La Corée du Nord est un pays intéressant à bien des égards. Mais il peut être difficile de s’y pencher quand on ne connaît pas du tout le sujet. À l’approche des fêtes de fin d’année, je vous présente donc trois bandes dessinées qui donneront l’occasion aux néophytes de mieux connaître le pays !
La Corée du Nord en bande dessinée, pourquoi ?
La Corée du Nord est un pays que peu de francophones ont eu l’opportunité de visiter. Et même pour ceux qui en ont eu l’occasion, il est difficile d’en ramener des images ou des vidéos. On le voit dans les reportages lorsque les journalistes qui se voient octroyer un visa par la Corée du Nord n’ont le droit de filmer qu’un nombre limité d’endroits et ne peuvent communiquer qu’avec des intervenants désignés par le régime. La bande dessinée est donc sans doute le média le plus intéressant pour découvrir le pays : en plus de nous raconter une histoire, les auteurs ont la possibilité de nous partager leurs impressions et leurs ressentiments, autant par le texte que par l’image.
Cet article vous présentera donc trois bandes dessinées (ou « romans graphiques »), dont certaines écrites par des personnes qui sont allées en Corée du Nord, et qui présentent de manière critique le pays et son régime politique.
Pyongyang de Guy Delisle
Dans Pyongyang, on suit le canadien Guy Delisle en voyage professionnel dans la capitale de la Corée du Nord. Pendant plusieurs mois, il va superviser la sous-traitance d’une série d’animation occidentale par la Scientific Educational Korea (SEK). Mais au-delà de son travail, Guy Delisle va nous parler de son quotidien dans ce pays fermé aux étrangers et nous présenter la Corée du Nord, en nous partageant réflexions et anecdotes.
À la sortie de Pyongyang, en 2003, la péninsule coréenne était encore méconnue du grand public (la première planche de la bande dessinée est d’ailleurs une carte du monde dans laquelle la Corée est encadrée, afin que le lecteur puisse la situer). Guy Delisle était donc l’un des premiers à nous montrer Pyongyang par le dessin. Bien que cette bande dessinée ait aujourd’hui vingt ans, les réflexions de l’auteur sont toujours aussi pertinentes. En outre, l’humour et le sarcasme dont ses propos et ses dessins sont agrémentés facilitent la lecture : on peut lire la bande dessinée d’une traite sans voir le temps passer, tout en découvrant la vie des étrangers en Corée du Nord et la place de la dynastie Kim. Guy Delisle nous montre qu’il ne faut pas chercher à comprendre ce qui relève du « bon sens », mais simplement suivre les directives du régime nord-coréen…
« Dans toutes les pièces, de tous les étages, de tous les immeubles, de toute la Corée du Nord, se trouvent accrochées sur un mur, les photos côte à côte de papa Kim et de son rejeton. Sauf dans les chiottes,… of course. »
Guy Delisle, Pyongyang
La faute, une vie en Corée du Nord de Michaël Sztanke, Alexis Chabert et Fabrice Toudret
Non sans rappeler la bande dessinée de Guy Delisle, La faute, une vie en Corée du Nord suit le journaliste reporter Michaël Sztanke pendant les dix jours qu’il passe en Corée du Nord. En parallèle, la bande dessinée se concentre également sur Cho Il, son guide du ministère des Affaires étrangères nord-coréen. Celui-ci, qui a commis une faute inexcusable en oubliant de porter le badge officiel à l’effigie du leader, doit devenir le guide exemplaire du journaliste afin de protéger sa vie et celle de sa famille.
Publié en 2014, La faute, une vie en Corée du Nord ne s’embête plus à nous présenter la Corée du Nord, pays désormais connu en Occident grâce à Pyongyang et à la popularité croissante de sa voisine du Sud. J’ai beaucoup aimé le fait que Michaël Sztanke se serve de son séjour en Corée du Nord comme prétexte pour créer une histoire centrée sur son guide. Ce mélange de documentaire et de fiction, qui se remarque notamment par le changement de style du dessin, permet aux lecteurs d’en apprendre davantage sur la Corée du Nord, tout en suivant les péripéties de plusieurs personnages et en s’inquiétant pour leur sort. Deux histoires se déroulent en même temps, une du point de vue d’un étranger en Corée du Nord, et l’autre du point de vue de Nord-Coréens dont la vie est en danger et qui cherchent à fuir leur pays.
L’anniversaire de Kim Jong-Il d’Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag
Dans L’anniversaire de Kim Jong-Il, Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag nous racontent l’histoire de Jun Sang, un jeune nord-coréen né le même jour que Kim Jong Il. Comme les autres garçons de son pays, Jun Sang sait que le leader veille sur lui et lui enseigne tout ce qu’il doit faire et haïr. Mais tout ce qu’il croit dur comme fer est bouleversé par l’arrivée de la famine en Corée du Nord et les conséquences qu’elle aura sur Jun Sang et sa famille…
Contrairement à ce que je m’attendais, L’anniversaire de Kim Jong-Il est le plus dur des trois récits à lire. En effet, les autres bandes dessinées sont racontées du point de vue d’étrangers, à l’écart de la réalité dans laquelle se trouvent les citoyens nord-coréens. Or, dans L’anniversaire de Kim Jong-Il, on suit du début à la fin un petit garçon nord-coréen qui vit à Pyongyang avant que sa famille, après avoir tenté de fuir la famine en allant en Chine, ne soit victime des exactions du régime nord-coréen. Au fur et à mesure de la bande dessinée, Jun Sang grandit et découvre la réalité de la vie sous le régime communiste, qui se dévoile par un passage de la couleur au noir et blanc. J’ai profondément été marquée par les épreuves qu’affronte la grande soeur de Jun Sang, qui n’est pas sans rappeler le sort de l’épouse et de la fille du guide dans La faute, une vie en Corée du Nord. Enfin, j’ai beaucoup aimé la fin de la bande dessinée, qui nous montre que malgré la dureté des épreuves traversées par sa famille, Jun Sang ne perd jamais espoir.
« La vie me tient à cœur. L’espoir en un avenir radieux aussi. Cependant, ma vie, mon espoir, mon bonheur valent moins que la patrie. »
Aurélien Ducoudray, L’anniversaire de Kim Jong-Il
Sources images : Delcourt (1)(2) | L’Association