Vous connaissez probablement l’existence de la Zone Démilitarisée ou DMZ, ce no man’s land à la frontière entre les deux territoires coréens, créé à la fin de la Guerre de Corée en 1953 (plus de détails sur le conflit dans cet article). Mais saviez-vous que depuis 2021, un musée se trouve désormais au cœur de cette zone ? Je vous propose donc aujourd’hui, chers Owlers, de découvrir cet espace culturel si particulier.
Dialogue entre passé et futur, art et paix : le musée UniMARU
La réhabilitation des locaux en musée
Afin de pouvoir accéder à la Zone Démilitarisée et aux territoires coréens, les visiteurs étaient soumis à un contrôle dans un bâtiment situé sur l’emplacement d’un ancien village aujourd’hui disparu, Panmunjeom. Ce lieu a été progressivement abandonné pour une zone de contrôle plus grande en 2007 et a finalement été choisi pour devenir un nouvel espace d’expression artistique en plein cœur de la Zone Démilitarisée.
C’est sous la direction de l’architecte Hyunjun Mihn (à l’origine également du design du Musée d’art moderne et contemporain de Séoul) que le bâtiment a été réhabilité. Il s’agissait ici d’explorer la dimension intemporelle et la relation entre art et paix, au travers de ce nouveau bâtiment. Ainsi, la structure a été conservée comme vestige du passé et de l’identité du lieu, la façade s’est parée d’acier pour symboliser l’intemporalité et le toit a été ouvert pour permettre aux visiteurs d’admirer le ciel, élément commun aux deux territoires divisés, telle une métaphore pour l’espoir d’un avenir pacifié.
Extérieur du musée UniMARU
Une plateforme pour l’art et la paix
Cette vision s’exprime également au travers du nom même de l’espace « UniMARU » (Uni마루), « Uni » signifiant « Un » pour symboliser l’unification et « Maru » signifiant plateforme. L’installation d’un tel espace au cœur de la Zone Démilitarisée s’inscrit dans une démarche pour utiliser l’art comme vecteur de paix et de réflexion autour de ces problématiques, comme le décrivait la directrice du musée dans une interview pour ArtNet News :
« J’ai pensé que l’art pourrait démilitariser la DMZ, que l’art pourrait désarmer, et que les artistes pourraient parler de questions plus compliquées. »
Yeon Shim Chung pour Artnet News
C’est d’ailleurs autour de cette thématique que s’est tenue la première exposition du musée à son ouverture en septembre 2021, intitulée « 2021 DMZ Art and Peace Platform » (« 2021 Plateforme d’Art et Paix de la DMZ »). Les œuvres d’artistes sud-coréens emblématiques tels que Nam June Paik, fondateur de l’art vidéo (retrouver un de mes articles sur l’artiste ici), ont ainsi été présentées avec celles d’artistes internationaux évoquant le sujet de cet espace, comme la peinture murale réalisée par Marjetica Potrč, « What Is DMZ Soil Made Of? » (« De quoi est fait le sol de la DMZ ? »). Un espace vide a également été laissé à l’intention d’une future exposition d’œuvres d’artistes nord-coréens, comme le souhaite la directrice du musée.
Intérieur du musée avec les œuvres de Nam June Paik et Marjetica Potrč
Les sites annexes de la Zone Démilitarisée
Avec le musée, ce sont également d’autres lieux symboliques qui ont été investis par les artistes : les stations ferroviaires de Jejin et Dorasan notamment, ainsi que l’ancien poste d’observation de Paju. En ce qui concerne Jejin, la gare a été restaurée et est visitable sous certaines conditions. Elle présente aujourd’hui les travaux de Seok Kyung Han comme, par exemple, « Si-eon : The Texts of His Times » (« Si-eon : les textes de son époque »), véritable plongée dans l’histoire de ces événements au travers d’une documentation matérielle multimédia et représentée par l’histoire personnelle de son grand-père. À Dorasan, c’est l’œuvre de l’artiste Ye Seung Lee, « Ruffling Landscape – calling us « we » » ( « Paysage troublé – nous appelant « nous » »), qui invite à la réflexion autour du « nous » avec une installation vidéo sur des écrans en forme de vagues ; une œuvre aux multiples symboles tant dans sa structure que dans ces présentations, évoquant des marqueurs communs culturels du passé pour créer un avenir unifié.
Ye Seung Lee, « Ruffling Landscape – calling us « we » »
Les conditions d’accès au musée
Bien entendu, des conditions d’accès à ce musée si particulier existent pour garantir la sécurité des visiteurs. Ainsi, une autorisation délivrée par le Ministère sud-coréen de l’Unification (MOU) est nécessaire pour pouvoir accéder au site, sur lequel sont organisées seulement 5 visites par jour.
L’art permet ici d’ouvrir les perspectives de réflexion sur des thématiques liées à la notion de paix entre deux territoires divisés issus d’une même culture. On retrouve une réelle volonté d’impliquer ces questions territoriales tant dans l’architecture du bâtiment que dans les œuvres présentées, ainsi qu’une articulation autour de la thématique environnementale dans une recherche d’harmonie avec la nature environnante, envisagée comme un trait d’union pour la paix.
Pour retrouver les installations et œuvres présentées, je vous invite à regarder le tour virtuel ci-dessous, disponible sur le site Internet du Musée :
Sources : VisitKorea | ArtNet News | DMZ Platform | CNN Travel
Sources Images : ArtNet News | CNN Travel