hyun. Tous trois furent traduits et diffusés en 2016 dans plusieurs institutions internationales liées à la Corée.
extrait du manhwa le rêve millénaire de Solgeo de Silla
On suit l’histoire de Gang Dong Yeok, un jeune peintre talentueux. Il vit d’une double activité, partageant son temps entre certifier l’authenticité des œuvres picturales et les reproductions illégales. Mais le véritable secret de Gang Dong Yeok est qu’il est habité par l’âme du légendaire peintre Solgeo de Silla. L’incarnation fantasmagorique peint des chef-œuvres qui naissent nombreux sous le pinceau du jeune peintre. Mais peu à peu, il dévore aussi la vie de son hôte. Par cette métaphore, Jeong Seok Ho symbolise l’artiste consumé par son propre art.
Mais il raconte aussi la détresse d’un pays qui a perdu à maintes reprises des trésors nationaux. Le lien vital et morbide qui lie Solgeo à Gang Dong Yeok est autant la chaîne qui noue l’artiste à son art que la corde qui rattache l’homme à son histoire (tant personnelle que nationale). Dès lors, le rêve millénaire de Solgeo de Silla n’est pas qu’une œuvre visant à divertir tout en éduquant à la peinture coréenne.
Le geste et la couleur
Sur le plan stylistique, Le rêve millénaire de Solgeo de Silla se place à la croisée de la peinture classique coréenne, du style mangakesque Gekiga, de l’expressionnisme littéraire et du webtoon. La technique à l’encre de chine donne une puissance narrative qui se mêle à un style manhwa plus hérité du manga japonais des années 1970. De discrètes intégrations par assistance numérique et la mise en couleurs des premières pages laissent entrapercevoir une utilisation des techniques des webtoons. Celle-ci se mêle discrètement à l’expressivité des traits peints au pinceau et au geste du peintre.
extraits du manhwa Le rêve millénaire de Solgeo de Silla
Le livre s’ouvre sur sept pages en couleur dont le lyrisme visuel raconte l’art millénaire de la peinture coréenne. Puis le manhwa se pare de nuances de gris et de couleurs détrempées. Le monde des vivants est ainsi tracés de vifs gestes à l’encre de chine tandis que les peintures, fidèles reconstitutions miniatures, semblent être les seuls éléments animés de couleurs. Tout au plus, la peau des personnages est incarnée par un léger lavis rosé.
Cette rencontre entre plusieurs styles sert une narration bien particulière. Comme dans la littérature coréenne, Le rêve millénaire de Solgeo de Silla transmet plus une boule d’émotions qu’une simple histoire. C’est une des particularités des arts narratifs coréens. Le mot sert moins le sens que le sentiment. Ici, le dessin obéit à cette même règle.
Un hommage à la peinture coréenne
Le rêve millénaire de Solgeo de Silla est aussi un livre d’initiation à la peinture coréenne. Bien que discrète, cet effort d’éducation passe par des références régulières à d’autres peintres coréens. La scène dans l’exposition des peintures de bambous (un genre à part entière en Corée) rappellera, pour certains, l’exposition de Lee Ungno. Il s’agirait en réalité de l’artiste Kim Jin Wu. Des personnages fictifs tels que Kang Seong Yeong ou Yee Seong Jwa (Yasong) sont des pastiches de personnes ayant réellement existé.
extraits du manhwa Le rêve millénaire de Solgeo de Silla
Mais certains artistes cités dans le livre sont de véritables trésors nationaux pour la Corée. C’est le cas de Choi Buk (최북), Kim Hong Do (김홍도), Shin Yun Bok (신윤복), Yun Seon Do (윤선도), Sim Sa Jeong (심사정), Kim Jeong Hui (김정희) et Kim Gi Chang (김기창). Le manhwa est une occasion simple et fine de découvrir ces grandes figures de l’art asiatique. Il esquisse aussi en certains endroits des lieux d’art à visiter tel que le musée des Beaux Arts de Samseon. Il fait aussi, par exemple, référence au Musée Joseon en Corée du Nord, rappelant les séquelles que la guerre de Corée et la séparation ont eu pour les arts classiques coréens.
Conclusion
C’est un manhwa que vous aurez peine à trouver car sa rareté est assurée. Mais une fois en main, vous aurez plaisir à en tourner les pages. Divertissement de quelques heures, ce oneshot sans prise de tête est idéal pour appréhender la peinture coréenne facilement. L’histoire en soit est assez sombre. Elle n’est pas sans rappeler la figure romantique de l’artiste tourmenté. Mais cette tourmente d’émotions ne s’enferme pas qu’à l’échelle personnelle du personnage. Elle va jusque dans l’intimité de l’Histoire coréenne. Là où le Han de l’art, incarné par l’esprit de Solgeo, renaît à la vie.
Où le trouver ?
Le rêve millénaire de Solgeo de Silla de Jeong Seok Ho, Ed. KOMACON, Kim Sun Youn et Mettauer Jean Baptiste, ISBN: 978-89-6818-147-4, 2017
Sources : KOMACON | préface Tigre Blanc de Jeong Seok Ho | préface de Le rêve millénaire de Solgeo de Silla de Jeong Seok Ho
Article rédigé par Casado Hélène.