Jeong Yak Yong (정약용), de son nom de plume Dasan (다산), qui signifie « la montagne du thé » (茶山), est considéré comme l’un des savants coréens les plus importants, que ce soit dans le domaine des sciences, de la philosophie, de l’écriture et de la technologie.
Dasan : Biographie
Né en 1760 d’une seconde union, il descend d’une famille noble qui, depuis 1460, occupe une place importante au sein du gouvernement. Cependant, en 1762, le roi Yeongjo au pouvoir à cette époque, fait assassiner son propre fils, le prince Sado. Choqué par cette décision, le père de Dasan renonce à ses fonctions et se retire dans sa demeure en campagne. C’est alors lui-même qui s’occupe de l’éducation de son fils et lui inculque les valeurs que les plus grands penseurs lui ont transmises. Il s’inspire des théories et autres connaissances de penseurs tels que Toegye (퇴계), un philosophe confucéen des plus importants en Corée, et des écrits laissés par ses ancêtres, qui avaient eu les meilleures éducations, sous la tutelle des plus fameux savants coréens.
Dès l’âge de 9 ans, Dasan se montre déjà très observateur et commence à écrire des recueils de poèmes. Au cours de son adolescence, il se passionne notamment pour les sciences pratiques et la théorie gouvernementale et sociétale. Il s’inspire des idéologies des savants néo-confucéen tels que Yi Ik, l’auteur d’un recueil sur les principes de réformes pour une meilleure équité au sein de la société coréenne de l’époque. Impressionné par ces écrits, Dasan décide de vouer sa vie à approfondir ses recherches et entre à l’Académie Nationale confucianiste en 1783.
Seulement un an après, il est remarqué par le roi Jeongjo, grâce notamment à son objectivité lors des examens qui, durant cette période, constituaient en des questions choisies personnellement par ce dernier. Naît alors une profonde amitié entre le roi et Dasan, qui se voit offrir une place de choix au gouvernement.
Service auprès du roi
Après avoir été remarqué par le roi Jeongjo, Dasan se voit promu aux meilleures postes au sein du gouvernement. Sa perspicacité et son objectivité font de lui un maître à penser, et le roi voit en lui un conseiller loyal et sûr.

Passionné par l’ingénierie, il construit et développe en 1792, à la demande du roi, une grue afin d’augmenter l’efficacité de la construction de la forteresse Hwaseong. Cet outil de construction, que l’on appelle geojunggi (거중기), est un appareil pouvant soulever des objets très lourds grâce au principe de la poulie, encore peu répandu à cette époque.
En 1794, il est choisi pour enquêter secrètement sur les rapports de corruption qui se font entendre dans la province de Gyeongi.
En 1795, il conseille le roi pour le choix d’un nouveau titre posthume pour son père le Prince Sado, tué par son grand-père des décennies plus tôt. Une tâche difficile, car la cour se divisait en deux parties : les partisans du roi Yeongjo, auteur de l’assassinat, et les partisans du prince, qui prônaient la conspiration. Afin d’éviter toute tension interne au sein du gouvernement, le roi envoie Dasan dans la Province de Pyeongan, au Sud-Ouest de l’actuelle Corée du Nord.
Au cours de son séjour à Geumjeong, il tente de persuader les catholiques présents, influencés par le savoir européen, de rejeter cette nouvelle religion, non conforme à la société néo-confucéenne en place à cette époque. Il est rappelé un an après en 1796 à la cour, et reprend son poste de conseiller auprès du roi.
Cependant, suite à son retour, ses ennemis l’accusent d’être partisan du catholicisme. Il décide donc de quitter la cour en 1799, mais le roi le rappelle en 1800, car le lien créé au fil des années entre les deux hommes semble indéfaisable.
Exil
Peu après son retour auprès du roi, ce dernier meurt subitement. Son unique successeur, étant trop jeune pour régner, c’est la seconde femme du roi Yeongjo, son grand-père, qui prend le pouvoir. Ayant une vision différente de la société, elle lance une persécution massive des catholiques présents dans la péninsule. Le frère aîné de Dasan, à la tête même de la communauté catholique, est arrêté et tué, ainsi que son neveu. Dasan, après de longs mois de torture, et après avoir été jugé non catholique, est envoyé pour dix-huit ans en exil à Gagngjin, au Sud-Ouest de la péninsule, non loin de l’île de Jeju en 1801. Il trouve refuge chez une veuve pauvre du village, et y reste jusqu’en 1805, lorsque la reine au pouvoir meurt, et que le fils du roi précédent reprend le trône. Ce dernier arrête immédiatement les persécutions des catholiques. Cependant, envoyé en exil sous le règne de la reine-mère, Jeong Yak Yeong ne peut rentrer sur Séoul. Il décide de se retirer dans un temple pendant quelques années, jusqu’en 1808.
Naissance de l’artiste Dasan
En 1808, il hérite de la maison familiale d’un membre lointain de sa famille. Située aux abords de la montagne Dasan, surplombant la vallée de Gangjin, il décide de s’y installer. Il prend le nom de cette montagne, qui lui a offert un refuge sûr et paisible. Il enseigne alors à de nombreux jeunes confucianistes, et passe son temps libre à écrire. Inspiré par ses prédécesseurs tels que Yi Ik et Toegye, il établit de nombreuses théories et programmes de réforme, pour une meilleure gouvernance du pays, prenant racine dans les idéaux confucianistes.

Il est finalement autorisé à retourner chez lui en 1818. Lors de son retour, il publie ses travaux, tels que Heumheumsinseo, sur la jurisprudence, Aeongakbi, basé sur la linguistique, Sadekoryesanbo pour la diplomatie, et Mongminsimseo, sur l’art de gouverner et l’administration d’un pays.
Il ne reprendra cependant pas sa place à la cour. Il passe le reste de sa vie dans sa maison familiale près de Séoul, à écrire et développer ses théories et écrits, sur la politique et l’économie, en passant par les sciences naturelles, la médecine et la musique. Il meurt en 1836, laissant derrière lui de nombreuses œuvres, une source d’informations non négligeable pour ses successeurs.
Jeong Yak Yeong, ou Dasan, reste encore aujourd’hui une figure d’innovation et de diplomatie, comme le témoignent bon nombre de ses œuvres. Préoccupé par la pauvreté grandissante de son pays, il a passé sa vie à élaborer des réformes dans le but d’instaurer une société juste et équitable pour tous. Inspiré par la pensée originelle de Confucius, il s’opposa plusieurs fois à certains philosophes de son temps, les accusant de se plier au bon vouloir du gouvernement régnant, au lieu de se pencher sur les injustices sociétales que traversait le pays.
Néo-confucéen visionnaire du XVIIIe siècle, sa pensée reste encore aujourd’hui un exemple et un symbole d’une société juste et équitable. Elle s’inscrit encore dans la modernité d’un pays en constante évolution.
Source : Chong YagYong-Korea’s Challenge to Orthodox Neo-Confucianism – Mark Setton (1997) | Palais, James B. (1996). Confucian Statecraft and Korean Institutions: Yu Hyŏngwŏn and the Late Chosŏn Dynasty. Seattle, Washington: University of Washington Press.
Article rédigé par Kim.