Changement de thème avec cette lecture des Touristes du désastre de Yun Ko Eun. Attirée par la couverture, je me suis laissée tenter en pensant avoir affaire à un thriller. Pas du tout. Mais la surprise fut attrayante.
Avant-propos
Les Touristes du désastre est le premier livre de Yun Ko Eun traduit en France. Elle était encore à l’université de Donguk lorsqu’elle a commencé à publier. À ce jour, sa bibliographie compte quatre romans et quatre recueils de nouvelles, dont des prix littéraires.
Son deuxième roman, que je vous présente ici, a reçu en 2021 le prix britannique CWA Dagger de la Crime Writers’ Association dans la catégorie des thrillers, à la suite de sa traduction anglaise. Son sujet : le tourisme noir (dit aussi macabre). Nous y suivons Yona, conceptrice de voyages pour l’entreprise nommée la Jungle.
Théorisé dans les années 1990, le tourisme noir est défini « comme le fait de voyager sur des lieux associés à la mort, à la souffrance et au macabre. » C’est le cas de Tchernobyl, dont la série de 2019 avait relancé la curiosité sur la catastrophe nucléaire… malgré le danger des radiations toujours présent. Avec le sujet et le titre du livre, on comprend déjà dans quelle direction Yun Ko Eun veut nous emmener : jusqu’où le capitalisme peut-il commercialiser sur la désolation ?
Mon avis sur Les Touristes du désastre
J’ai été agréablement surprise par le roman. Le style d’écriture est fluide et ne se perd pas en digressions inutiles. On sent que Yun Ko Eun a écrit des nouvelles et la lecture m’a fait du bien après d’autres livres sur des sujets plus pointus… et moins digestes.
Pour une fois, je ne me suis pas attachée tant que ça aux personnages et notamment à Yona, le personnage principal. Peut-être parce que l’on sent qu’elle ne prend pas les décisions que l’on attend d’un héros de fiction, bien que l’emprise de la Jungle nuance le tableau. On est certes dans un roman de fiction, mais le réalisme est flagrant. Les personnages savent ce qu’ils font et ce qui en découle, sans vouloir prendre le risque de changer la situation. La Jungle n’est que le reflet de ces grandes entreprises capitalistes. Le tourisme noir est lui-même dénoncé par l’impact qu’il a sur les lieux et leurs habitants, comme le découvre Yona.
« Les paroles de l’accompagnatrice résonnaient dans le vide. Un panneau d’avertissement à l’amorce du périple s’efforçait de créer un climat de frayeur, mais l’atmosphère ne s’y prêtait pas. Des enfants du coin jouaient en se roulant par terre. Des marchands proposaient de calmer la faim des voyageurs à la coréenne. Il y avait même des nouilles instantanées et du riz provenant de Corée. »
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À mesure que l’on avance dans l’histoire, on assiste à la mise en place d’une pièce de théâtre. On découvre l’envers du décor, les différents acteurs dans l’ombre et qui dirige l’ensemble de la troupe. Rapidement, je me suis même demandée si les mésaventures de Yona n’étaient que pure coïncidence. Puis frappe l’ironie du sort et tout redevient comme avant : un tourisme de désastre.
« Yona se résigna à incorporer le volcan dans le programme sous la pression du gérant, malgré la désagréable impression d’être manipulée non dans l’intérêt général de l’île, mais dans celui de quelques personnes. Mais y avait-il un job où les choses se passaient différemment ? »
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Contrairement à ce que fait penser la couverture, Les Touristes du désastre tient plus de la fable que du roman policier. Bien que les événements m’aient parus prévisibles, ce fut une lecture plaisante.
Où trouver Les Touristes du désastre ?
Les Touristes du désastre, Yun Ko Eun, traduit par Jeong Eun Jin et Jacques Batilliot, La Croisée, octobre 2021, ISBN : 978-2-413-03000-3, au prix de 20 euros.
Source photo : Korea Herald