Mi-avril, les autorités japonaises ont annoncé leur décision de reverser dans l’Océan Pacifique les eaux contaminées issues de la centrale nucléaire de Fukushima. Cette décision n’a pas laissé de marbre la communauté internationale et tout particulièrement la Corée du Sud, pays voisin du Japon. À tort ou à raison ?
Fukushima après le tsunami
Tout le monde se souvient du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappés le Japon en 2011. Ces catastrophes naturelles avaient alors provoqué la destruction de la centrale nucléaire de Fukushima, ainsi que du système de refroidissement de ses trois réacteurs. Les autorités japonaises avaient alors dû utiliser un million de tonnes d’eau pour les refroidir et empêcher une catastrophe nucléaire.
La société qui s’occupe de stocker cette eau n’a aujourd’hui plus assez de place dans ses réservoirs, ce qui a mené le gouvernement japonais à agir : l’eau contaminée va être progressivement déversée dans l’Océan Pacifique à partir de 2023, sur plus de 30 ans. Il faut savoir que la majorité des centrales nucléaires dans le monde rejettent des eaux radioactives dans la nature : la France déverse par exemple annuellement 1,3 fois que ce que va déverser le Japon sur 30 ans. Mais cette décision a malgré tout provoqué de nombreuses protestations en Corée du Sud, pays voisin du Japon.
Protestations en Corée
Le 16 avril, des protestations ont eu lieu en Corée du Sud contre cette décision. Des groupes de commerçants de l’industrie de la pêche ont tenu une conférence de presse devant l’ambassade du Japon à Séoul, afin de condamner l’action du gouvernement japonais, qui a unilatéralement pris cette décision sans en discuter avec ses pays voisins au préalable. Selon eux, le déversement de l’eau contaminée dans l’océan impacterait fortement l’industrie de la pêche, d’autant plus que les courants marins du Pacifique finiront par amener l’eau radioactive en mer de l’Est, où se situent la majorité des navires de pêche coréens.
L’industrie de la pêche n’est pas seule à protester. Plusieurs groupes ont manifesté dans la capitale pour dénoncer les conséquences de la décision japonaise sur l’environnement, tout en dénonçant le fait que les États-Unis ne s’y soient pas opposés. Fait rare pour être noté, la Corée du Nord s’est exprimée sur le sujet à travers son agence centrale de presse coréenne (KCNA). Celle-ci a assimilé le déversement de ces eaux à une nouvelle catastrophe pour l’humanité, tandis que le Choson Sinbo, un journal pro-Corée du Nord au Japon, est allé jusqu’à considérer l’action du gouvernement japonais comme un « crime contre l’humanité ».
On pourrait croire que ces nombreuses protestations ne sont qu’un moyen d’exprimer le ressentiment anti-japonais des Coréens. Or, cette décision du gouvernement japonais fait parler d’elle dans le monde entier. On peut alors s’interroger sur les véritables conséquences du déversement de ces eaux contaminées dans l’océan Pacifique.

Quelles sont les conséquences sanitaires ?
Il faut savoir que les eaux contaminées de Fukushima contiennent du carbone-14, du strontium-90 et du tritium, qui sont des composants radioactifs. Même si les autorités japonaises affirment avoir filtré les eaux, la technologie actuelle ne permet pas d’enlever toutes les matières radioactives qui y sont présentes et certaines traces de tritium sont encore présentes après les filtrages. Le gouvernement japonais a donc expliqué que la quantité de tritium encore présente dans l’eau était très faible et inoffensive pour la santé.
Qu’en est-il ? Certains scientifiques affirment que même à faible dose, le tritium affecte les poissons et donc les humains qui en mangent. Le rapporteur sur les droits de l’Homme et l’environnement David Boyd a d’ailleurs publié un rapport dans lequel il précise que le déversement des eaux contaminées présente un risque sur l’environnement, dont les effets seront visibles pendant plus de 100 ans. Des ingénieurs tels que Tristan Kamin déclarent, quant à eux, que la concentration du tritium dans l’océan est si faible qu’elle est compatible avec les normes de l’eau potable. L’ingénieur rappelle en outre que les océans contiennent de base des éléments plus radioactifs que le tritium. Selon lui, le déversement de ces eaux n’aurait donc aucune conséquence écologique ou sanitaire.
Que faire des eaux contaminées de Fukushima ?
Les Sud-coréens et la communauté internationale sont tous concernés par la décision qu’a prise le gouvernement japonais. Si le Japon aurait en effet dû se concerter avec d’autres nations au préalable, il s’avère que ce « rejet contrôlé » de l’eau dans l’océan est aujourd’hui la seule solution réaliste selon les scientifiques. Il a par exemple été envisagé de faire évaporer cette eau dans l’air, mais cette alternative s’est avérée trop énergivore et moins efficace.
La Corée du Sud étant directement touchée de par sa proximité géographique avec le Japon, le gouvernement de Moon Jae In a organisé une réunion ministérielle à la suite de cette décision, afin de s’assurer du bon déroulement du processus de déversement. Le président sud-coréen aurait d’ailleurs envisagé de porter la question devant le Tribunal international du droit de la mer (TIDM), même si cette idée a peu de chance d’aboutir à cause de l’absence d’alternatives réalisables.
Sources : Yonhap News Agency (1)(2)(3) | The Korea Herald | L’express | Marianne