Avec une pénurie de médecins inédite, le secteur médical sud-coréen traverse une crise sans précédent à laquelle le gouvernement de Yoon Suk Yeol tente de répondre en dialoguant avec les syndicats.
Une situation médicale préoccupante
Cela fait des années que les déserts médicaux sont un sujet de société en France, où l’on compte 3,4 médecins pour 1 000 habitants. Mais en Corée du Sud, la situation est bien plus inquiétante, avec 2 médecins pour 1 000 habitants (pour référence, la moyenne de l’OCDE est de 3,7). Or, malgré le vieillissement de la population, le nombre annuel de places en école de médecine, qui est de 3 000, n’a pas évolué depuis plus de vingt ans.
Ces dernières années, la situation s’empire au point que les pénuries de médecins se multiplient dans les domaines vitaux. En août 2022, une infirmière victime d’une hémorragie cérébrale alors qu’elle était en fonction n’a pas pu être opérée dans son hôpital en raison de l’absence de médecin qualifié. Elle a donc dû être transférée dans un autre hôpital, où elle a perdu la vie. En mars 2023, une adolescente tombée d’un immeuble est décédée dans une ambulance après avoir été refusée par de nombreux hôpitaux surchargés.
Il ne s’agit pas de cas isolés. Nombre de cas similaires sont à déplorer : entre 2018 et 2022, les hôpitaux sud-coréens ont refusé plus de 12 330 ambulances à cause de l’absence de médecins. Si rien ne change, la Corée fera face à une pénurie de 27 000 médecins en 2035 selon l’institut coréen pour la santé et les affaires sociales.
Des médecins qui s’opposent à l’évolution des quotas
Pourquoi ce quota n’a-t-il pas évolué depuis deux décennies ? Le principal syndicat des médecins sud-coréens, le KCM (association médicale coréenne), s’oppose à l’idée de changer une situation qui est favorable à la profession.
En effet, en gardant une offre de service restreinte, les médecins peuvent garder une rémunération conséquente. Un médecin coréen gagne environ 164 429 euros par an, ce qui est à peu près le double de la moyenne de l’OCDE (en France, un médecin généraliste gagne jusqu’à 120 000 euros par an). Dans les zones rurales coréennes, comparables aux déserts médicaux français, la rémunération peut atteindre 650 286 euros par an.
Dans cette même logique, de nombreux médecins quittent l’hôpital pour aller travailler dans des cabinets privés, beaucoup plus lucratifs. Cela est notamment le cas de 80 % des chirurgiens des grands hôpitaux, qui se tournent vers le domaine de la chirurgie esthétique.

La réponse politique à la pénurie de médecins
Lorsque la France met fin au numerus clausus en 2020, le président Moon Jae In veut augmenter le quota annuel de médecins en Corée du Sud de 400 places. Mais les médecins se mettent alors en grève, en dépit de la crise sanitaire.
Avec l’aggravation de la situation, le gouvernement de Yoon Suk Yeol annonce également un nouveau plan de réforme ce 18 mai, afin d’augmenter le quota de 16 %. Le cas échéant, 3 500 diplômes de médecine seront délivrés chaque année à partir de 2025. Ce 9 juin, le gouvernement et le KMC parviennent à un accord pour commencer les négociations. Afin de faciliter ces dernières, le gouvernement sud-coréen lance par ailleurs un programme pilote de télémédecine, permettant aux médecins et pharmaciens qui y ont recours d’avoir une prime de 30 % de la part du NHIS (service national d’assurance maladie).
Mais rien n’est gagné d’avance et le parti de Yoon Suk Yeol se prépare à d’éventuelles grèves des médecins : à l’annonce de l’accord, le KMC déclare que « l’accord ne porte pas sur l’augmentation de la capacité des inscriptions. Il signifie seulement que nous sommes prêts à négocier sur le sujet ». Selon le syndicat, la situation actuelle ne résulte pas d’une pénurie de médecins, mais du stress et des responsabilités que doivent gérer les médecins lorsqu’ils doivent sauver des vies.
Sources : The Diplomat | The Korea Times | Yonhap News Agency
Sources image : 990 the answer | Time